Recueillir et prendre soin, destins d’enfants juifs après la guerre

Jeunes filles juives dans un refuge de Saint-Mandé pendant la Seconde Guerre mondiale. Que sont devenus ces enfants après la guerre ? ©Getty - Universal History Archive/UIG via Getty images
Jeunes filles juives dans un refuge de Saint-Mandé pendant la Seconde Guerre mondiale. Que sont devenus ces enfants après la guerre ? ©Getty - Universal History Archive/UIG via Getty images
Jeunes filles juives dans un refuge de Saint-Mandé pendant la Seconde Guerre mondiale. Que sont devenus ces enfants après la guerre ? ©Getty - Universal History Archive/UIG via Getty images
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Après la Seconde Guerre mondiale, l'urgence pour la communauté juive est de retrouver les enfants cachés durant l'Occupation. Face à ces destins brisés, la priorité est de leur offrir la sécurité et un avenir. C'est l'objectif que poursuit dès 1945 la Commission centrale de l'enfance.

Avec
  • Zoé Grumberg Docteure en histoire contemporaine de Sciences Po Paris
  • Serge Bianchi Historien, professeur émérite d’histoire moderne et contemporaine à l'Université Rennes 2

Le 3 novembre 1944, le journal Droit et Liberté, l’organe des Juifs pour la résistance et l’entr’aide, annonce posséder "la copie de la liste complète de tous les Juifs du Sud-Ouest déportés par la Gestapo pendant l’occupation". La lecture est glaçante : "Parmi les noms : X…, né en 1944. Cet enfant de six mois à peine fut déporté pour son activité contre le Reich allemand. Les paroles sont trop faibles pour flétrir cette cruauté des bandits. Chaque nom, ce sont des larmes, des souffrances, des deuils pour une famille, chaque nom est une larme de femme, de mère, de parents ; chaque nom est un lambeau de chair vivante arrachée à la communauté". Après la guerre, comment s’occuper des enfants juifs, victimes de telles souffrances ?

Qu'est-ce que la Commission centrale de l'enfance ?

L'ouvrage collectif  Des larmes aux rires, la Commission centrale de l'enfance. Histoire et mémoire d'une organisation juive, laïque et progressiste, 1945-2020, publié par l'éditeur Le Cherche Midi en mai 2022, est présenté en ces termes :

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"Créée en 1945 par l'Union des Juifs pour la résistance et l'entraide (UJRE), la Commission centrale de l'enfance (CCE) a eu pour première mission de retrouver les enfants juifs cachés et de prendre soin des orphelins. Ensuite, ses foyers, patronages et colonies de vacances ont offert des activités à des milliers d'enfants et d'adolescents, encadrés par de jeunes moniteurs issus de la Résistance, et ont souvent redonné goût à la vie à ces enfants traumatisés. Les éducateurs y pratiquent des pédagogies originales, inspirées de Maria Montessori, Anton Makarenko et Janucz Korczak qui sont particulièrement adaptées à ces enfants au parcours chaotique".

"Les dirigeants de la Commission centrale de l'enfance sont des militants qui ont la particularité de militer depuis les années 1920 et pour une partie d'entre eux, d'avoir eu une expérience dans le domaine de l'enfance. Ces dirigeants ont des profils politiques qui donnent la ligne directrice de cette organisation centrale", explique l'historienne Zoé Grumberg.

"L'éducation pédagogique est au cœur de la Commission centrale de l'enfance. Il faut donner à l'enfant plus de responsabilités, jusqu'à faire parfois, comme à Livry-Gargan, des républiques d'enfants où les enfants rassemblés tentent de peser sur la façon dont leur destin va s'accomplir. Cette pédagogie vise à former des enfants conscients de leur existence et capables de se diriger dans la vie au sortir des foyers", explique, à son tour, l'historien Serge Bianchi.

"L'histoire est essentiellement construite à partir d'archives, qui ne donnent pas le supplément d'âme de la mémoire. La mémoire vient des témoignages de ceux qui ont connu les foyers, les patronages et les colonies. Ce sont des témoignages importants, qui viennent à l'appui de tout ce que les historiens peuvent démontrer", nous dit Serge Bianchi.

Pour en parler

Sons diffusés dans l'émission

  • Archive sur les enfants de fusillés et déportés dans le Journal des Actualités Françaises du 2 février 1945
  • Extrait du film documentaire La punition peut-elle être éducative ? du spécialiste des sciences de l'éducation Philippe Meirieu à propos du pédagogue russe Anton S. Makarenko réalisé entre 1999 et 2001
  • Lecture par Alexandre Manzanares d'un extrait de L'enfant qui m'accompagne de Claude Gutman (Seuil, 2008)
  • Extrait du film Les Enfants de Denouval de Sylvia Aubertin avec les témoignages de Rosette Siclis et Daniel Baron, 2021
  • Extrait du spectacle La Commission centrale de l'enfance de et par David Lescot, 2008

Générique de l'émission : Origami de Rone

L'équipe