Lyon : Avec ses pistes cyclables non genrées, la métropole a-t-elle déraillé ?
SORTIE DE PISTE•L’évocation de pistes cyclables « inclusives » et « non genrées » à Lyon a provoqué de vives réactions. Celles-ci ont masqué leur sens véritable, plus simple et moins sujet à polémiqueJennifer Lesieur
Que l’on dise « le » vélo ou « la » bicyclette, le genre des pistes cyclables n’avait jamais fait débat… jusqu’à aujourd’hui. Le 4 juin, Fabien Bagnon, vice-président de la métropole de Lyon chargé des voiries et mobilités, a publié sur Twitter une photo du premier tronçon des Voies lyonnaises, le grand chantier cyclable de la métropole.
A une internaute qui lui rappelait qu’une ville cyclable devait prendre en compte la parité de ses usagers, Fabien Bagnon acquiesça. En ajoutant : « C’est d’ailleurs la communauté de femmes à vélo Beyondmybike qui participe aux réunions techniques avec les équipes des Voies lyonnaises pour concevoir des pistes non genrées et donc inclusives. »
L’opposition dénonce « une idéologie en roue libre »
Il n’en fallait pas plus pour déclencher une salve de nouveaux commentaires, tantôt moqueurs, tantôt agressifs, sur ces pistes… d’un nouveau genre. « On veut des pistes cyclables non genrées, inclusives, populaires, participatives, citoyennes et solidaires, bio, locales, apaisées et festives, bienveillantes et résilientes, peut-être même zéro déchet », ironise un internaute. « Quand aura-t-on enfin des pistes cyclables woke… Avec une piste pour les pauvres, une pour les racisés. Et pour les transgenre aussi il faudra une piste », ajoute un autre.
L’opposition n’a pas manqué de réagir à son tour. La Rassemblement de la droite, du centre et de la société civile de Lyon a publié ce mercredi un communiqué pour fustiger « l’idéologie en roue libre » de l’exécutif EELV. « Nous sommes toujours émerveillés par cette capacité créatrice sans bornes de la Nupes locale à inventer des concepts qui, in fine, enfoncent plus des portes ouvertes qu’autre chose. (…) Quelle sera la suite ? Une distinction par l’âge ? Par la taille du mollet ? Par la couleur du vélo ? » ironise le groupe.
Fabien Bagnon, sommé de définir une « piste genrée », a fini par répondre par un thread, en convoquant l’apport des « sciences sociales ». « Notre environnement peut favoriser/défavoriser son appropriation par un genre », écrit-il. « C’est par exemple le cas des aménagements sportifs. Si l’on veut une égalité réelle de toutes et tous, on doit chercher à faire en sorte que chacun puisse bénéficier des aménagements publics. »
L’inclusivité évoquée, « c’est la possibilité d’avoir des pistes cyclables suffisamment larges et sécurisées pour permettre à des personnes en fauteuil roulant de se déplacer avec leurs vélos adaptés. Ou des familles de se sentir libre de circuler avec leurs enfants », selon ses tweets. Enfin, quand l’élu parle « d’aménagement non genré », c’est parce qu’on « cherche à identifier ce qui peut freiner son utilisation par un genre ». « Est-ce un problème d’éclairage nocturne ? Est-ce que la piste est monopolisée pour des usages sportifs principalement masculins ? » se demande-t-il. Une réflexion qui comprend aussi « les vélos en libre-service, pour qu’ils soient le plus adaptés et égalitaires possibles », explique-t-il.
C’était pourtant simple. Mais ce choix sémantique malheureux aura eu l’effet inverse des intentions de Fabien Bagnon. Comme le résume un internaute sur Twitter, qui trouve pourtant « formidable » ces travaux des Voies lyonnaises : « Pensez aux citoyens et non-initiés, utilisons des termes plus simples et moins englobants. S’il nous faut 5 tweets pour expliquer en quoi une piste cyclable est "non genrée", c’est que le terme est inapproprié selon moi. » La simplicité : rien de plus inclusif, finalement.
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