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Damien Abad éjecté du gouvernement : un changement de doctrine pour Macron
Damien Abad, lors de l'inauguration du centre hospitalier de Bugey-Sud à Belley (Ain), le 27 juin.
PHOTOPQR/LE PROGRES/MAXPPP

Damien Abad éjecté du gouvernement : un changement de doctrine pour Macron

Violences sexuelles

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Visé par deux plaintes pour viols – classées sans suite – et une troisième pour tentative de viol, le désormais ex-ministre des Solidarités va retourner à son activité parlementaire. Son éviction signifie-t-elle un changement de doctrine gouvernementale concernant les ministres mis en cause dans des affaires d'agressions sexuelles ?

« La justice est la seule à devoir ou à pouvoir trancher. » Manifestement, les déclarations de la désormais ex-porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire, tenues le 23 mai en marge de l'affaire Abad, sont désormais obsolètes. Et pour cause, le nouvel exécutif, nommé ce matin, ne compte plus dans ses rangs le ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées.

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Visé par deux plaintes – classées sans suite – pour viols et une troisième pour tentative de viol, Damien Abad va retourner à son activité parlementaire en tant que député de l'Ain. Son éviction signifie-t-elle un changement de doctrine gouvernemental concernant les ministres mis en cause dans des affaires d'agressions sexuelles ?

« Aucune raison de douter de sa parole »

Lors du précédent quinquennat, Emmanuel Macron n'a cessé de renouveler sa confiance à Gérald Darmanin, lui aussi visé par une plainte pour viol (le parquet a requis un non-lieu en janvier 2022). Au cours d'une interview accordée à l'occasion du 14 juillet, juste après l'arrivée de l'intéressé au ministère de l'Intérieur, le président parlait de son ministre en ces termes : « Si, à partir du moment où quelqu’un est accusé, il ne peut pas avoir de responsabilité politique, notre démocratie change de nature. Elle devient une démocratie d’opinion. »

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Idem dans le cas de l'affaire Hulot. En février 2018, le ministre de la Transition énergétique est mis en cause par une enquête du magazine Ebdo – aujourd'hui disparu – faisant état d'une plainte pour viol (dont on apprendra qu'elle émane de Pascale Mitterrand, petite-fille de François Mitterrand). L'exécutif fait bloc et Matignon publie un communiqué dans la foulée, arguant que son ministre « s’est exprimé avec sincérité et émotion sur les rumeurs dont il est l’objet depuis plusieurs jours », que « ses explications ont été claires, précises » et qu'il n'y a « aucune raison de douter de sa parole ».

Même Marlène Schiappa, alors secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes, aujourd'hui de retour au gouvernement (chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative), défendait avec ardeur son collègue du gouvernement dans une tribune publiée dans Le Journal du dimanche​​​​​. « L'article sur Nicolas Hulot ? Je le trouve irresponsable », écrit-elle, allant jusqu'à qualifier l'intéressé d'« homme charmant ». Il est vrai cependant que la justice avait alors classé sans suite l'enquête.

Chrysoula Zacharopoulou reste au gouvernement

La même Marlène Schiappa jugera « extrêmement difficile » la reconduction de Damien Abad dans ses fonctions après les révélations de Mediapart. Sur BFMTV le 1er juillet, celle qui est alors retirée du gouvernement se disait « choquée » par les propos de Damien Abad, qui avait indiqué s'en remettre aux élections législatives : « On ne peut pas dire que la justice ne se fait pas sur les plateaux ou les réseaux sociaux, et dire qu'elle va se faire au vote. Il y a des innocents qui sont battus à des élections et des coupables qui remportent des élections », estimait-elle.

« Est-ce qu’une personne mise en cause – et je respecte la présomption d’innocence – mais qui est néanmoins mise en cause dans plusieurs affaires de viol, est fondée à avoir la tutelle sur cette direction de la communication qui gère les droits des femmes et l’égalité femme/homme ? Je pense que la question se pose », concluait-elle, n'ayant toutefois pas les mêmes pudeurs au sujet de Gérald Darmanin, qui fut son ministre de tutelle de 2020 à 2022.

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Toutefois, Damien Abad est le seul membre du gouvernement accusé d'agressions sexuelles à ne pas être reconduit. La secrétaire d'État à la francophonie, Chrysoula Zacharopoulou, également visée par deux plaintes pour viol – révélées par Marianne – et par une plainte pour violences gynécologiques, est, elle, maintenue dans ses fonctions.

Sans doute, donc, que l'éviction du député de l'Ain est en partie liée à la multiplication des accusations à son encontre. D'autant que le 4 juillet au matin, quelques heures avant l'annonce de la composition du gouvernement, une quatrième femme a déclaré avoir porté plainte le 29 juin contre le désormais ex-ministre. Sur BFMTV, celle qui se fait appeler Julie explique avoir été contactée par Damien Abad en 2013, lorsqu'elle était elle-même membre des Jeunes Populaires, l’organisation de jeunesse de l’UMP.

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Selon le témoignage de la jeune femme, prétextant vouloir parler de politique, Damien Abad insiste pour la rencontrer autour d'un dîner ou d'un verre « en tête à tête ». Le rendez-vous se déroule à Paris, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, puis se poursuit dans un bar. « Au bout d’un moment, j’ai commencé à perdre mes moyens, décrit-elle. J’avais des vertiges, je commençais à voir trouble. Le lendemain, je me réveille dans la chambre d'hôtel que j'avais réservée, dans le lit complètement dévêtue. J'avais du mal à me souvenir […] puis j'ai eu des flashs. Il était effectivement dans la chambre la nuit, ça c'est sûr et certain. » Un récit étrangement similaire à celui des trois autres victimes présumées.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne