Vue d’ensemble
Environ 73 millions d’avortements provoqués ont lieu chaque année dans le monde. Six grossesses non désirées sur 10 (61 %) et 3 grossesses sur 10 (29 %) se sont terminées par un avortement provoqué (1).
Les soins complets liés à l’avortement sont inscrits sur la liste des prestations de santé essentielles publiée par l’OMS en 2020. L’avortement est une intervention sanitaire simple qui peut être prise en charge de manière efficace par un large éventail d’agents de santé utilisant des médicaments ou par une intervention chirurgicale. Au cours des 12 premières semaines de grossesse, un avortement médicamenteux peut également être entièrement ou partiellement autogéré en toute sécurité par la femme enceinte hors d’un établissement de soins de santé (par exemple à domicile). Dans ce cas, la femme doit avoir accès à des informations précises, à des médicaments de qualité et au soutien d’un agent de santé qualifié (si elle en a besoin ou le souhaite pendant le processus).
Les soins complets liés à l’avortement comprennent la fourniture d’informations, la prise en charge de l’avortement et les soins après l’avortement. Ils englobent les soins liés à une fausse couche (avortement spontané et avortement manqué), à l’avortement provoqué (interruption délibérée d’une grossesse en cours par des moyens médicaux ou chirurgicaux), à l’évacuation complète ainsi qu’à la mort fœtale (mort fœtale intra-utérine). Les informations contenues dans le présent aide-mémoire portent essentiellement sur les soins liés à l’interruption volontaire de grossesse.
Ampleur du problème
Les avortements sont une intervention sanitaire sans risque quand ils sont pratiqués selon une méthode recommandée par l’OMS et adaptée à la durée de la grossesse et quand la personne pratiquant l’avortement a les compétences nécessaires.
Toutefois, lorsque les femmes ayant une grossesse non désirée font face à des obstacles pour avoir accès à un avortement sécurisé, au moment opportun, à un coût abordable, géographiquement accessible, respectueux et non discriminatoire, elles ont souvent recours à un avortement non sécurisé.
Les estimations mondiales de 2010 à 2014 démontrent que 45 % de l’ensemble des interruptions volontaires de grossesse sont non sécurisés. Un tiers de tous les avortements non sécurisés étaient pratiqués dans les conditions les plus dangereuses, c’est-à-dire par des personnes ne disposant pas de la formation adéquate dans ce domaine et ayant recours à des méthodes dangereuses et invasives (2).
Les pays en développement supportent la plus forte charge de l’ensemble des avortements non sécurisés (97 %). On estime que plus de la moitié de tous les avortements non sécurisés dans le monde sont pratiqués en Asie, pour la plupart en Asie du Sud et en Asie centrale. En Amérique latine et en Afrique, la majorité des avortements (approximativement 3 sur 4) ne sont pas sécurisés. En Afrique, près de la moitié des avortements ont lieu dans les conditions les plus dangereuses (2).
Conséquences du manque d’accès à des soins de qualité liés à l’avortement
Le manque d’accès à des soins liés à l’avortement qui soient sans risque, d’un coût abordable, fournis au moment opportun et respectueux, ainsi que la stigmatisation associée à l’avortement, posent des risques pour le bien-être physique et mental des femmes tout au long de leur vie.
L’inaccessibilité des soins de qualité liés à l’avortement risque de constituer une violation d’un éventail de droits humains des femmes et des filles, y compris le droit à la vie ; le droit au meilleur état de santé physique et mentale possible ; le droit de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications ; le droit de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l’espacement des naissances et du moment opportun ; et le droit à être protégé contre la torture ou toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Chaque année, 4,7 % à 13,2 % des décès maternels peuvent être attribués à un avortement non sécurisé (3). Dans les régions développées, on estime que pour 100 000 avortements non sécurisés, 30 femmes meurent. Dans les régions en développement, ce nombre s’élève à 220 décès pour 100 000 avortements non sécurisés (2). D’après les estimations de 2012, rien que dans les pays en développement, 7 millions de femmes par an étaient hospitalisées pour des complications dues à un avortement non sécurisé (4).
Parmi les risques pour la santé physique associés à l’avortement non sécurisé figurent notamment :
- une évacuation incomplète (les tissus et produits de la grossesse n’ont pas été complètement retirés ou expulsés de l’utérus) ;
- les hémorragies (saignements abondants) ;
- les infections ;
- les perforations de l’utérus (lorsque l’utérus a été perforé par un objet pointu ou tranchant) ; et
- les lésions de l’appareil génital et des organes internes par insertion d’objets dangereux dans le vagin ou l’anus.
Une réglementation restrictive en matière d’avortement peut entraîner une détresse et de la stigmatisation, et risquer de constituer une violation des droits humains des femmes et des filles, y compris le droit à la vie privée et le droit à la non-discrimination et à l’égalité, tout en imposant des charges financières aux femmes et aux filles. Les règlementations qui obligent les femmes à voyager pour obtenir une assistance juridique, ou qui exigent des conseils obligatoires ou des périodes d’attente, entraînent une perte de revenu et d’autres coûts financiers, et peuvent rendre l’avortement inaccessible aux femmes disposant de faibles ressources (5, 6).
Les estimations de 2006 montrent que les complications dues à des avortements non sécurisés coûtent aux systèmes de santé des pays en développement 553 millions de dollars des États-Unis par an pour les traitements après un avortement. En outre, les ménages ont subi une perte de revenu s’élevant à 922 millions USD du fait des handicaps de longue durée liés aux avortements non sécurisés (8). Les pays et les systèmes de santé pourraient réaliser des économies substantielles en améliorant l’accès à la contraception moderne et à l’avortement provoqué de qualité (6, 7).
Un ensemble d’analyses exploratoires réalisées à partir de 2021 indiquent que les réglementations sur l’avortement – en étant liées à la fécondité – ont une incidence sur l’éducation des femmes, leur participation au marché du travail et leur contribution positive à la croissance du PIB. Le statut juridique de l’avortement peut également avoir des conséquences sur les résultats scolaires des enfants et leurs revenus sur le marché du travail plus tard dans leur vie. Par exemple, la légalisation de l’avortement – en réduisant le nombre de grossesses non désirées et en augmentant ainsi la probabilité que les enfants naissent désirés – peut être liée à des investissements plus importants des parents sur leurs enfants, notamment dans la scolarisation des filles (7).
Développer des soins de qualité liés à l’avortement
Les données montrent que les restrictions en matière d’accès à l’avortement ne permettent pas de réduire le nombre d’avortements (1) ; toutefois, elles ont une incidence sur la question de savoir si les avortements pratiqués sur les femmes et les filles sont sécurisés et dignes. La proportion d’avortements non sécurisés est nettement plus élevée dans les pays où les lois sur l’avortement sont très restrictives que dans les pays où elles le sont moins (2).
Parmi les obstacles à un accès sûr et respectueux à l’avortement figurent notamment les coûts élevés, la stigmatisation à l’égard des femmes souhaitant avorter et des personnels de santé, ainsi que le refus des agents de santé de pratiquer un avortement du fait de leur conscience personnelle ou de leurs croyances religieuses. L’accès est en outre entravé par des lois et des exigences restrictives qui ne sont pas médicalement justifiées, notamment la criminalisation de l’avortement, les périodes d’attente obligatoires, la fourniture d’informations ou de conseils biaisés, l’autorisation d’un tiers et les restrictions concernant le type de prestataires ou d’établissements de santé pouvant fournir des services d’avortement.
De nombreuses mesures sont nécessaires au plan juridique, ainsi qu’aux niveaux des systèmes de santé et des communautés, afin que toute personne ayant besoin de soins liés à l’avortement puisse y avoir accès. Les trois éléments fondamentaux d’un environnement propice à la fourniture de soins complets de qualité liés à l’avortement sont les suivants :
- le respect des droits humains, y compris un cadre juridique et politique favorable ;
- la disponibilité et l’accessibilité de l’information ; et
- un système de santé en mesure de fournir le soutien escompté, accessible à tous, abordable et efficace.
Le bon fonctionnement d’un système de santé implique de nombreux facteurs, notamment :
- des politiques fondées sur des bases factuelles ;
- la couverture sanitaire universelle ;
- l’approvisionnement fiable en produits et équipements médicaux de qualité et abordables ;
- un nombre suffisant d’agents de santé, exerçant différentes professions, fournissant des soins liés à l’avortement à une distance accessible aux patientes ;
- la fourniture de soins liés à l’avortement au moyen de diverses approches, par exemple les soins dans les établissements de santé, les interventions numériques et les approches d’auto-soins, permettant de faire des choix en fonction des valeurs et des préférences de la femme enceinte, des ressources disponibles et la prise en compte du contexte national et local ;
- les agents de santé doivent être formés pour fournir des soins liés à l’avortement qui soient sans risque et respectueux, pour appuyer la prise de décisions éclairée et pour interpréter les lois et les politiques régissant l’avortement ;
- les agents de santé doivent bénéficier d’un soutien et être protégés contre la stigmatisation ; et
- la fourniture de contraceptifs pour prévenir les grossesses non désirées.
La disponibilité et l’accessibilité de l’information suppose les aspects suivants :
- la fourniture d’une éducation sexuelle complète fondée sur des bases factuelles ; et
- des informations précises, impartiales et fondées sur des données probantes en matière d’avortement et de méthodes contraceptives.
Action de l’OMS
L’OMS publie des orientations stratégiques et techniques mondiales sur l’utilisation de la contraception pour prévenir les grossesses non désirées, et fournit des informations sur les soins liés à l’avortement, la prise en charge de l’avortement (y compris les fausses couches, les avortements provoqués, l’évacuation complète et la mort fœtale) ainsi que les soins après un avortement. En 2021, l’OMS a publié des lignes directrices actualisées et consolidées sur les soins liés à l’avortement, comprenant l’ensemble des recommandations et des déclarations de bonnes pratiques de l’OMS dans trois domaines essentiels à la fourniture de soins liés à l’avortement, à savoir la législation et les politiques, les services cliniques et la prestation de services.
L’OMS tient également à jour la base de données mondiale sur les politiques en matière d’avortement (Global Abortion Policies Database). Cette base de données en ligne comprend des informations complètes sur la législation, les politiques, les normes et les lignes directrices applicables à tous les pays en matière d’avortements.
Sur demande, l’OMS fournit un soutien technique aux pays pour leur permettre d’adapter les lignes directrices en matière de santé sexuelle et reproductive à leur situation particulière et de renforcer les politiques et programmes nationaux relatifs à la contraception et à l’avortement sécurisé. Un cadre de suivi et d’évaluation de la qualité des soins liés à l’avortement est également en cours d’élaboration.
Le Programme spécial PNUD/UNFPA/UNICEF/OMS/Banque mondiale de recherche, de développement et de formation à la recherche en reproduction humaine, coparrainé par l’OMS, mène des travaux de recherche sur les soins cliniques, la réglementation en matière d’avortement, la stigmatisation relative à l’avortement, et de recherche appliquée sur les approches communautaires et celles des systèmes de santé pour la prévention des avortements non sécurisés. Il assure également le suivi de la charge mondiale que constituent les avortements non sécurisés et de leurs conséquences.
1. Bearak J, Popinchalk A, Ganatra B, Moller A-B, Tunçalp Ö, Beavin C et al. Unintended pregnancy and abortion by income, region, and the legal status of abortion: estimates from a comprehensive model for 1990–2019. Lancet Glob Health. 2020 Sep; 8(9):e1152-e1161. doi: 10.1016/S2214-109X(20)30315-6.
2. Ganatra B, Gerdts C, Rossier C, Johnson Jr B R, Tuncalp Ö, Assifi A et al. Global, regional, and subregional classification of abortions by safety, 2010–14: estimates from a Bayesian hierarchical model. The Lancet. 2017 Sep
3. Say L, Chou D, Gemmill A, Tunçalp Ö, Moller AB, Daniels J et al. Global causes of maternal death: a WHO systematic analysis. Lancet Glob Health. 2014 Jun; 2(6):e323-33.
4. Singh S, Maddow-Zimet I. Facility-based treatment for medical complications resulting from unsafe pregnancy termination in the developing world, 2012: a review of evidence from 26 countries. BJOG 2015; published online Aug 19. DOI:10.1111/1471-0528.13552.
5. Coast E, Lattof SR, Meulen Rodgers YV, Moore B, Poss C. The microeconomics of abortion: A scoping review and analysis of the economic consequences for abortion care-seekers. PLoS One. 2021 Jun 9;16(6):e0252005. doi: 10.1371/journal.pone.0252005. PMID: 34106927; PMCID: PMC8189560.
6. Lattof SR, Coast E, Rodgers YVM, Moore B, Poss C. The mesoeconomics of abortion: A scoping review and analysis of the economic effects of abortion on health systems. PLoS One. 2020 Nov 4;15(11):e0237227. doi: 10.1371/journal.pone.0237227. PMID: 33147223; PMCID: PMC7641432.
7. Rodgers YVM, Coast E, Lattof SR, Poss C, Moore B. The macroeconomics of abortion: A scoping review and analysis of the costs and outcomes. PLoS One. 2021 May 6;16(5):e0250692. doi: 10.1371/journal.pone.0250692. PMID: 33956826; PMCID: PMC8101771.
8. Vlassoff et al. Economic impact of unsafe abortion-related morbidity and mortality: evidence and estimation challenges. Brighton, Institute of Development Studies, 2008 (IDS Research Reports 59).