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Athlétisme: les témoignages glaçants d'athlètes qui dénoncent des violences sexuelles

Dans un documentaire réalisé par Emma Oudiou, cinq femmes, qui pratiquent l'athlétisme à différents niveaux, dénoncent des violences sexuelles dont elles ont été victimes de la part d'anciens entraîneurs.

Elles s'appellent Sarah, Noémie, Elisa, Cassandre et Perrine. Ces cinq jeunes femmes, qui pratiquent toutes l'athlétisme, à un niveau moindre ou international, ont pris la parole dans un documentaire intitulé "Suite" et réalisé par Emma Oudiou, ancienne membre de l'équipe de France d'athlétisme (la vidéo est disponible sur Youtube gratuitement). Elles dénoncent les violences sexuelles dont elles ont été victimes pendant leur adolescence. Des témoignages glaçants, à commencer par celui de Sarah.

Cette dernière, qui compte plusieurs sélections en équipe de France, explique avoir subi un viol de la part d'un membre de France en 2018, puis du harcèlement. "Lors de ma fête d'anniversaire. On a été très proches avec un garçon, c'était une soirée où il y avait beaucoup d'alcool [...] Il m'a demandé de le rejoindre dans la pièce à côté. Je titubais, je me souviens qu'il m'a embrassé. Un moment, il se rapproche de moi, et c'est comme si je perdais connaissance, je ne sais pas ce qu'il s'est passé. J'ai repris connaissance. Ma culotte était baissée, il était à l'intérieur de moi. Je lui ai dit 'ça fait mal, arrête !'. Je lui ai dit que c'était ma première fois. Il continuait à me parler", se souvient-elle, les larmes aux yeux.

Un torrent d'insultes et du harcèlement

Sonnée après une telle épreuve, Sarah en parle à quelques uns de ses amis, qui ne semblent pas se rendre compte de la situation. "Aux yeux de tout le monde, j'étais la fille qui a brisé un couple. J'ai reçu pas mal d'insultes par rapport à ça, en vrai, par messages, et par appels anonymes. Pendant la nuit, on m'appelait, on me traitait de prostituée, pour être polie. J'ai eu une réputation de fille facile, de briseuse de ménage. La question de base dans cette situation, est de demander si c'était consenti. Personne ne m'a posé cette question. L'INSEP, c'est pas le milieu le plus sain et le plus respectueux des femmes. Il y a un sexisme qui plane, c'est incroyable. C'est soutenu par les coachs et les dirigeants. Eux-mêmes ont cette mentalité là." Trois ans après, Sarah a eu le courage de se rendre au commissariat pour porter plainte.

Noémie et Élisa ont également subi un traumatisme. Les deux athlètes, qui ont disputé six et sept fois les championnats de France, se sont entraînées avec la même personne. "Ça a commencé quand j'avais 16 ans. On me disait que les massages, c'était la clé de la réussite. Il nous donnait rendez-vous chez lui, dans son garage. Au tout début c'était normal, les mollets et les cuisses puis c'est allé sur les fesses, près des parties. Il n'y a jamais eu de pénétration. Puis le jour où j'ai décidé de dire stop, c'est quand il est allé proche des seins", raconte Élisa, qui a vécu ce cauchemar pendant deux ans.

De son côté, Noémie avait 12 ans au moment des faits. L'entraîneur avait notamment noué des liens avec sa famille. "Cela s'est passé chez la meilleure amie de ma mère. Je me rappelle que d'un seul massage. Quand j'arrive [chez lui], elle n'est pas là. Il me demande de me déshabiller et de me mettre sur le lit. Quand j'arrive dans la chambre, les volets étaient fermés. C'est là qu'il a abusé de moi. Je lui disais que j'avais mal au mollet, mais il est passé plusieurs fois près des parties génitales, mais il n'y a jamais eu de pénétration. Il voulait toujours savoir si j'avais un petit copain, il m'expliquait comment il se masturbait dans une douche..."

Des massages gênants

Cet entraîneur a également causé des traumatismes à Cassandre, qui a participé à deux championnats de France sur le 400m. Dans cette situation, il a décidé de créer un lien d'amitié avec la jeune fille, 13 ans au moment des faits. "On est parties en stage à l'étranger. Il nous proposait de nous masser une par une. On se protégeait entre filles pour éviter d'être toute seule. On avait pas conscience ce qu'il nous faisait c'était grave, mais c'était désagréable. Il nous demandait de nous mettre avec le moins de vêtements possibles."

Pas réellement consciente de la situation, Cassandre et ses amies ne comprennent pas l'affection transmise par ce coach. "Les entraîneurs prennent cette position de papa. C'est une figure d'autorité qui est importante, avec qui tu t'entraînes, c'est un homme, il est vieux. C'est quelqu'un que tu assimiles à la personnalité du papa, et c'est difficile de se méfier de son père. Mon père, c'est la personne qui me protège."

Une différence d'âge de 28 ans

Pour Perrine, qui pratique l'athlétisme depuis 18 ans, son traumatisme est arrivé alors qu'elle venait de perdre sa grand-mère. Perturbée par ce décès, la jeune femme trouve du soutien de la part du président de son club, bienveillant à son égard. "J'ai découvert une facette que je ne connaissais pas. Il était rigolo, gentil. C'était pour tous un exemple à suivre, y compris pour moi. J'avais toute confiance. Il a toujours été charmeur, dragueur. Mais il affichait une vie de famille posée. Il me faisait toujours des compliments. Un jour, il a débarqué chez mes parents sans prévenir. Il est rentré, je ne savais pas si j'avais envie de lui ou pas. Il y a eu un premier contact, un premier baiser, ses mains sur mon corps. Il avait 28 ans de plus que moi, j'avais 21 ans et une seule histoire avant", confie-t-elle.

Une relation s'installe alors entre les deux personnes, qui commencent à se fréquenter, sans que personne ne soit au courant dans un premier temps. "Très rapidement, ça a été un calvaire. Je lui ai dit que je le vivais plutôt mal [...] J'avais honte. Il y avait une femme en train d'être trompée, et j'étais responsable de cette tromperie. D'autres garçons s'intéressaient à moins, mais je m'arrivais pas à le quitter. Il revenait avec des mots, des cadeaux Il y a eu une emprise, pendant 2-3 ans. Je le quittais, et je revenais. Il a commencé à être vulgaire et violent avec moi. J'étais un objet sexuel. Il me disait: 't'es bonne qu'à coucher à droite à gauche'."

Un témoignage glaçant, d'autant que le président est allé plus loin, en multipliant les rapports sexuels brefs et violents avec Perrine, qui reste profondément marquée, physiquement et moralement, tout comme les autres athlètes victimes de violences sexuelles. Des témoignages à retrouver dans la longueur (dans la vidéo ci-dessus) dans un documentaire coup de poing de l'ancienne athlète Emma Oudiou.

AS