jeudi 18 avril 2024

5-6 juillet 1809 : Bataille de Wagram

Contexte

En novembre 1808, l’armée française n’est pas concentrée sur un même théâtre d’opérations, une partie est déployée en Espagne où elle est mise en échec par l’insurrection. Il faudra l’action de Napoléon qui prend Madrid après plusieurs victoires pour stabiliser la situation.

En conséquence, Napoléon perd l’initiative, la guerre lui est imposée par l’Autriche désireuse de venger Austerlitz. Une habile campagne de propagande anti-napoléonienne réveille les nationalismes en Allemagne. Par ailleurs l’Angleterre, toujours désireuse de fomenter des coalitions contre la France, soutient les Autrichiens qui lancent, en avril 1809, une attaque contre deux alliés de Napoléon, la Bavière et le Grand-Duché de Varsovie. Le conflit se présente donc dans de mauvaises conditions, Napoléon doit faire face à une Autriche belliqueuse, à l’agitation qui couve en Allemagne et à l’Espagne soutenue par l’Angleterre. Le 10 avril 1809 le royaume de Bavière est envahi, à la grande surprise de Napoléon qui n’attendait l’offensive autrichienne qu’à la fin du mois. Toutefois, en Bavière, la pluie et les difficultés d’approvisionnement retardent les 126 000 soldats Autrichiens, ce qui permet à l’Empereur d’opérer une manœuvre visant à tourner l’armée ennemie par le sud et à la couper de Vienne. Ainsi, en cinq jours, du 19 au 23 avril, les Français repoussent les Autrichiens d’Allemagne. S’ensuit les batailles de Ratisbonne et d’Essling qui conduisent à une ultime confrontation à Wagram.

Forces en présence

À la fin du mois de juin, les troupes d’Eugène de Beauharnais et de McDonald arrivent en renfort, portant les effectifs impériaux à 190.000 soldats et 500 pièces d’artillerie. Toutefois, cette armée est composée de nombreux jeunes conscrits et de bataillons disparates (Bavarois, Dalmates, Italiens, Saxons…) à la loyauté relative et difficiles à manœuvrer. Pour sa part, sur la rive gauche, l’archiduc autrichien Charles, bon tacticien, dispose son armée de 136.000 hommes le long d’un front de 20 kilomètres s’étendant autour du village de Wagram et aux abords de la plaine du Marchfeld et des plateaux de Bisemberg et Neusiedel.

Déroulement

Temps 1 : La préparation

Après la bataille d’Essling, Napoléon déployé le long du Danube transforme l’île Lobau en point d’appui fortifié. Les unités du génie établissent de solides ponts pour relier l’île à la rive droite du Danube. Les pièces d’artillerie, saisies à Vienne, sont déployées sur l’île en même temps que d’importantes quantités de munitions et de ravitaillements divers.

Des ponts mobiles sont construits afin d’être jetés sur la rive gauche du fleuve en lieu et place des traditionnels ponts de bateaux. Mal renseigné, Napoléon estime que Charles s’est déployé à hauteur d’Aspern et d’Essling. Il prépare un plan afin d’envelopper son ennemi par la droite. A la faveur d’un violent orage qui masqua les mouvements français aux Autrichiens, Napoléon entama la traversée du Danube grâce à 4 ponts mobiles.

Temps 2 : premiers contacts

Vers 9H00, les troupes d’avant-garde (corps de Davout, Oudinot et Masséna) abordent la plaine de Marchfeld et Napoléon prend conscience que la disposition réelle des forces autrichiennes ne correspond pas du tout à ses plans. En conduite, il donne de nouveaux ordres et déploie ses forces en éventail au pied du plateau de Wagram. Masséna constitue l’aile gauche, Davout l’aile droite, Oudinot, Bernadotte et Eugène le centre. La Garde et la cavalerie, massées à l’arrière, constituent la réserve. Vers 19h00, l’ensemble de ses forces ayant traversé le fleuve, Napoléon veut reprendre l’initiative et ordonne l’attaque du centre autrichien, espérant ainsi couper l’armée de Charles en deux. Au cours de l’assaut, les forces italiennes d’Eugène de Beauharnais, qui ne connaissaient pas les uniformes des Saxons de Bernadotte, prirent ces derniers pour l’ennemi et ouvrirent le feu contre eux. Le désordre gagna l’ensemble de la ligne française et l’attaque est abandonnée.

Temps 3 : prise d’initiative autrichienne

N’ayant pas remporté de succès décisif le 5, Napoléon décida de contenir la droite adverse et de porter l’essentiel de ses efforts contre le plateau de Russbach. En raison des difficultés engendrées par une attaque d’une position située en hauteur, il chargea Davout de déborder la gauche autrichienne. Il prépare simultanément une importante réserve destinée à être engagée au moment le plus opportun. Le 6 juillet, à 4H00, l’archiduc Charles prend le premier l’initiative en attaquant les ailes françaises. Sur la droite napoléonienne, Davout, prêt à l’offensive, contient l’assaut et s’empare des hauteurs de Wagram. Sur le reste du front français, les Saxons de Bernadotte reculent sous la pression. Exploitant cette opportunité, l’archiduc Charles se tourne vers Masséna qui doit se replier. Cette manœuvre menace de couper aux Français l’accès au Danube. Une contre-attaque de la cavalerie française rétablit heureusement la situation.

Temps 4 : La prise de risque française.

Vers midi, Napoléon, conscient que les lignes autrichiennes sont très étirées, décide de frapper le centre autrichien. Une puissante artillerie française, 102 canons confiés à Drouot et répartis sur un front de 2 kilomètres, est déployée. Grâce à sa puissance de feu, elle met l’artillerie autrichienne hors de combat en moins de 30 minutes. Napoléon lance alors la colonne McDonald et ses 26 bataillons formés en un immense carré d’un kilomètre de côté. Elle enfonce le centre ennemi appuyée par la réserve, et coupe les forces autrichiennes en deux. À 14H00, l’ensemble des unités françaises repartent à l’assaut et mettent en déroute l’armée autrichienne. Vers 15H00, constatant la défaite et privé du renfort qu’il attendait de son frère l’archiduc Jean (11 000 fantassins, 2 000 cavaliers et 34 canons), Charles ordonne la retraite et se replie en bon ordre vers la Bohême. En effet, il n’est pas poursuivi par une cavalerie française qui est incapable d’exploiter sa victoire après 18 heures de lourds affrontements.

Bilan

Grand succès en apparence, Wagram sonne le glas de la cinquième coalition. Le 12 juillet 1809, l’Autriche signe un armistice à Znaïm. La paix de Vienne, signée le 14 octobre 1809, contraint les Autrichiens à abandonner de nombreux territoires et à payer une indemnité de guerre de 75 millions de livres. La victoire de Wagram coûte à Napoléon 33 854 tués et blessés. Les Autrichiens en comptèrent 50 000 environ et 7 500 prisonniers.

Enseignements tactiques et doctrinaux :

  • Napoléon met en pratique ses principes liés aux lignes d’opération et de communication en utilisant ses moyens génie pour garantir sa liberté d’action sur le fleuve.
  • En revanche, contrairement à ses habitudes, il omet de préciser le renseignement sur l’ennemi, en particulier grâce à sa cavalerie légère, et se fait surprendre par les Autrichiens déployés plus au sud que prévu.
  • Lors de la prise de contact, le commandement en conduite, l’absence d’anticipation lors de la préparation de l’attaque (Napoléon n’avait pas envisagé de cas non conforme mettent en difficulté les généraux et maréchaux français qui doivent commander des unités hétéroclites et peu aguerries. Les tirs fratricides montrent des défauts de mesures de coordination en amont des combats.
  • L’Empereur prend le soin de reconstituer à chaque phase une réserve pour lui permettre de réagir aux conséquences des frictions et du brouillard de la guerre. Son économie des moyens est une préoccupation majeure pour lui permettre de combattre dans la durée.
  • Il lit parfaitement le champ de bataille, bénéficie des saisies d’opportunité de ses subordonnés (subsidiarité) et prend l’avantage au bon moment en concentrant ses efforts grâce à une utilisation massive de ses appuis feux (batterie de 112 pièces d’artillerie*).
  • La longueur et la dureté des combats le privent finalement de sa liberté d’action puisqu’il est incapable, avec les moyens dont il dispose, d’exploiter sa victoire et de poursuivre les Autrichiens en retraite.
  • Les Autrichiens, trop confiants dans leurs succès initiaux, étirent leurs lignes et fragilisent leurs flancs pour tenter l’enveloppement alors qu’ils auraient dû exploiter le repli des troupes françaises au début de la bataille.

* Note TB : Près de 100 000 boulets furent tirés par l’artillerie française.

Frédéric JORDAN
Frédéric JORDANhttp://lechoduchampdebataille.blogspot.fr/
Saint-cyrien et breveté de l’Ecole de guerre le lieutenant-colonel Frédéric JORDAN a servi en écoles de formation, en état-major comme sur divers théâtres d’opérations et territoires d’outre-mer, en Ex-Yougoslavie, au Gabon, à Djibouti, en Guyane, en Afghanistan et dans la bande sahélo-saharienne. Passionné d’histoire militaire, il anime un blog spécialisé depuis 2011, « L’écho du champ de bataille » et a participé à diverses publications comme le magazine « Guerres et batailles » ou les Cahiers du CESAT. Il est l’auteur du livre « L’armée française au Tchad et au Niger, à Madama sur les traces de Leclerc » aux éditions Nuvis qui relate l’opération qu’il a commandé au Tchad et au Niger dans le cadre de l’opération Barkhane en mettant en perspective son engagement avec la présence militaire française dans cette région depuis le XIXème siècle.
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