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La Nupes veut-elle sortir de l’Europe, comme l’affirment plusieurs ministres d’Emmanuel Macron ?

Gabriel Attal et Agnès Pannier-Runacher assurent que le programme de la coalition de gauche conduit à une sortie de la France de l’Union européenne.

Par  et

Publié le 14 juin 2022 à 18h20, modifié le 14 juin 2022 à 19h33

Temps de Lecture 3 min.

Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, aux côtés d’Aurélie Trouvé et de Manon Aubry, lors d’une conférence de presse de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, à Paris, le 7 juin 2022.

Alors que la majorité présidentielle est arrivée au coude-à-coude avec la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) lors du premier tour des élections législatives, dimanche 12 juin, les membres du gouvernement multiplient les attaques envers l’alliance de gauche menée par le leader de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon. Plusieurs ministres d’Elisabeth Borne, la cheffe du gouvernement, ont assuré que le programme de la Nupes mènerait la France hors de l’Union européenne (UE).

Ce qu’ils ont dit

Le ministre de l’action et des comptes publics, Gabriel Attal, a lancé les hostilités dès dimanche soir. Candidat dans les Hauts-de-Seine, l’ancien porte-parole du gouvernement a affirmé que la Nupes voulait « sortir de l’Union européenne ».

Sur Europe 1, mardi, la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a estimé que la Nupes portait « un programme où on sort de l’Europe, où on se prive de cette protection européenne pour aller se jeter dans les bras de pays qui ne sont pas très démocratiques ».

POURQUOI C’EST INEXACT

  • Une volonté commune de réformer l’Union européenne

Dans le programme de la Nupes constitué de 650 propositions, le chapitre consacré à la politique européenne a fait l’objet de nombreux désaccords et nuances, en raison des attachements à l’Europe bien différents entre les partis de la coalition, comme le rappelle le préambule du document :

« La France insoumise et le Parti communiste français sont héritiers du non de gauche au traité constitutionnel européen en 2005, le Parti socialiste est attaché à la construction européenne et ses acquis, dont il est un acteur-clé, et Europe Ecologie-Les Verts est historiquement favorable à la construction d’une Europe fédérale. »

Malgré ces différences historiques, les formations de la Nupes se sont accordées sur une volonté commune de réformer l’UE pour « mettre fin au cours libéral et productiviste de l’Union européenne et de construire un nouveau projet au service de la bifurcation écologique, démocratique et solidaire ». S’ensuit une liste de 99 propositions sur la lutte contre le changement climatique, la transformation de la politique agricole commune, l’évasion fiscale, les droits sociaux ou l’accueil des réfugiés.

  • « Prêts à ne pas respecter certaines règles »

Pour mener à bien leur programme, les partis qui composent la Nupes estiment que certaines réglementations européennes (traité de libre-échange, libre circulation de capitaux, concurrence…) constituent « de sérieux blocages » à la mise en œuvre de leur programme. Ils se disent « prêts à ne pas respecter certaines règles », même si certains partis comptent seulement « déroger de manière transitoire » aux traités européens, quand d’autres n’ont pas peur de « désobéir ».

Défendue par les « insoumis » dès l’élection présidentielle, la désobéissance ne serait pas sans conséquence. Tout pays en infraction risque des sanctions – ce qui est extrêmement fréquent. Il existe toutefois des marges de négociation entre la France et l’UE, surtout si un motif d’intérêt général est en jeu, comme la protection de l’environnement ou le climat.

L’alliance de gauche entend ainsi utiliser des « marges de manœuvre existantes », telles que le recours aux clauses de sauvegarde, voire de « négocier avec la commission les adaptations du droit et dérogations ». Et, si nécessaire, aller jusqu’à « cesser d’appliquer les normes incompatibles avec les engagements écologiques et sociaux » du programme. La Nupes entend également, dans certains cas, au sein du Conseil de l’UE, « constituer des alliances pour obtenir des majorités sur des textes favorisant le progrès social et écologique, former des minorités de blocage sur des textes qui y sont contraires, opposer notre droit de veto aux accords de libre-échange ».

  • « Rien dans le programme n’équivaut à une sortie de l’Europe »

« Au final, rien dans le programme ou les discours de la Nupes n’équivaut à une sortie de l’Europe », analyse Tania Racho, chercheuse en droit européen à l’Institut d’études de droit public de l’université Paris-Saclay et membre du collectif Les Surligneurs. « Il y est notamment question de négociations avec les instances européennes, en mettant en avant la priorité nationale, ce que font déjà un très grand nombre d’Etats », précise la juriste.

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La Nupes cite en exemple l’Allemagne, qui déroge à certaines règles « pour éviter la mise en concurrence du secteur de l’eau », ou encore l’Espagne « pour intervenir face à la flambée des prix de l’énergie ».

L’article 50 du traité sur l’UE prévoit qu’un Etat peut quitter l’UE, comme l’a fait le Royaume-Uni. Tant que la procédure associée à l’article 50 n’est pas enclenchée, un pays ne peut être exclu pour non-respect des règles ou désobéissance aux traités.

Ce positionnement est relativement nouveau pour les « insoumis », force majoritaire de la Nupes, dont les propositions sur l’Europe ont évolué, au risque de susciter une certaine confusion. En 2017, Jean-Luc Mélenchon envisageait bien de sortir de l’UE, ce qu’il résumait dans la formule-choc : « L’Europe, on la change ou on la quitte. » Le candidat présentait alors un projet en deux temps : un plan A impliquant une renégociation des traités européens afin d’éviter toute forme de « régression sociale », dont il était sûr qu’elle pouvait aboutir ; un plan B en cas d’échec, consistant à sortir de l’UE pour préférer des modes de coopération internationale avec des pays d’Europe partageant les mêmes objectifs. Ce plan B n’est plus d’actualité en 2022 : il est, désormais, plutôt question de « désobéissance ».

En résumé, la France insoumise avait déjà infléchi sa position avant la campagne présidentielle de 2022. Et la Nupes, lorsqu’elle a présenté sa plate-forme commune pour la campagne des législatives, n’a pas caché les divergences de positions sur ce sujet. Il est donc inexact d’affirmer que l’alliance de gauche « veut sortir de l’Union européenne ».

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