Retour au pays

Des vacances "au pays" qui virent au cauchemar. ©AFP - Marco Longari
Des vacances "au pays" qui virent au cauchemar. ©AFP - Marco Longari
Des vacances "au pays" qui virent au cauchemar. ©AFP - Marco Longari
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Ekia part au Cameroun pour retrouver son frère disparu dans des conditions mystérieuses. Amina, elle, se souvient d'un voyage au Mali, à l'âge de quatre ans où elle a subi une grave mutilation. Des vacances "au pays" qui virent au cauchemar.

"Mon petit frère est parti au Cameroun pour rencontrer la famille. Il n’est jamais revenu." En 2009, Ange Badou disparaissait dans des circonstances mystérieuses. Il est alors âgé de vingt ans et il aurait été aperçu pour la dernière fois dans un petit village près de Douala, à l’est du pays. Pour sa sœur Ekia, qui a mené l’enquête, des villageois lui ont menti sur les raisons de sa disparition.

"Ma mère m'a dit que mon frère était parti déposer des bouteilles en consigne chez le boutiquier. Le boutiquier n'a jamais vu mon frère… Comment on peut disparaître sur 200m et que personne ne sache rien ?" Ekia

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La version officielle est qu'Ange se serait noyé. Certains villageois affirment qu'il se serait donné la mort. D'autres qu'il serait réapparu quelques jours plus tard, avant de disparaître de nouveau. Mais leur récit est farfelu et ne convainc par Ekia, qui en vient à se demander "si les gens étaient payés pour [lui] raconter des mensonges."

"Dans ce village, les gens savent que ce qui s'est passé. Il y a une omerta." Ekia

"Je me souviens d'une douleur atroce"

Amina, elle, avait quatre ans lorsqu’elle a été emmenée au Mali rencontrer sa famille. Nous étions en 1981, à Bamako puis à Kati, un village à 15km de la capitale. Amina n’a que de vagues souvenirs de ce voyage, si ce n’est celui d’avoir ressenti une intense douleur.

"Ma tante nous prend toutes les trois, mes deux sœurs et moi, et dit qu'elle va nous emmener au marché. Mais elle nous emmène dans une maison. Ma sœur part en premier dans une chambre. C'était chacune notre tour. On m'a amenée dans ma chambre. Et là, je vois ma tante à califourchon sur moi, elle me maintient les bras. Je me souviens avoir très très mal, une douleur atroce, mais je ne savais pas pourquoi." Amina

Amina a été excisée. Elle n'apprendra qu'à l'âge de quinze ans ce que cela signifie. Il s'agit d'une pratique répandue dans 31 pays, principalement en Afrique et en Océanie, qui consiste à mutiler les organes génitaux externes féminins. Selon l'UNICEF, cette pratique est un "rite de passage", souvent "un prérequis au mariage ou à la succession", mais surtout "un moyen d’asservir la sexualité des filles ou une garantie de chasteté". Violence inouïe, cette ablation laisse des séquelles physiques et psychologiques graves, en plus de représenter l'inégalité entre les femmes et les hommes dans ces pays.

Amina raconte comment elle a vécu sa vie sexuelle après ce traumatisme, mais aussi comment elle a entendu parler du docteur Pierre Foldès, chirurgien spécialisé dans la réparation de la clitoridectomie.

"J'ai découvert ce qu'était le plaisir. C'est une sensation que je n'avais jamais eue. Quand je pense que j'ai loupé ça jusqu'à mes 40 ans, c'est grave. Chacun a le droit au plaisir, comme il le veut et comme il le souhaite." Amina

Merci à l'Institut Women Safe de Saint-Germain-en-Laye, centre de prise en charge des violences faites aux femmes et enfants, Frédérique Martz, Amina, Ekia, Assetou.

Première diffusion : 5/11/2018

  • Reportage : Alice Milot
  • Réalisation : Anne-Laure Chanel et Cécile Laffon

Pour aller plus loin :

Le programme de l'UNICEF pour lutter contre l'excision

Le site de l'Institut Women Safe & Children où travaille le Dr. Pierre Foldès

Chanson de fin : "Manian" par Rokia Traore

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