Il y a 9 000 à 5 000 ans, la zone arctique connaissait un réchauffement climatique majeur, avec des températures d’environ 2 °C supérieures à l’actuel. Avec la disparition de la banquise, cela aurait pu être la fin définitive des ours polaires. Pourtant, ceux-ci ont réussi à survivre dans certaines zones refuge.


au sommaire


    Ils sont les victimes emblématiques du réchauffement climatique qui menace aujourd'hui le monde animal. Les ours polairesours polaires sont en effet en voie d'extinction à cause de la disparition progressive de leur habitat : la banquise arctique. D'ici 2050, celle-ci pourrait d'ailleurs avoir totalement disparu durant la saison estivale. Une situation qui pourrait entraîner la disparition des ours polaires, dans cette région du globe tout du moins.

    L'ours polaire est une espèce vivant quasi exclusivement sur la banquise. © Andreas Weith,<em> </em>Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0
    L'ours polaire est une espèce vivant quasi exclusivement sur la banquise. © Andreas Weith, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    Car une nouvelle étude montre que cette crise climatique n'est pas la première que connait l'espèce. Malgré des conditions extrêmement sévères, elle a pourtant réussi à survivre. Les archives fossiles nous révèlent comment.

    Le maximum thermique de l’Holocène a failli faire disparaître les ours polaires

    La dernière période glaciaire, qui s'est produite il y a 15 000 à 12 000 ans, a en effet été suivie par un épisode de réchauffement temporaire et de fontefonte des calottes glaciairescalottes glaciaires de l'hémisphère nordhémisphère nord. L'origine de ce réchauffement est à chercher dans les variations des paramètres orbitaux de la TerreTerre. La planète est alors fortement inclinée sur son axe et au plus proche du SoleilSoleil. L'irradiationirradiation solaire des hautes latitudeslatitudes de l'hémisphère nord est ainsi bien plus importante qu'aujourd'hui.

    Ainsi, au début de l'HolocèneHolocène, il y a 10 000 ans, l'état de la banquisebanquise était approximativement le même qu'aujourd'hui. Les conditions continuent cependant d'empirer jusqu'à l'épisode dit du maximum thermique de l’Holocène, qui s'est tenu il y a 9 000 à 5 000 ans. Les températures dans la zone arctiquearctique étaient alors de 1,5 à 2,5 °C supérieures à aujourd'hui. Des conditions qui se sont avérées catastrophiques pour les populations d'ours polaires vivant à cette époque. Les registres fossiles des terres arctiques indiquent en effet que l'espèce avait totalement disparu de la région. Sauf de quelques endroits clés.

    Des refuges sur les terres sibériennes et canadiennes

    Une nouvelle étude, publiée dans Quaternary Science Reviews, révèle que les ours polaires semblent en effet avoir trouvé refuge dans les dernières zones « froides » de l'hémisphère nord. Des restes fossilisés datant de cette époque ont en effet été retrouvés près de la mer de Sibérie orientale, dans l'extrémité nord du Groenland et dans l'archipelarchipel canadien des îles Aléoutiennes.

    Position des fossiles d'ours polaires retrouvés dans les terres de Scandinavie et en mer de Bering durant la déglaciation qui a suivi la dernière période glaciaire. Les zones potentiellement englacées ont été modélisées pour la période la plus chaude. © Seppä et al, 2023.
    Position des fossiles d'ours polaires retrouvés dans les terres de Scandinavie et en mer de Bering durant la déglaciation qui a suivi la dernière période glaciaire. Les zones potentiellement englacées ont été modélisées pour la période la plus chaude. © Seppä et al, 2023.

    Les ours polaires se seraient donc réfugiés sur la terre ferme, dans des zones où la banquise se reformait malgré tout durant les mois d'hiverhiver. L'espèce aurait donc survécu en chassant principalement des animaux terrestres et des phoques sur leurs zones de reproduction. Une alimentation certainement incomplète, comme le laisse suggérer l'analyse des os fossiles qui révèle une perte de massemasse corporelle des ours polaires durant cette période critique. Le refroidissement climatique qui a suivi a permis à cette population de se refaire une santé.

    Mais il est désormais plus que probable que le scénario va se rejouer une seconde fois. Le réchauffement climatique causé par les activités humaines pourrait à nouveau pousser les ours polaires à migrer vers les terres sibériennes et canadiennes. À nous désormais de faire en sorte que ces derniers refuges soient protégés pour les décennies qui viennent, afin d’assurer la survie de l’espèce.


    Réchauffement climatique : ces ours polaires du Groenland ont une chance d'y survivre

    Article de Léa FournassonLéa Fournasson, publié le 25 juin 2022

    Une nouvelle étude s'est penchée sur une population d'ours polaires jusque-là jamais documentée, située au sud-est du Groenland. Elle démontre une résiliencerésilience particulière de l'espèce, qui lui donnerait de l'espoir face au réchauffement climatique.

    Ils pourraient finalement survivre au réchauffement climatique : une nouvelle étude publiée dans la revue Science vient de redonner de l'espoir aux ours polaires. Des chercheurs ont étudié durant sept ans une sous-population d'ours polaires jusque-là jamais documentée, vivant dans le sud-est du Groenland. Ils ont un accès limité à la glace de mer, mais utilisent aussi la glace d'eau douceeau douce comme plateforme, et se déplacent différemment des autres populations d'ours : les images prises par satellite montrent qu'ils sont assez casaniers, et restent majoritairement près de leur fjordfjord d'origine.

    L'équipe de scientifiques a aussi découvert que cette population d'ours était génétiquement distincte des autres ours polaires« ils constituent la population d'ours polaires la plus génétiquement isolée de la planète », a déclaré Beth Shapiro, coauteure de l'étude et généticienne à l'université de Californie. « Cette population vit séparément des autres populations d'ours polaires depuis au moins plusieurs centaines d'années, et la taille de leur population tout au long de cette période est restée faible. »

    Cette carte indique la répartition des 19 sous-populations actuelles d'ours polaires, avec des points de couleur indiquant l'emplacement des autres échantillons utilisés dans l'analyse. La nouvelle population du sud-est du Groenland est représentée par des points rouges. © Laidre et al., <em>Science</em>
    Cette carte indique la répartition des 19 sous-populations actuelles d'ours polaires, avec des points de couleur indiquant l'emplacement des autres échantillons utilisés dans l'analyse. La nouvelle population du sud-est du Groenland est représentée par des points rouges. © Laidre et al., Science

    Un nouvel espoir pour les ours polaires

    L'Arctique se réchauffe, on le sait. Et il se réchauffe en moyenne deux fois plus vite que le reste de la planète. Mais cette découverte représente un nouvel espoir pour les ours polaires, qui sont menacés d'extinction et perdent leur habitat. « Dans un sens, ces ours donnent un aperçu de la façon dont les ours du Groenland pourraient se comporter dans les scénarios climatiques futurs, conclut K. Laidre. Les conditions de la glace de mer dans le sud-est du Groenland ressemblent aujourd'hui à ce qui est prévu pour le nord-est du Groenland d'ici la fin de ce siècle. » Par la suite, les chercheurs continueront d'étudier cette population d'ours polaires, qui pourrait bien mener une grande partie de l'espèce à une résilience face au dérèglement climatique.