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Affaire Le Tan : «On ne quitte pas Reiser, c’est lui qui vous quitte» : les récits terrifiants de ses ex-compagnes

Les proches de Sophie Le Tan, à l'ouverture du procès le 27 juin 2022.
Les proches de Sophie Le Tan, à l'ouverture du procès le 27 juin 2022. © Frederick FLORIN / AFP
Arnaud Bizot, à Strasbourg , Mis à jour le

Le procès de Jean-Marc Reiser, assassin présumé de Sophie Le Tan, s'est ouvert lundi après-midi devant les assises du Bas-Rhin. Un homme déjà condamné pour viols en 2003 puis acquitté faute de preuve dans une autre affaire de disparition en 2001.

À des degrés différents, elles ont toutes souffert de dépendance et l’admettent. Elle se sont fait manipuler et se sont senties comme « des proies », « des trophées ». Elles ont parfois aussi et surtout eu peur de lui, voire « crevé de trouille ». Cinq des anciennes compagnes de Jean-Marc Reiser, rencontrées depuis son adolescence et venues témoigner mardi 28 juin, se sont plus où moins remises de cette relation. Elles ne se connaissent pas et racontent à peu près la même histoire : une relation normale « qui dégénère rapidement », s’enfonçant dans les insultes, puis dans la violence. « Il partait en vrille pour un rien ». Toutes ont tenté d’oublier ce personnage « totalement imprévisible », aux « pulsions de colère » et qui devait « se sentir tout petit, un nain qui jouait les géants mais qui ne s’aimait pas ». L’une a déchiré la partie des photos d’album où il figure. L’autre, à l’inverse, a dû ressortir d’un tiroir les clichés de son union pour se remémorer « de tristes souvenirs » avant de se présenter à la barre. Une troisième a « eu peur dans la rue » pendant les dix ans qui suivirent la rupture… « Je le sentais derrière moi ». Pour une autre, son ombre imaginaire et menaçante l’a poursuivie un an. Solides, la tête sur les épaules, inébranlables : difficile, pour les trois avocats de Reiser, Mme Francis Metzger, Pierre Giuriato et Xavier Metzger, de les déstabiliser ou de mettre en doute l’essentiel de leurs récits, si ce n’est pour leur faire confirmer que jamais elles ne subirent de violences sexuelles de la part de l’accusé, histoire sans doute de préparer la Cour à cette idée que Sophie Le Tan n’a pas été agressée sexuellement. Évacuons de leurs maigres souvenirs la sexualité de J.M. Reiser, ici « pas un foudre de guerre » là, « pas très imaginatif » et enfin « passionné au début puis assez vite plan-plan : il était sur moi et c'est tout ». Reiser, interrogé par le président Antoine Giesssenhoffer au terme du défilé de ces femmes qui dura cinq heures, conviendra « n’être pas trop porté sur la chose ». 

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Marion* avait 19 ans, lui 26. Ensemble ils auront une fille, Sophie*. Marion garde très nette une seule image de ses « pétages de câbles » : sa tête dans la gazinière allumée et ses brulures au visage après qui son compagnon lui a balançé son assiette à la figure « car il n’avait pas aimé ce que j’avais fait à manger ». Plus tard, en vacances dans les Landes, Marion se crêpe le chignon avec la sœur de Reiser car celle-ci donne des bonbons aux enfants -dont sa fille-, alors qu’on s’apprête à passer à table. « Après le repas, il m’a enfermée dans la chambre puis frappée à l‘extérieur du bungalow ». Des voisins accourent, le voient avec un couteau. « Jean-Marc s’est sauvé à l’arrivée des gendarmes, appelés par les voisins, puis il est revenu comme si rien n’était arrivé ». Sylvie*, après un début prometteur, se fera engueuler lors du premier diner qu’elle organise chez elle, « des steaks et pomme de terre congelés, mais que j’avais améliorés ». Reiser exigea sèchement « du poisson purée, pour le prochain repas ». Lequel, servi à 7h45 au lieu de 7h30 précises, lui vaudra « des baffes, très précises, avec le tranchant de la main ». Même tarif pour la fleur de douche au lieu du gant de toilette qu’il réclamait à grand cris dans la salle de bains. Et lorsqu’à quelques reprises Sylvie refusa une relation sexuelle, « j’avais la guerre », résume-t-elle. « Une fois d’ailleurs, il saccagea le canapé lit à 2000 €. Bon d’accord, je l’avais gagné à une loterie mais ça n’est pas une raison ». Sylvie semble être la seule qui lui disait parfois ses quatre vérités. « Il me frappait pour me faire taire », estime-t-elle.

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À la barre, toutes, spontanément, évoqueront leur dépendance. En dehors de Marie-Laure, avec qui la relation ne dura que trois mois, les autres sont restées quatre, cinq, dix ans avec lui. Isabelle* parle de sa « propre faiblesse comme moteur de la relation ». Marion : « Quand on est dans ce schéma, on pense que c’est de sa faute, qu’on n’a pas été correcte. Alors on s’enferme là-dedans. Il me disait : « Tu m’a mis hors de moi » ». Sylvie : « Il est très intelligent et très malin. Il me culpabilisait. Son argument : « Après tout ce que je fais pour toi, comment peux-tu… » Puis, après les insultes ou les coups, il s’excusait. Un grand classique ! » ». Anne* : « On se dit qu’il vaut mieux faire profil bas ». Mais leurs souvenirs les plus marquants concernent les phases de rupture, lorsqu’enfin, elles décideront de partir. On pourrait dire s’enfuir. Isabelle : « On ne quitte pas Jean-Marc Reiser, c’est lui qui vous quitte ». Marion senti que « pour arriver à s’en dépêtrer, ça allait être difficile ». Elle le quitta « en cachette », sans prévenir. Il la harcela au travail, puis « me cherchait partout comme un fou », jusque dans cette chambre d’étudiante qu’elle avait gardée, où il téléphonait jour et nuit, attendant qu’elle en sorte. Un soir, n’en pouvant plus, elle descend. Reiser la convainc de faire un tour en voiture pour parler. « Il a roulé très vite jusqu’à une forêt, m’a projeté au sol, donné des coups de pieds au ventre. Il y avait un canal, pas loin. Je m’y suis vue morte. Puis soudain il s’est calmé. La nuit tombait. « Tu ne pleures même pas » m’a-t-il dit. J’étais juste terrorisée ». Il retrouve la trace d’Isabelle à Brest, où il fera l’aller-retour pour tenter de la récupérer. « Avant, pendant un an, j’ai reçu des fleurs, des colis, des lettres enflammées ». Reiser raconte être parti à la guerre pour l’oublier ». Marie-Laure, il la suivait partout, H24, tentant de défoncer la porte de son studio, au rez de chaussé d’une rue de Bastia, où Reiser, comme elle, suivait l’enseignement de l’Institut Régional d’Administration (IRA) en 1988. « Il scotchait des mots d’insultes à ma porte, ou bien des lettres d’amour. Dans la rue, il m’insultait ». Coups de fils incessants, là encore. Marie-Laure dépose une main courante au commissariat. Le manège continue. Elle fait alors appel à sa famille : un oncle, une tante, des cousins. « À tour de rôle ils se succédaient pour m’escorter aux cours comme une gamine ! » Cela ne suffit pas. Marie-Laure fera appel à un ami corse, prof de gym, qui menaça Reiser. « Il disparut enfin ».

Interrogé à 19 heures sur ces témoignages par le Président, Jean-Marc Reiser admettra que « tout ce qui est violence, c’est vrai », mais il n’a pas de la femme cette « image négative » dont la presse a parlé. Lors de ruptures conflictuelles, il a eu « des attitudes inappropriées ». Puis il pointera « des inexactitudes, des changements de version » qu’il a noté dans ce dossier qu’il connait par cœur, qu’il attribue à « du ressentiment ou de la vengeance ». Mais lorsque Me Gérard Welzer, avocat au barreau d’Épinal et conseil de la famille Le Tan avec Me Rémi Stephan, lui demande avec insistance de nommer les faits qu’il récuse, il évoque plutôt des détails pour finalement lâcher : « Dans l’ensemble, ça correspond ». Son avocat Me Metzger conclût la journée en lui demandant s’il lie ses « débordements » à ses « jeunes années ». Allusion à son père, quartier-maître dans la marine puis garde forestier, qui s’enfonça dans la maladie alcoolique. Il battait sa femme et le jeune Jean-Marc s’interposait pour protéger sa mère. Mais en échange il recevait des coups, si bien qu’à l’âge de quatorze ans il menaça son père et le violenta. Après un séjour en psychiatrie – « On ne bat pas son père », dira sa mère à l’instruction - Jean-Marc fut placé dans un établissement éducatif, le Château d’Angleterre, à Bischeim. Alors, un lien ? « Tout le monde me dit que cela a sûrement un rapport, mais c’est à un psychiatre de le dire » répondra J.M. Reiser.

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(* les prénoms ont été changés)

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