« Travailler dans de telles conditions, dans la peur, ça n’est plus possible ». Pour Laurence (*), conductrice de bus sur le réseau STAR à Rennes depuis quatre ans, le quotidien au travail est devenu trop difficile à supporter.
Après l’agression à l’arme à feu d’un adolescent dans un bus de la ligne 9 la semaine dernière, elle se confie sur cette « insécurité grandissante » qui l’empêche d’exercer correctement son métier. « J’ai toujours aimé ce travail, mais avec ces incidents qui se multiplient, je ne me sens tout simplement plus en sécurité », déplore la conductrice, mère de famille.
Des incidents impliquant des armes
L’agression du 10 juin s’ajoute à une longue liste d’évènements qui ont frappé le réseau STAR à Rennes ces dernières semaines : un bus visé par des coups de feu dans le quartier du Triangle, une contrôleuse de titre de transport braquée avec une arme factice, un conducteur frappé au visage.
« Avant quand je rentrais chez moi, je me disais vivement demain pour retourner travailler », confie Laurence (*). « C’est terminé tout ça. J’ai toujours supporté facilement les humeurs des passagers, quelques altercations, mais là on a des incidents qui impliquent des couteaux, des armes à feu… Chaque matin, je vais travailler la peur au ventre ».
« Depuis cet enchaînement d’incidents, on a ouvert un groupe WhatsApp entre collègues pour lister tous les problèmes », poursuit la conductrice de bus. « Ça permet de bien faire remonter chaque incident à notre direction. C’est important ».
Le soir, je demande à un proche de rester avec moi
Peur de faire une remarque
À son poste, la conductrice a elle aussi subi des évènements traumatisants. Résultat : ces derniers temps, elle travaille plus souvent le matin et évite les rotations du soir. « Quand j’ai des services qui dépassent 20 h, je demande à un proche de m’accompagner et de rester dans le bus avec moi au cas où il y a un souci, ça me rassure ».
Aujourd’hui, une fatigue généralisée semble gagner la profession. Par peur de déclencher une altercation, certains conducteurs évitent de faire des remarques aux passagers auteurs d’incivilités. « Je ne veux pas tomber là-dedans », explique Laurence*. « Mais si je ne suis pas tranquille moi-même, ça n’est pas évident de protéger mes passagers comme il le faut ».
Envie d’ailleurs
« En tout cas, il y a de plus en plus de conducteurs qui songent à faire autre chose », poursuit-elle. « J’ai toujours aimé ce travail, mais je réfléchis de plus en plus à changer de métier. Heureusement que les collègues sont là, on a besoin de se sentir soutenu, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas ».
Le 10 juin dernier, après les coups de feu sur un adolescent vers 20 h dans la ligne 9, les bus du réseau ont continué à circuler malgré les demandes des syndicats de faire rentrer tout le monde pour assurer la sécurité des employés.
Vers plus de sécurité dans les bus ?
Quelques jours après, une réunion extraordinaire du CSE s’est tenue entre la direction de Keolis Rennes et les principaux responsables syndicaux. Si l’entreprise a rappelé que la sécurité est un point de vigilance constant, elle a reconnu que la communication effectuée auprès des salariés sur le terrain n’avait pas été suffisante.
« Ce sont des points d’améliorations sur lesquels nous travaillons », a précisé Keolis dans une communication interne. « L’ensemble des parties prenantes (l’entreprise, Rennes Métropole et les forces de police) sont mobilisées au quotidien sur ces sujets de sécurité de l’espace publique et du réseau de transport ». Dans les prochains mois, une brigade de la Police nationale spécialisée dans les transports en commun pourrait finalement voir le jour.
* Le prénom a été modifié.