À Toulouse, ce jeudi 30 juin 2022, la Cour d'appel juge quinze militants de l’association Handi-social, en faveur de l'accessibilité, pour des faits qui se seraient déroulés en 2018. Ils sont accusés d'avoir bloqué les voies d'un TGV, mais également des pistes de l'aéroport de la ville, afin de dénoncer le validisme des institutions et le manque d'accessibilité des équipements et lieux publics en France.

Leurs actions coup de poing avaient été organisées en réaction au vote de la Loi Elan sur les normes des logements accessibles. Et justement, devant la justice, ils avaient été confrontés à des manquements logistiques du tribunal qui ne leur permettaient pas d'établir leur défense dans de bonnes conditions.

Éviter un deuxième fiasco 

"Ils ont été jugés dans des conditions inqualifiables, en première instance, notamment en raison de l'absence d'accessibilité de la justice. (...) Ils s'apprêtent à être jugés en appel dans les mêmes conditions", a dénoncé l'avocate et autrice handicapée Elisa Rojas sur Twitter le 23 juin 2022. La juriste a été citée comme témoin à l'audience, à laquelle elle assiste à distance depuis la Cour d'appel de Paris, dont elle a également déploré le manque d'accessibilité.

Lorsqu'ils avaient été entendus par la justice en première instance, dans procès controversé en mars 2021, les membres de Handi-social et leurs avocats s'étaient indignés des conditions dans lesquelles ils avaient été accueillis. Symbole, selon eux, du validisme qu'ils dénoncent et de l'humiliation que cette discrimination entraîne quotidiennement.

Vidéo du jour

Critiquée pour ce "procès de la honte", cette fois, la juridiction a prévu quelques aménagement pour éviter un nouveau fiasco. En ce sens, une salle d’audience a été aménagée pour accueillir les nombreux participants sans qu'ils ne soient entassés et une rampe d’accès a été installée pour permettre aux personnes à mobilité réduite d'accéder au tribunal toulousain.

L'audience devrait terminer à 19h45 maximum, afin de ne pas reproduire la situation regrettée en première instance : le procès s'était prolongé jusqu'à 22h, poussant les personnes en situation de handicap à occuper le tribunal pour réclamer une prise en charge afin de rentrer chez eux. À cette heure-ci, les auxiliaires de vie n'étaient plus disponibles pour les accompagner aux toilettes ou au coucher notamment.

"Ils n’ont aucune conscience de nos difficultés réelles", estime la présidente de Handi-sociale et élue municipale, Odile Maurin, auprès de 20 Minutes. Si le tribunal semble avoir pris de nouvelles mesures pour assurer le bon déroulé du procès et la dignité des accusés, la militante reste sceptique.

Un procès incarnant le validisme dénoncé

L'un de leurs conseils, Me Arié Alimi, avait dénoncé dans 20 minutes que le lieu n'était tout simplement pas aux normes d'accessibilité requises : "Est-ce qu’on considère qu’ils ne doivent pas être traités de la même manière que d’autres justiciables ? C’est à la justice de s’adopter, pas l’inverse."

L'ascenseur prévu pour les personnes à mobilité réduite était "branlant" et "inadapté pour certains fauteuils roulants", décrivait Auféminin à l'époque. "Le dispositif ne permet pas une utilisation autonome et le magistrat n'a pas prévu l'assistance nécessaire !", notait la présidente Odile Maurin à son arrivée sur place, relayée par le militant Nikola Dobric sur Twitter.

"Les dispositifs d’accès (élévateurs, rampes…) sont conformes aux règles d’accessibilité applicables à ce bâtiment, et sont régulièrement entretenus et vérifiés par un organisme indépendant", s'étaient défendus le procureur de la République de Toulouse et le président du tribunal judiciaire.

Une prévenue interrompue et réduite au silence

Aussi, une militante souffrant d'un trouble de l'élocution aurait été coupée par la juge pendant son intervention, au motif que cette dernière ne "comprend rien" lorsqu'elle s'exprime. La militante nécessitait l'aide d'un interprète. Mais là encore, le procureur avait expliqué que sa présence n'était pas automatique.

Les membres de Handi-social avaient également regretté la durée des pauses, très courtes, qui avaient contraint des prévenus à s'uriner dessus. En appel, il y aura des pauses toutes les deux heures.

Par ailleurs, selon d'autres avocats, lors du premier procès qui s'était déroulé en pleine pandémie de Covid-19, et les normes sanitaires n'avaient pas été respectées, malgré les comorbidités de certains prévenus.

En des conditions énoncées plus tôt, les avocats des prévenus ont demandé l'annulation du premier jugement qui les avait condamnés à des peines de prison avec sursis probatoire pour une durée de 5 ans. Selon l'association, celles-ci sont comprises entre 2 et 6 mois selon les membres.