Yasuke Kurosan, l’esclave africain devenu samouraï

Projet artistique de Smaïl Kanouté
Projet artistique de Smaïl Kanouté
Yasuke Kurosan, l’esclave africain devenu samouraï
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Yasuke Kurosan, l’esclave africain devenu samouraï

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De l’Afrique au Japon, voici le destin hors du commun de Yasuke Kurosan, l'esclave affranchi devenu samouraï.

Yasuke Kurosan a été le premier samouraï étranger de l’histoire du Japon. Cet esclave africain est passé dans les mains des Portugais, des jésuites italiens, avant de se faire affranchir par un chef de guerre japonais qui lui offre le grade ultime de samouraï.  

“Il n’y a pas deux Yasuke, il n’y en a qu’un et il n’y en aura qu’un dans l’histoire de l’humanité, introduit Smaïl Kanouté, chorégraphe et fondateur d'un projet artistique autour de Yasuke Kurosan. Yasuke est en train de devenir un symbole, parce que ce qui est fou, c’est qu’il était esclave et, au Japon, il est devenu samouraï : c'est unique !” 

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Esclave des jésuites italiens

Les informations sur Yasuke Kurosan sont parcellaires. On sait qu’il est né au XVIe siècle, au Mozambique ou au Congo, et qu’il était un guerrier mais on ne connaît pas son nom. La plupart des détails sur son existence viennent du père jésuite Luís Froís qui raconte son histoire dans son Histoire du Japon en 1586.

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Capturé par des Portugais, il est vendu à des jésuites italiens qui voyagent pour le commerce et pour évangéliser les populations. Ils arrivent au Japon en 1579 avec leur esclave africain. Sa haute taille, estimée à 1m80, et sa peau noire impressionnent les Japonais. Arrivé à Kyoto, l’esclave est repéré par un chef de guerre en passe de réunifier le pays : Oda Nobutada. “Quand celui-ci l’a vu, il a demandé à ses serviteurs de laver son corps car il pensait que c’était de la saleté. Ça ne partait pas... Comme il était grand, qu’il avait l’allure d’un guerrier, il impressionnait. Nobutada lui a appris le bushido, le code des samouraïs, pour qu’il devienne un des samouraïs de sa garde rapprochée”, explique Smaïl Kanouté.

Pris sous l'aile d'un chef guerrier 

Nobutada décide de l’affranchir et de le faire samouraï. Il est nommé Yasuke, un prénom courant au Japon, et surnommé Kuro san, qui signifie “Monsieur noir”. Le chef de guerre Nobutada lui offre également une maison, un katana, le sabre japonais, et lui fait porter sa lance personnelle. Il lui fait confiance et l’intègre aux conseils de guerre. Yasuke est le premier samouraï étranger connu. 

Mais beaucoup de Japonais le voient toujours d’un mauvais œil… “Militairement, il a été intégré rapidement, mais aux yeux des Japonais, il restait un sous-homme", ajoute Smaïl Kanouté. Alors quand Nobutada est trahi par un de ses généraux, Yasuke est emprisonné. Le général traître considère le samouraï noir comme un moins que rien, un animal et décide qu’il ne mérite même pas la mort. Il est abandonné dans une église jésuite de Kyoto et on perd sa trace. 

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Une histoire devenue projet artistique

Quand Smaïl Kanouté découvre qu’un samouraï noir a existé, cela devient une obsession. Un esclave devenu samouraï, le plus haut grade d’honneur du Japon médiéval, le symbole est fort. Il sent un lien entre Afrique et Japon. 

“Ce chef de guerre japonais, Oda Nobutada, s’est senti proche de cet Africain. Je pense qu’il a vu en lui des choses qui lui parlaient directement, des connexions. Quand je suis allé au Japon, j'ai dansé avec un ninja pour une vidéo. Celui-ci m’a dit ensuite en aparté que quand on avait dansé ensemble, nos âmes s'étaient unifiées. La culture japonaise est plus proche des cultures africaines que l’on ne pense", développe le chorégraphe Smaïl Kanouté.

Smaïl Kanouté s’approprie cette histoire et envisage alors un projet artistique. D’abord via un court métrage dans lequel il mêle danse et paysages japonais et où l'artiste interroge la création de l'identité quand on est multiculturel. Le tout via la danse et des témoignages d’artistes africano-japonais. “Pour moi l’idée n’était pas de retracer sa vie, mais de m’en inspirer pour parcourir le Japon dans la peau de ce samouraï, mais aussi dans ma peau en tant que danseur multiculturel et qui a une double culture, franco-malienne", précise-t-il.

Depuis quelques années, plusieurs projets artistiques et cinématographiques illustrent cette histoire inconnue et le public est au rendez-vous, intrigué par le destin de cet esclave devenu samouraï. Pourtant, des siècles durant, le samouraï Yasuke n’a pas été mis en avant au Japon. Le rang de samouraï étant si élevé qu’il était impensable pour la population qu’il ait pu être donné à un étranger.

À voir : Yasuke Kurosan, le samouraï noir au Japon à la Maison européenne de la photographie. Jusqu'au 29 août 2021. 

Smaïl Kanouté a plusieurs autres actualités en parallèle : sa pièce chorégraphique NEVER TWENTY ONE aux Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis en écho au mouvement Black Lives Matter, et la présentation de son court métrage NEVER TWENTY ONE au MAC de Lyon.