Une simple scintigraphie cérébrale peut détecter précocement la maladie d'Alzheimer avec une précision inégalée

Même si l’on ne sait pas guérir la maladie d’Alzheimer, on peut ralentir sa progression. Il est donc essentiel de pouvoir poser rapidement un diagnostic afin de mettre en oeuvre la prise en charge du patient. C’est dans ce but que des chercheurs ont mis au point un programme informatique qui s’utilise en parallèle d’une technologie IRM standard permettant d’obtenir en moins d’une journée un résultat fiable pratiquement à 100% quant à la précocité de la maladie chez une personne donnée.
Alexandra Bresson
Une simple scintigraphie cérébrale peut détecter précocement la maladie d'Alzheimer avec une précision inégalée iStock/sudok1

Bien qu'il n'y ait pas de remède pour la maladie d'Alzheimer, un diagnostic rapide à un stade précoce aide les patients. En effet, ces derniers possèdent encore toutes leurs capacités de faire des choix de vie et d’anticiper sur l’évolution de la maladie avec leur entourage mais aussi de bénéficier d’une prise en charge adaptée pour atténuer les troubles comportementaux et prolonger l’autonomie et, le cas échéant, de participer à des essais cliniques. A ce titre, les moyens diagnostiques se doivent d’être de plus en plus performants pour identifier la maladie dès les premiers symptômes, au stade prédémentiel. L’enjeu est également crucial du côté des médecins, car cela leur permet de mieux comprendre les changements cérébraux qui déclenchent la maladie et ainsi de développer de nouveaux traitements. Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer repose sur le couplage de plusieurs examens, dont un examen clinique du patient des tests cognitifs (de mémoire, exercices sur le langage… ) et l’imagerie cérébrale. Dans ce domaine, l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) utilisée depuis plus de 30 ans permet d’observer le volume du cerveau et de ses différentes régions.

Une méthode d’imagerie plus récente appelée tomographie par émission de positons permet quant à elle de détecter la présence de plaques amyloïdes, grâce à des radiotraceurs (molécules radioactives injectées au patient via la circulation sanguine et qui se fixent sur les dépôts amyloïdes). Mais tous ces tests peuvent prendre plusieurs semaines, tant pour l'organisation que pour le traitement. Récemment, des chercheurs de l’Imperial College London ont développé une nouvelle approche qui se veut plus rapide via l’usage d’un scanner cérébral d'imagerie par résonance magnétique (IRM) effectué sur une machine standard de 1,5 Tesla, que l'on trouve couramment dans la plupart des hôpitaux pour produire un résultat en douze heures. Leur dispositif se démarque par l’utilisation d’une technologie d'apprentissage automatique (algorithme) pour examiner les caractéristiques structurelles du cerveau, y compris dans des régions qui n'étaient pas associées auparavant à la maladie d'Alzheimer. « L'avantage est sa simplicité et le fait qu'elle permet d'identifier la maladie à un stade très précoce. », expliquent les chercheurs dans la revue Communications Medicine.

Un dispositif capable de détecter avec précision la maladie 98% du temps

Ces derniers ont adapté cet algorithme développé initialement pour être utilisé dans la classification des tumeurs cancéreuses et l'ont appliqué au cerveau. Ils ont pour cela divisé le cerveau en 115 régions et attribué 660 caractéristiques différentes, telles que la taille, la forme et la texture, pour évaluer chacune d’entre elles. Ils ont ensuite formé l'algorithme pour déterminer comment des modifications de ces caractéristiques pouvaient prédire avec précision l'existence de la maladie d'Alzheimer. À l'aide des données de l'Alzheimer's Disease Neuroimaging Initiative, l'équipe a testé son approche sur des scintigraphies cérébrales de plus de 400 patients atteints de la maladie d'Alzheimer à un stade précoce et avancé, de témoins sains et de patients souffrant d'autres affections neurologiques, notamment la maladie de Parkinson. Les calculs obtenus ont été comparé avec les données de 80 patients subissant des tests de diagnostic pour la maladie d'Alzheimer à l'Imperial College Healthcare. Les résultats ont montré que ce nouveau scanner pouvait détecter la maladie avec une précision allant jusqu'à 98%.

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Il s’avère en outre que ce nouveau type de scintigraphie cérébrale a également été en mesure de faire la distinction entre les stades précoce et avancé de la maladie, avec une précision assez élevée, chez 79 % des patients. Le Pr Eric Aboagye, qui a dirigé la recherche indique ainsi « qu’aucune autre méthode simple et largement disponible ne peut prédire la maladie d'Alzheimer avec ce niveau de précision, donc notre recherche est un pas en avant important. De nombreux patients qui se présentent avec la maladie d'Alzheimer souffrent également d'autres troubles neurologiques, mais même au sein de ce groupe, notre système pourrait distinguer les patients atteints de la maladie d'Alzheimer de ceux qui n'en avaient pas. » Ce diagnostic simplifié apporterait beaucoup aux patients de même qu’aux médecins. « Si nous pouvions réduire le temps d'attente et simplifier le processus de diagnostic, cela aiderait beaucoup. Notre nouvelle approche pourrait également identifier les patients à un stade précoce pour des essais cliniques de nouveaux traitements médicamenteux ou des changements de mode de vie, ce qui est actuellement très difficile à faire. », ajoute-t-il.

Prédire la rapidité de l’évolution de la maladie pour une meilleure prise en charge : la recherche avance

En outre, ce nouveau système a aussi permis de repérer des changements dans des zones du cerveau qui n'étaient pas associées à la maladie d'Alzheimer, notamment le cervelet (la partie du cerveau qui coordonne et régule l'activité physique) et le diencéphale ventral (lié à la vue et à l'ouïe). Et si la maladie est connue pour son effet sur la mémoire, les chercheurs ont découvert que l'hippocampe, le « centre de la mémoire » du cerveau, ne capte que 26% des patients atteints. Une découverte qui ouvre donc la piste de nouvelles sur le lien entre ces zones cérébrales et le développement de la maladie, et qui pourrait pourquoi pas aider à mieux comprendre ce qui la déclenche. Une telle technologie pourrait être disponible dans les hôpitaux spécialisés d’ici trois ans selon l’estimation donnée. « Il est probable que certaines caractéristiques des analyses ne soient pas visibles, même pour les spécialistes. L'utilisation d'un algorithme capable de sélectionner la texture et les caractéristiques structurelles subtiles du cerveau qui sont affectées par la maladie d'Alzheimer pourrait vraiment améliorer les informations que nous pouvons obtenir des techniques d'imagerie standard. », conclut l’équipe scientifique.

A noter qu’en France, qui compte plus d’un million de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (ce qui en fait la maladie neurodégénérative la plus fréquente), l’Inserm travaille également sur une technique capable d’anticiper l’évolution de la maladie d’Alzheimer grâce à une technique d’imagerie spécifique. L’une de ses équipes scientifiques est partie du constat qu’il n’existe pas de moyen fiable pour prédire l’évolution clinique de la maladie chez un patient donné : certains la verront se déployer relativement lentement, alors que d’autres subiront une altération plus rapide de leurs fonctions cognitives, ce qui complique la prise en charge. Dans une étude, les chercheurs ont suivi 36 patients présentant une maladie d’Alzheimer au stade débutant. Ces derniers ont bénéficié d’un bilan clinique détaillé explorant les fonctions cognitives et d’un premier bilan de neuro-imagerie réalisé par IRM, pour mesurer l’atrophie cérébrale (conséquence fréquente de la maladie d’Alzheimer) et par Tomographie par Emission de Positons (TEP), cette technique qui permet de détecter in vivo l’accumulation des protéines anormales (tau et amyloïde) ainsi que leur répartition dans le cerveau.

Les patients ont été suivis pendant 2 ans avec des bilans cliniques annuels et une deuxième IRM à la fin du suivi. Les résultats ont révélé que la quantité initiale de protéine tau accumulée est associée à l’évolution des troubles cognitifs et de l’atrophie cérébrale. En clair, l’intensité des dépôts de protéine Tau, observables grâce à l’imagerie TEP, prédisent l’évolution de la maladie. Les chercheurs ont aussi constaté que pour chaque domaine cognitif considéré, les associations entre les quantités de protéine tau observées par imagerie TEP et l’évolution des troubles cognitifs prédominent dans les régions cérébrales qui leur sont classiquement associées. « Ce résultat souligne l’importance de la protéine tau dans le mécanisme de la maladie, et sa valeur prédictive de l’évolution de la maladie. Elle révèle également l’intérêt de l’imagerie TEP, qui permettrait aux équipes médicales de mieux anticiper l’évolution potentielle des troubles cognitifs et d’améliorer la prise en charge et l’accompagnement des patients. », conclut l’équipe scientifique. Il s’agirait par exemple d’optimiser la conception des essais thérapeutiques en fonction de l’évolution attendue des troubles chez chaque patient.

le 21/06/2022