Carole Delga, présidente PS de la Région Occitanie : « Nous devons nous réinventer et rebâtir un puissant projet de société »

  • « Macron ne pourra trouver une majorité qu’à droite, car il a un programme de droite ».
    « Macron ne pourra trouver une majorité qu’à droite, car il a un programme de droite ». Photo : Claude Boyer - L'Indépendant
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Propos recueillis par Yannick Povillon, Pierre Mathis et Éric Berger

Après s’être opposée à l’accord avec la Nupes, Carole Delga la présidente socialiste de la Région Occitanie analyse le résultat des élections législatives. Elle appelle à des États généraux de la gauche. Opposée à la politique d’Emmanuel Macron, l’élue socialiste ne souhaite pas un blocage institutionnel du pays.

Diriez-vous que ces législatives sont un succès pour la Nupes ?

Ces élections législatives nous ont d’abord confirmé que 28 millions de Français n’ont pas choisi le gouvernement si on considère l’abstention, les votes blancs et nuls. Et puis la deuxième leçon, c’est que l’extrême droite a su agréger tout le désespoir et la colère des Français. On ne peut pas être la gauche qui parle uniquement aux bobos. Moi, je fais en sorte de parler à tout le monde. C’est comme ça qu’on arrive à faire baisser l’extrême droite et la droite. Les bons scores de LFI l’ont été surtout dans les villes où il y a un niveau de richesse et de lien entre les gens qui est élevé. Je ne peux pas me satisfaire que les gens modestes, les pauvres, les classes moyennes aient l’extrême droite pour seul exutoire démocratique.

L’autre enseignement, c’est la fin du front républicain.

Malheureusement il n’existe plus. C’est un regret, mais ce n’est pas un renoncement. Je reconnais à Marine Le Pen et à Louis Aliot le talent d’habiller les députés d’extrême droite de façon très convenable, mais leur fond idéologique est très dangereux : c’est la division, le racisme, le manque de travail pour apporter des solutions. Quand on regarde Perpignan, c’est l’encéphalogramme plat sur le plan des projets.

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On ne peut pas être la gauche qui parle uniquement aux bobos

Le PS a obtenu une vingtaine de députés, diriez-vous que l’accord avec la Nupes a finalement profité aux socialistes ?

Il a essentiellement bénéficié à la France insoumise. À deux députés près, on a le même nombre d’élus qu’en 2017. Certes avec un score très faible à la présidentielle mais avec des scores qui avaient été très favorables aux départementales et aux régionales. Je ne partageais pas l’analyse d’aller à une union électorale et programmatique avec la France insoumise au premier tour. Je défendais qu’il y ait une union de la gauche au premier tour puis un accord de désistement avec la France insoumise au second. D’ailleurs, le soir du premier tour, j’ai appelé à voter pour la gauche. Il faut entendre ce que nous disent les Français, leur colère, leur désespoir. Quand je propose les Etats généraux de la gauche et quand je dis qu’il faut des réunions dans toutes les sous-préfectures, ce n’est pas faire trois réunions à Paris et une à Marseille. Il faut que les réunions soient décentralisées et qu’on aille vers les gens, ceux qui ne votent pas ou qui votent pour les extrêmes.

Comptez-vous toujours convoquer des États généraux de la gauche ?

Je les demande depuis six mois, on peut me reconnaître une certaine constance. Je vais en parler courant juillet à Olivier Faure, nous avons prévu de nous rencontrer. Tous les partis de gauche seront invités, pas uniquement le Parti socialiste même si nous devons être le moteur de ces états généraux. Tous les militants de LFI, d’EELV, du PCF… tout ce peuple de gauche qui se sent orphelin.

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Que pensez-vous de la majorité relative d’Emmanuel Macron ?

Emmanuel Macron ne pourra trouver une majorité qu’à droite car il a un programme de droite. C’est ce que j’ai dit à Elisabeth Borne. Ses partenaires sont Édouard Philippe et François Bayrou, des hommes de droite.

Opposée à la politique d’Emmanuel Macron, l’élue socialiste ne souhaite pas un blocage institutionnel du pays.
Opposée à la politique d’Emmanuel Macron, l’élue socialiste ne souhaite pas un blocage institutionnel du pays. Claude Boyer - L'Indépendant

Pensez-vous que Les Républicains vont empêcher le blocage institutionnel ?

Je ne suis pas dans leurs instances, cela ne vous a pas échappé, mais je pense qu’ils l’éviteront. En allant faire mes courses, lundi dernier, les gens m’ont dit « maintenant c’est à vous de vous débrouiller. De faire en sorte que la France fonctionne, vous devez vous entendre ». Les députés socialistes ne seront pas une simple force d’invective mais une vraie force de proposition.

Vous n’appelez pas au blocage ?

Non, le blocage n’est jamais légitime. C’est irrespectueux du peuple et irresponsable. Les Françaises et les Français attendent des solutions. Nous devons nous réinventer tout en restant sur nos valeurs. Cela dit, ces législatives marquent l’acte de rupture entre le peuple de gauche et Emmanuel Macron. Surtout ceux qui ont voté pour lui contre Marine Le Pen. Ils l’ont fait par amour républicain, pas pour leur Président.

Comptez-vous toujours jouer un rôle dans la reconstruction du PS ?

Bien sûr. Je crois en nos valeurs mais nous devons nous réinventer et rebâtir un puissant projet de société. Qui doit passer par la réussite par l’école qui nécessite une réforme complète. Qui va passer par le pouvoir de vivre par le travail. On a un nouveau projet de société à écrire par rapport à l’urgence écologique et énergétique. Enfin il faut réécrire notre projet sur l’État de droit, l’État laïque où la sécurité n’est pas un gros mot.

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Tout à l’heure, vous appeliez à des rapports plus apaisés avec LFI puisque vous appeliez à ce que ce parti participe aux États généraux de la gauche mais, en posant cela (sécurité et laïcité) est-ce que ce n’est pas créer, dès le départ, un point de non-accord ?

Sur le terrain, vous ne pouvez pas interdire à des militants LFI de venir à des Etats généraux. Je ne partage pas leur projet présidentiel : il y a quelques points communs mais j’ai plus de différence. Ensuite, nous avons eu une pratique politique ensemble dans l’hémicycle du conseil régional. Au bout de deux ans, les écologistes et les communistes m’ont demandé à sortir du groupe tellement c’était compliqué de travailler avec les Insoumis sur le fond comme sur la forme. J’ai pris acte du fait qu’il n’était pas possible, dans ma pratique politique, de travailler avec eux. En Occitanie, ils sont contre l’éolien flottant alors que Jean-Luc Mélenchon y est favorable dans son programme. Il y a une pratique politique ici qui est très radicale et très agressive.

Est-ce que vous pensez qu’il faudra d’abord trouver un programme commun ?

Un programme commun, oui, il faudra l’écrire. Sur les quatre thématiques, il y a un programme commun à élaborer. On verra avec qui…

C’est compatible avec le fait de refuser la demande de Jean-Luc Mélenchon d’un groupe commun à l’Assemblée nationale ?

Cette demande est étonnante quand même. Dans cet accord où il y a de nombreux points qui ne me conviennent pas, il était quand même très clair que chacun gardait son groupe. C’était un préalable. C’est un peu étonnant le coup de force qu’a tenté Jean-Luc Mélenchon.

Je pense que le défi, pour ce pays, est de sortir des analyses un peu parisiennes

Vous avez rencontré Elisabeth Borne. Pensez-vous qu’elle doive rester Première ministre ?

Je n’ai pas de conseil à donner à Emmanuel Macron sur sa Première ministre. La responsabilité qu’il a comme président de la République, c’est de faire en sorte que la France avance.

Elle est de gauche…

Quand vous êtes avec Emmanuel Macron pendant cinq ans, vous ne pouvez pas être de gauche puisque vous avez appliqué un programme de droite. Je l’ai rencontrée en tant que présidente des régions de France car, que ce soit elle la future Première ministre ou un autre, je crois beaucoup au couple État-Région. Je pense que le défi, pour ce pays, est de sortir des analyses un peu parisiennes. Les voix nationales généralisent les réalités de vie à l’intérieur du périphérique parisien à l’ensemble de la France.

Vous avez évoqué la poursuite d’un certain nombre de projets communs que vous aviez avec l’État ?

À part une décision du président de la République de tout stopper, tous les projets mis en place par Jean Castex sont en cours : LGV, routes, etc.

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