Égypte : “Libérez Alaa Abdel Fattah ou il mourra”

Le blogueur et figure de la révolution égyptienne Alaa Abdel Fattah, qui purge une peine de cinq ans de prison, est en grève de la faim depuis trois mois. Sa santé se dégrade de jour en jour. Reporters sans frontières (RSF) dénonce le harcèlement judiciaire dont il est victime et appelle à sa libération immédiate.
 

Nous appelons les autorités égyptiennes à libérer Alaa Abdel Fattah, ou il mourra, déclare la responsable du bureau Moyen-Orient de RSF, Sabrina Bennoui. Nous les tiendrons pour responsables si l’issue de sa grève de la faim est fatale. L’acharnement a assez duré, il est plus que temps de le laisser recouvrir la liberté et retrouver sa famille avant qu’il ne soit trop tard.

Le blogueur égyptien Alaa Abdel Fattah, en prison depuis septembre 2019, observe une grève de la faim depuis le 2 avril dernier pour protester contre sa détention arbitraire. Le 16 août, la soeur du blogueur, Sanaa Seif, a rapporté après lui avoir rendu visite, qu'il allait passer à une grève de la faim totale. Jusque là, il se nourrissait de vitamines et de liquides. Il a demandé à ne plus en recevoir une fois que le stock sera épuisé. 

Le 12 juin, l'autre soeur du blogueur, Mona Seif, avait organisé une journée de grève de la faim pour mobiliser les citoyens sous le hashtag #SupportAlaa. Elle a poursuivi sa privation de nourriture pendant 25 jours, en solidarité avec son frère, qui refuse toujours de s'alimenter. Le 13, Mona Seif avait pu lui rendre brièvement visite et constater la dégradation de son état de santé et sa considérable perte de poids. Il lui a alors fait part de sa résignation : “Vous devez abandonner l’idée de me sauver. Je vais mourir ici. Concentrez-vous sur comment faire en sorte que ma mort entraîne le coût politique le plus élevé”.

Le 24 juillet, c'est la mère de Alaa Abdel Fattah, Laila Soueif, qui est allée le voir, alors que les autorités égyptiennes ont exceptionnellement ouvert les prisons aux visiteurs, dans le cadre des trêves de l'Aïd. Néanmoins, elle s'est heurtée au refus de l'administration pénitentiaire. "Après avoir attendu pendant des heures, on lui a dit que Alaa avait refusé de la voir, rapporte Mona. Nous n'avons aucune idée de si c'est vrai ou si c'est un autre mensonge à ajouter à leur liste interminable". Les autorités égyptiennes ont en effet à plusieurs reprises menti sur l'état de Alaa Abdel Fattah, niant par exemple pendant plusieurs semaines qu'il observait bien une grève de la faim. 

Alaa Abdel Fattah a été incarcéré pendant plus de deux ans avant d’être finalement jugé et condamné en décembre 2021, à cinq ans d’emprisonnement, par une cour de sûreté de l'État, une juridiction d’exception instituée par la loi d'état d'urgence. Ses verdicts sont sans appel et seul le président Abdel Fattah Al-Sissi peut annuler la peine. Quelques mois avant sa condamnation, après deux ans de détention préventive, RSF avait alerté sur sa santé mentale très préoccupante. Le blogueur avait en effet confié à son avocat vouloir mettre fin à ses jours.

Fin avril, en amont de la fin du ramadan, Abdel Fattah Al-Sissi a accordé la grâce présidentielle à des dizaines de prisonniers politiques, mais un seul journaliste a pu en bénéficier : Hossam Moanis (lui-même condamné par une cour de sûreté de l’État fin 2021).  

Alaa Abdel Fattah, qui a obtenu la nationalité britannique en avril, s’est déclaré prêt à renoncer à sa nationalité égyptienne si ce geste lui permettait d’être libéré. Selon le site d’information indépendant Mada Masr, depuis la révolution du 25 janvier 2011, le blogueur a passé un total cumulé de plus de 7 ans en prison.

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Publié le
Mise à jour le 25.07.2022