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Une œuvre de Jan Fabre adjugée à 348 000 €, comme si de rien n’était
22·06·22

Une œuvre de Jan Fabre adjugée à 348 000 €, comme si de rien n’était

Temps de lecture : 3 minutes Crédit photo :

Belga (BRUNO FAHY)

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Moins de deux mois après la condamnation de Jan Fabre, l’une de ses œuvres les plus célèbres a été vendue aux enchères pour 348 000 euros. Un prix conforme à l’estimation. Comme s’il n’y avait jamais eu de controverse. « Preuve que les amateurs d’art savent distinguer l’homme de l’artiste », affirme un connaisseur. Pourtant, l’artiste est bel et bien tombé de son piédestal, rétorque un autre amateur d’art.

Jan Fabre a retrouvé son piédestal. Ou à tout le moins a-t-il redoré son blason. Au départ, le pari semblait osé : la maison de vente aux enchères Moyersoen visait une somme comprise entre 300 000 et 400 000 euros pour « L’homme qui mesure les nuages ». Mais une fois la séance clôturée, une douzaine d’acheteurs ont continué à s’affronter à coups d’enchères afin d’acquérir l’œuvre réalisée en 1998, laquelle faisait partie de la collection d’art de Jeroen Piqueur, le dirigeant déchu d’Optima. Il s’agit d’un des 36 exemplaires existants. L’un d’eux se trouve sur le toit du SMAK (musée d’art moderne de Gand, ndlr) depuis plus de vingt ans, tandis que celui qui trônait sur le toit de De Singel, centre d’art situé à Anvers, a été enlevé à la suite des accusations de harcèlement sexuel portées à l’encontre de l’artiste anversois.

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Pas une surprise

« Mais les responsables du centre seraient peut-être bien inspirés de réinstaller la sculpture. Retirer une œuvre poétique aussi fantastique d’un temple culturel comme De Singel était un aveu de faiblesse », souligne le commissaire-priseur et amateur d’art Peter Bernaerts, de la maison de ventes aux enchères éponyme. Le montant déboursé par le nouvel acquéreur ne l’étonne guère. « Cela me fait plaisir. Le véritable amateur d’art est capable de dissocier l’homme de l’artiste plus rapidement que monsieur Tout-le-monde. Un collectionneur qui achète un Caravage se moque de savoir que le peintre italien était par ailleurs un bagarreur qui a ôté la vie à quelqu’un. Il se place dans une perspective à long terme, considérant que la tourmente qui entoure Jan Fabre finira par s’étioler au fil du temps. »

Selon Peter Bernaerts, la vente fait honneur au marché de l’art. « Elle montre à quel point l’art s’inscrit dans la durée. L’œuvre dépasse la réalité dans laquelle l’artiste se trouve au moment précis de sa réalisation. »

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Il n’empêche que, dans le milieu de l’art, le raisonnement du commissaire-priseur ne fait pas l’unanimité. Hans Maes, philosophe de l’art (université de Kent), préfère s’en démarquer. « La valeur financière n’est pas la même que la valeur artistique », nuance-t-il. « Ce que les collectionneurs font et ce qu’ils sont prêts à payer, c’est leur affaire. Parfois, une controverse peut même faire grimper le prix. Et je crois qu’en l’occurrence, il y a bel et bien eu un impact sur la valeur artistique. »

Une œuvre entachée

Il est en effet impossible de dissocier cette valeur artistique de la personne et de son cadre de pensée, comme si de rien n’était, estime Hans Maes. « Une œuvre d’art exprime des attitudes qui ne sont pas neutres. Prenons l’exemple de ‘L’homme qui mesure les nuages’. Il s’agit d’une représentation imaginaire de l’artiste qui vise à s’élever. Comme si l’art se situait au-dessus des lois des hommes. La condamnation de Jan Fabre entache cette attitude. À mes yeux, l’œuvre a perdu de sa superbe. Et je ne suis pas le seul à le penser. Je comprends tout à fait les personnes qui estiment que Jan Fabre et ses œuvres ne méritent plus les honneurs dont ils jouissaient autrefois. »

Peter Bernaerts espère quant à lui nous n’en arriverons pas à de telles extrêmes. « Les agissements de Jan Fabre ne doivent pas écorcher son œuvre. Il est bon que les abus aient été dénoncés et que des limites aient été fixées. Mais en tant qu’observateur, nous devons à présent tourner la page. Et à ce titre, l’artiste peut s’avérer utile. Il serait extrêmement triste de faire une croix sur le génie de Jan Fabre, du jour au lendemain. »

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