Aux États-Unis, les hôtels embauchent des robots pour combler le manque de personnel

D’après le Washington Post, l’industrie de l’hôtellerie américaine a de plus en plus recours aux robots pour combler la pénurie de main-d’œuvre qui la touche depuis deux ans. Les Américains se seraient « résolus » à cette nouvelle avancée technologique.

Aux États-Unis, les hôtels embauchent des robots pour combler le manque de personnel
Image d'illustration © Relay Robotics

Il y a ceux qui sont capables de vous masser le dos pour 300 000 dollars. Ceux dont la mission consiste à faire la conversation aux personnes âgées. Ceux qui jouent tranquillement au foot, en espérant battre les (vrais) champions du monde d’ici 2050. Et puis il y a les robots que vous pourriez croiser lors de votre prochain séjour à l’hôtel. Du moins si vous comptez traverser l’Atlantique dans les prochains mois.

Col blanc et nœud papillon noir

Comme le raconte une passionnante enquête du Washington Post publiée le 7 juin dernier sur son site, l’industrie de l'hôtellerie américaine a en effet de plus en plus recours aux robots pour combler la pénurie de main-d'œuvre qui la touche depuis l’apparition du Covid-19. Exemple avec cette « journée de travail typique » à l'hôtel Dream Hollywood, en Californie, qui fait office d’ouverture de l’article. On y apprend qu’un certain Alfred, baptisé ainsi en hommage au célèbre majordome de Batman, « attend tranquillement devant la réception ses instructions ». « Vêtu d'un col blanc et d'un nœud papillon noir, Alfred entre en action lorsqu'un invité lui demande du shampoing ou un chargeur de téléphone, décrit le journaliste Nathan Diller. Il se déplace alors dans le hall jusqu'à l'ascenseur, montant jusqu'à un étage donné et informant le destinataire de la livraison par téléphone. » 

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Image d'illustration © Relay Robotics

Quelques lignes plus bas, le directeur général de l’hôtel, Vaughn Davis, assume avoir commencé à bâtir « un modèle d’exploitation basé sur une plus grande dépendance à la technologie » dès 2017. Mais c’est bien la pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie du voyage – persistante depuis le printemps 2020 aux États-Unis comme dans une grande partie du monde occidental -, qui a constitué, dit-il, « un moment opportun » pour passer à l’étape suivante. Celle de l’embauche de robots « à plein temps », solution proposée par l’entreprise Relay Robotics. « Il n’y avait pas beaucoup de capital humain disponible pendant la pandémie », expose l’intéressé. « Donc pour moi, les robots étaient un moyen de combler ce manque de talents disponibles sur le marché du travail. » Et de préciser : si son hôtel compte aujourd’hui « moitié moins » de personnel humain qu’avant la pandémie, « les robots sont ici considérés comme des membres à part entière de notre équipe ».

Aider le personnel

Pour Anthony Melchiorri, présentateur du show télévisé Hotel Impossible et fin connaisseur du secteur, la crise de l’hôtellerie a achevé de transformer les attitudes du grand public et des chefs d’entreprises à l’égard des robots. Dans un contexte où le taux d’emploi national dans le secteur des loisirs et de l’hôtellerie est toujours en baisse de 8,5 %, soit 1,4 million de postes, par rapport à février 2020, les Américains se seraient « résolus » à cette nouvelle avancée technologique. « Avant, tout le monde était en mode : “Bon, on va attendre et voir ce qu’il se passe”, retrace-t-il. Ensuite, on est passé à l’étape : “Ah oui, avoir un robot ça peut être cool finalement”. Et maintenant, tout le monde veut des dizaines de robots [dans son entreprise] ! »

« Après un mariage le samedi soir, le personnel peut démonter les tables et les chaises, lancer un robot et rentrer chez lui »
Grady Colin, directeur général du Garden City Hotel, à Long Island

Sheldon Suga, vice-président et directeur général du complexe Hawks Cay Resort, en Floride, a également décidé d’avoir recours à six robots depuis quelques mois. Il dit avoir été convaincu par l’un de ses amis, patron d’un restaurant qui avait déjà franchi le pas depuis quelque temps. Désormais, deux des machines de son hôtel assistent les cuisiners, deux autres passent l’aspirateur dans les espaces communs (couloirs, salles de bal…), et les deux derniers sont chargés de nettoyer les sols. « Cela comble une partie de la pénurie de main-d’œuvre, mais cela aide aussi notre personnel humain », assure-t-il. Même son de cloche du côté du Garden City Hotel, à Long Island : son directeur général Grady Colin raconte « qu’après un mariage le samedi soir, le personnel peut démonter les tables et les chaises, lancer un robot et rentrer chez lui ». Résultat, « le lendemain matin, la salle de bal est propre », sans que personne n’ait eu à passer deux heures à la nettoyer.

Seriez-vous prêt à réserver un séjour dans un hôtel employant des robots ?

Une telle stratégie présente toutefois quelques risques, prévient Anthony Melchiorri. À commencer par le type de clients visés : les personnes âgées et les clientèles de luxe, « pour qui le service est une valeur essentielle », pourraient selon lui être déstabilisées par la démarche. Surtout, le coût initial d’un robot est souvent très élevé (jusqu’à plus de 100 000 dollars pour les modèles plus efficaces), pour des performances encore loin d’être équivalentes à celles d’un être humain. En 2019, déjà, l’hôtel japonais Henn-na avait mis à la porte la moitié de ses 243 robots, pour la simple et bonne raison qu’ils ne faisaient pas leur boulot aussi bien que les humains. Lents et bruyants, les robots transporteurs de valises, notamment, n’atteignaient que « 24 des 100 chambres en moyenne, plantaient lorsqu’ils prenaient la pluie, et se fonçaient dedans en se croisant dans les couloirs ». Pas tout à fait l’eldorado futuriste que certains fantasment.

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