La guerre en Ukraine a limité la capacité de Moscou à s’ingérer dans l’élection présidentielle

«  Le contenu produit par RT et Sputnik a évolué vers des récits destinés à justifier l’invasion  », en se concentrant sur la «  dénazification  » de l’Ukraine ou les accusations de russophobie dans les médias grand public, ont écrit les experts. [Anton Garin/Shutterstock]

L’invasion russe de l’Ukraine a poussé le Kremlin à redéployer ses capacités d’influence et a limité les tentatives d’ingérence dans l’élection présidentielle française.

Les tentatives de déstabilisation du processus démocratique en France ont été relativement limitées cette fois-ci.

« Par rapport à l’élection présidentielle de 2017, c’est peut-être l’effondrement — probablement temporaire — de la capacité de la Russie à semer le trouble qui a constitué l’aspect le plus notable en 2022 », indique un nouveau rapport publié mardi (28 juin) par le Online Election Integrity Watch Group.

« Le contenu produit par RT et Sputnik a évolué vers des récits destinés à justifier l’invasion », en se concentrant sur la « dénazification » de l’Ukraine ou les accusations de russophobie dans les médias grand public, écrivent les experts.

Ils ont pu observer une forte baisse des publications de RT liées aux élections entre les deux tours de l’élection présidentielle par rapport à 2017, passant d’environ 190 à 13 en 2022.

En outre, l’interdiction à l’échelle européenne des médias contrôlés par l’État russes sur les principales plateformes en ligne a davantage entravé la capacité d’ingérence de Moscou.

Les auteurs ont tout de même souligné que cet impact avait été limité, les opérations d’information russes étant redéployées sur d’autres plateformes, telles que Telegram, et d’autres territoires comme l’Afrique francophone.

RT et Sputnik interdits dans l’Union européenne

L’UE a imposé des sanctions économiques à deux médias russes contrôlés par l’État,Russia Today et Sputnik, pour leur rôle « essentiel et instrumental » dans l’agression russe contre l’Ukraine et la déstabilisation des pays voisins.

Le Watch Group a souligné que RT et Sputnik avaient tous deux acquis un public assez important en France, RT France ayant, par exemple, autant de followers sur les réseaux sociaux que France Inter.

« La méfiance générée par la nature hautement centralisée des médias français est une source de vulnérabilité », expliquent les experts, soulignant que les médias russes ont réussi à exploiter cette lacune en faisant la promotion de « points de vue anti-système ».

L’interdiction n’a toutefois pas empêché le Kremlin de tenter de faire circuler de fausses informations.

Ainsi, le 22 avril, soit deux jours avant le second tour de l’élection présidentielle, des sources russes et francophones ont affirmé que « [Emmanuel]  Macron a laissé 50 officiers français mourir à Marioupol », s’appuyant sur une vidéo du président du parti nationaliste turc Vatan.

Dans une déclaration écrite publiée juste après, le parti a présenté cette « information » comme « exacte et fiable » et a affirmé qu’elle provenait de l’État russe.

« Le choix à faire [entre Macron et Le Pen] est le choix qui sauvera l’indépendance, la dignité et la fierté du peuple de France », concluait le communiqué, appelant ainsi les Français à voter pour cette dernière.

Cette « information » a ensuite été diffusée sur les réseaux sociaux par des comptes et des sites web qui ont été identifiés comme étant des « porte-paroles de la Russie ».

Si les sanctions se sont avérées, au moins partiellement, efficaces et ont freiné les réussites de RT et Sputnik en France, « le créneau que ces chaînes laissent derrière elles demeure vulnérable à de nouvelles tentatives d’ingérence autocratique », ont averti les analystes du Watch Group.

Ils ont observé que les médias publics chinois et l’ambassade de Chine en France ont « rempli le vide » et amplifié la portée du contenu partagé par les comptes diplomatiques russes, alors que la stratégie d’information de Bejing se concentre habituellement sur la promotion d’une image positive de la Chine et pas tant sur l’ingérence dans les élections démocratiques.

Les experts ont également ajouté qu’il serait « erroné » de penser que la capacité d’ingérence de la Russie a été réduite de manière définitive et que le Mali pourrait très bien devenir la « base arrière » du Kremlin pour les opérations d’information visant le monde francophone.

Le pays pourrait s’avérer être un terrain fertile pour la propagande russe après le retrait des troupes françaises et le renforcement de la présence militaire russe.

La France et l’Allemagne se tiennent prêtes à lutter contre l’ingérence étrangère avant les élections

À l’approche d’élections clés, l’Allemagne en septembre et la France l’année prochaine, Berlin et Paris prennent des mesures pour lutter contre la manipulation attendue des informations en ligne par des puissances étrangères.

 

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