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Le commerce extérieur allemand dans le rouge pour la première fois depuis 1991

Le pays a affiché un léger déficit commercial au mois de mai, d'un milliard d'euros. La flambée des prix des hydrocarbures et les difficultés d'approvisionnement expliquent ce retournement après des années fastes. C'est un symbole qui interroge plus largement sur l'avenir du modèle économique allemand.

Le nombre de véhicules automobiles produits en Allemagne entre janvier et mai 2022 a reculé de 6 % par rapport à la même période de 2021.
Le nombre de véhicules automobiles produits en Allemagne entre janvier et mai 2022 a reculé de 6 % par rapport à la même période de 2021. (snapshot/Future Image/N Heusel/Shutterstock/Sipa)

Par Guillaume de Calignon

Publié le 4 juil. 2022 à 17:53Mis à jour le 4 juil. 2022 à 18:07

C'est du jamais vu depuis 1991, c'est-à-dire depuis l'expansion économique et la frénésie de consommation qui avait suivi la réunification. L'Allemagne, championne mondiale de l'export depuis trois décennies, a affiché un commerce extérieur des biens dans le rouge au mois de mai pour la première fois en trente et un ans. Le déficit commercial de l'Allemagne a atteint 1 milliard d'euros, alors que le pays avait enregistré un excédent de 13,4 milliards d'euros il y a exactement un an.

Le phénomène n'est pas propre à l'Allemagne. La zone euro a, elle aussi, vu son excédent commercial se transformer en déficit. Mais l'économie allemande, qui a additionné les excédents ces dernières années, à un niveau inégalé dans le monde, est mécaniquement plus touchée.

La facture énergétique s'envole

La crise énergétique, aggravée par la guerre en Ukraine, explique largement les difficultés actuelles rencontrées par le commerce extérieur allemand. Le pays entend bien réduire le plus vite possible sa forte dépendance au gaz russe. En attendant, la hausse des prix se voit dans les comptes extérieurs du pays. Les importations de gaz naturel en valeur ont plus que doublé entre avril 2019, avant le Covid, et avril 2022 et les importations de pétrole ont, elles, grimpé de 55 % sur la même période.

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Comme le dit Denis Ferrand, directeur général de Rexecode, « le modèle allemand est mis à mal à court terme, mais ce n'est pas tant par la démondialisation que par la contrainte énergétique, très forte à court terme ». La ponction exercée par la hausse des prix de l'énergie sur le niveau de vie des Allemands est importante et ne peut être évitée. Seul son partage entre les différents acteurs, ménages et entreprises, pourra évoluer.

D'ailleurs, les relations économiques avec la Russie depuis le début de l'année traduisent bien le problème posé à l'Allemagne par les conséquences économiques de la guerre. Entre janvier et mai 2022, les exportations allemandes vers la Russie, constituées principalement de produits industriels, ont reculé en valeur de 30 % par rapport à la même période de 2021 du fait des sanctions européennes. Les importations en provenance de Moscou, qui sont en majorité des matières premières et des hydrocarbures, ont, elles, bondi de 55 % sous l'effet de la hausse des prix.

Plus globalement, l'inflation a un effet négatif sur le commerce extérieur allemand. La valeur des importations a augmenté de 12 % entre décembre 2021 et mai 2022, alors que les volumes ont chuté de près de 2 %.

La question chinoise et la démondialisation

D'autres contraintes pèsent. Tout d'abord, l'appareil exportateur allemand est très axé sur la Chine, une économie qui a tendance à ralentir sur le plan conjoncturel avec les confinements et la stratégie « zéro Covid » mais aussi sur le plan structurel. Les exportations allemandes vers la Chine dépassent 100 milliards d'euros par an, alors que les ventes françaises atteignent à peine 30 milliards. Ensuite, les difficultés d'approvisionnement et la désorganisation des chaînes de valeur mondiale ont des conséquences importantes sur la production en Allemagne, la grande économie la plus ouverte de la planète et donc la mieux intégrée dans le commerce international.

« Les industriels allemands ont des carnets de commandes qui représentent aujourd'hui 4,5 mois de production, contre 2,8 mois en moyenne par le passé, ce qui prouve qu'il y a un problème de production », insiste Denis Ferrand. A cela s'ajoutent les difficultés de recrutement en raison d'un chômage faible et d'une démographie en berne. Selon la dernière enquête de la Commission européenne qui date de mai, 77 % des industriels allemands disaient connaître des difficultés de recrutement, contre 53 % dans la zone euro.

Sur les douze derniers mois, le commerce extérieur allemand affiche encore un large excédent de 172 milliards d'euros. Le modèle économique, qui s'appuie sur un approvisionnement en gaz russe bon marché pour produire des biens industriels vendus à l'étranger, a cependant du plomb dans l'aile à l'heure de la fragmentation du monde.

Guillaume de Calignon

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