À Paris, l'APHP remplace le nom d'un collaborateur de Vichy par celui d'un médecin résistant juif

Une décision forte : l'APHP a annoncé le retrait du nom d'un chirurgien collaborateur de Vichy d'un de ses bâtiments, renommé du nom d'un médecin résistant juif fils de déporté.

Le nom du médecin René Leriche va être supprimé d'un bâtiment de l'APHP, renommé Ady Steg, résistant juif durant la Seconde Guerre mondiale.
Le nom du médecin René Leriche va être supprimé d’un bâtiment de l’APHP, renommé Ady Steg, résistant juif durant la Seconde Guerre mondiale.
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Le nom d’un chirurgien collaborateur disparaît du fronton d’un bâtiment de l’APHP : jeudi 30 juin 2022, les Hôpitaux de Paris ont débaptisé le bâtiment René Leriche. Médecin et président du Conseil de l’ordre national des médecins, il a surtout facilité l’exclusion des médecins juifs et leur fichage pendant la Seconde Guerre mondiale. Déjà symbolique, la décision est renforcée par le nouveau nom du bâtiment : il s’appellera Ady Steg. Médecin de confession juive, il a échappé à la Rafle du Vel d’Hiv, entrant dans la Résistance.

Président de l’Ordre national des médecins, institution collaboratrice

Il ne faut pas séparer le « grand chirurgien » du collaborateur actif des nazis. Né en 1879, René Leriche a eu une riche carrière médicale. Durant la Première Guerre mondiale, il est à l’initiative du choix du bleu pour les salles d’opération des hôpitaux militaires, une couleur aujourd’hui utilisée dans le monde entier. Chirurgien qui ampute le maréchal Joffre à la fin de sa vie en 1930 et pionnier de la chirurgie vasculaire, René Leriche quitte Lyon pour Paris en octobre 1940, mois des premières lois antijuives durcies et adoptées par Pétain.

S’il a refusé d’être ministre de la Santé de Pétain, René Leriche ne s’éloigne pas pour autant des institutions du régime collaborationniste de Vichy. Le chirurgien a pris la tête du tout nouvel Ordre national des médecins. Cet organe, sous sa direction, « appliquera notamment l’interdiction professionnelle des médecins juifs, contribuant activement à leur recensement, à leur dénonciation et leur spoliation », souligne l’APHP. René Leriche a eu ce poste jusqu’à fin 1942, tout en étant au Conseil national, « assemblée » de Vichy.

Ady Steg mis à l’honneur dans l’hôpital Broussais

Quand René Leriche organisait le fichage de ses collègues juifs, un lycéen futur urologue portait l’étoile jaune, échappait à la Rafle du Vel d’Hiv et entrait dans la Résistance pendant que son père embarquait dans un train pour la mort, à Auschwitz. C’est Ady Steg, dont le nom va renommer le bâtiment de l’hôpital Broussais du 14e arrondissement.

Né en Tchécoslovaquie en 1925, arrivé à Paris en 1932, Ady Steg a été scolarisé dans le lycée Voltaire du 11e arrondissement. Il a 17 ans quand de faux papiers le sauvent de la rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942. « Il passe en zone libre avec sa sœur, où il est recueilli par l’Abbé Glasberg. Il s’engage alors dans la Résistance, dans les FFI à Sarlat puis au 3ème Bataillon d’Armagnac », rappelle l’APHP. Après la guerre, il présidera le Conseil représentatif des institutions juives de France et sera vice-président de la Mission d’étude sur la spoliation des juifs de France. Ady Steg est grand officier de la Légion d’honneur.

Ady Steg a débuté sa carrière à l’hôpital Cochin en 1953, est devenu chef de clinique en 1957 puis chirurgien des hôpitaux de Paris en 1966 et chef du service d’urologie à partir de 1976. Pour l’APHP, « sa réputation et son talent ont contribué à établir la notoriété nationale et internationale du service d’urologie de Cochin ». Il est décédé en avril 2021.

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