France : les musulmans rencontrent des difficultés croissantes pour enterrer leurs morts

Tombe musulmane ©AFP - PASCAL DELOCHE
Tombe musulmane ©AFP - PASCAL DELOCHE
Tombe musulmane ©AFP - PASCAL DELOCHE
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D’un côté, des familles endeuillées, qui tiennent à garder près d’eux la dépouille et la sépulture de leur proche. De l’autre, des élus, des maires, placés en première ligne, parce qu’en France les communes sont responsables de la gestion des cimetières.

Cette chronique a pour raison d’être l’histoire d’une amie chère. Qui m’a annoncé, à l’automne dernier, que sa maman était mourante. De confession musulmane, celle-ci souhaitait être inhumée dans le village de Picardie où elle vivait depuis tant d’années. A côté de ses enfants… dans une tombe musulmane ; une simple tombe en direction La Mecque. Toutefois, le maire du village, sans lui interdire l’accès au cimetière, lui refusait cette volonté. Son argument premier ? La laïcité.

J’ai commencé alors à m’intéresser à ce sujet dont je ne connaissais rien. Et c’est là que survient mon « et maintenant ? ». Car dans la presse quotidienne régionale, j’ai découvert que de nombreux français de confession musulmane faisaient face à une difficulté croissante à trouver un lieu de sépulture. Dans de nombreuses communes, surviennent des tensions fortes, exacerbées lors de la pandémie de Covid, au cours de laquelle le nombre de morts a explosé. D’un côté, des familles endeuillées, qui tiennent à garder près d’eux la dépouille et la sépulture de leur proche. De l’autre, des élus, des maires, placés en première ligne, parce qu’en France les communes sont responsables de la gestion des cimetières. Depuis le 16 juin dernier, et à la suite d’une requête d’un ancien élu de Savoie, le Conseil d’État se penche sur la question des carrés musulmans… nous y reviendrons. Nada AFIOUNI, maître de conférences à l’Université du Havre Normandie nous explique d’abord pourquoi ce sujet prend une importance croissante.

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Selon le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed MOUSSAOUI, il existerait 600 carrés musulmans dans les 40.000 cimetières de France. Mais alors : que dit la loi française à ce sujet ?

Précisons donc que les carrés confessionnels ne remettent pas en cause la laïcité : l’un des principes qui encadrent ces espaces. Car si les signes religieux sont autorisés sur les tombes, c’est la création (par des portails, des clôtures) d’espaces confessionnels à part, séparés des autres, qui est interdite. Les carrés confessionnels ne sont pas à part. Il s’agit juste d’un regroupement de sépultures. Mais l’ancien élu savoyard, à l’origine de la requête en annulation de deux chapitres de la circulaire Alliot-Marie, et que le le Conseil d’État examine, explique au Figaro : Faut-il encourager cette « vision religieuse ségrégationniste et discriminatoire », (…), qui « porte atteinte aux principes essentiels de neutralité laïque et d’égalité devant la loi que prône la République française » ? C’est oublier la tension qui traverse nombre de français de confession musulmane.

La maman de mon amie est décédée il y a quelques mois. L’édile n’a jamais accepté qu’elle soit enterrée, selon ses croyances, dans la commune où elle vivait. Elle est aujourd’hui inhumée à plusieurs dizaines de kilomètres de ses enfants. Séparée de son mari, enterré dans un autre cimetière. Alors, cette phrase du malaimé rapport Tuot sur la refondation des politiques d’intégration résonne autrement, plus fortement : « la fraternité, c’est aussi de se découvrir devant le convoi qui passe et de partager la douleur quand elle éclate au milieu de nous. Aucun musulman ne doit plus croire que la terre – sa terre, la nôtre – de France n’est pas la sienne ». Le plus juste moyen ? Qu’ils puissent, comme les autres, y reposer en paix.

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