Igor, 15 ans, a été abattu de sang-froid. Nastia, 6 ans, a agonisé dans un jardin d’enfants. Ivan, 15 ans, a été mitraillé dans la voiture de sa mère… Dans cette ville proche de Kiev, 416 corps ont été retrouvés à ce jour, dont 32 d’enfants. Le récit de notre envoyée spéciale dans la ville dévastée par les forces russes.
« 3 mars. Nuageux et averses. 1 °C. Jour 7 de la guerre. Fusillades. Cette nuit, ils ont tué notre Igor. »
Sur son journal de bord, des pages volantes attachées par un trombone, Leonid a consigné minutieusement les événements dans un décompte poignant. Le vieil homme indique du doigt le 3 mars. Et s’arrête brusquement, la voix cassée, les yeux embués, la bouche tordue par un sanglot silencieux. Igor, son petit-fils, avait 15 ans. Le 3 mars, dans la soirée, il a été abattu par les Russes devant l’entrée de la cave. C’est dans ce vaste sous-sol équipé de toilettes et d’un bassin à poissons servant de réservoir d’eau – l’eau courante et l’électricité avaient été coupées dans le village – qu’une centaine d’habitants s’étaient réfugiés pendant l’occupation russe de Boutcha, envahie dès les premiers jours de la guerre, fin février, et libérée début avril.
Aujourd’hui, les oiseaux chantent et les poules s’égaillent dans le grand jardin potager au pied de l’immeuble où habitent depuis soixante ans Leonid et Hanna, les grands-parents d’Igor. Il ne reste que peu de traces de la tragédie qui s’est déroulée ici. Pour comprendre, il faut entrer dans la cave, sombre et humide. Imaginer l’odeur aigre de la peur, les conversations à voix basse, les pleurs des enfants, les téléphones mobiles cachés. Il suffi
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