Seize mères de famille, accompagnées de 35 mineurs, ont été rapatriées mardi 5 juillet en France depuis des camps de prisonniers djihadistes, en Syrie. Parmi elles : Émilie K., 37 ans, originaire de Lorient et partie au Levant en 2012. Elle est la première femme inscrite par les États-Unis sur la liste noire des terroristes internationaux, présente aussi sur celle établie par l’ONU des combattants jugés les plus dangereux.

Accusée d’avoir recruté pour le groupe État islamique (EI), dès l’été 2012 sur les réseaux sociaux, et appelé à commettre des attaques en Occident, la Bretonne était apparue dans plusieurs vidéos de propagande du groupe terroriste. Objet d’un mandat d’arrêt, elle a été mise en examen pour association de malfaiteurs terroriste criminelle puis placée en détention provisoire. Son avocat n’a pu être joint par La Croix.

200 Françaises recrutées par ses soins

Dernière d’une fratrie de quatre, fille de gendarme, la Morbihannaise se serait radicalisée en 2010 au contact de son premier mari, un Algérien condamné pour trafic de drogue. Convertie, la jeune femme prendra le prénom Samra et portera le voile intégral.

Dès l’été 2012, le ministère de l’économie et des finances prend à son encontre un arrêté interdisant « tout mouvement ou transfert de fonds au bénéfice » de celle qui « envisage de se rendre prochainement dans une zone de combat à l’étranger afin d’y mener le djihad armé ». Une mesure prise après le rapprochement d’Émilie K. avec Forsane Alizza, un groupe islamiste radical dissous la même année. En vain. Elle rejoint la Syrie en novembre 2012 et laisse en France ses deux premiers enfants.

Depuis le territoire de l’EI, Émilie K. s’affichera dans des dizaines de vidéos de propagande sous le nom d’Ummu Tawwab (« la mère de celui qui pardonne »), où elle s’entraîne au maniement des armes et invite à mener des actions violentes.

« C’est une dure. Sur zone, elle a très probablement été en contact avec Hayat Boumedienne, la veuve d’Amedy Coulibaly, le terroriste de l’Hyper Cacher », assurait en 2018 un policier du renseignement intérieur au journal Libération, qui lui imputait le recrutement de 200 Françaises dans les rangs de l’EI. Une organisation qu’elle aurait intégrée dès la proclamation du « califat », en juin 2014.

« Je ne vois pas pourquoi j’irais en prison »

Les forces kurdes l’interpellent en décembre 2017 et la placent dans l’un des camps érigés dans le Nord-Est syrien, à Roj. À ses côtés, trois enfants nés sur zone de deux pères : un garçon et des jumelles. Les trois ont été rapatriés en France en janvier 2021. Dans un entretien vidéo accordé à l’AFP et publié en avril 2021, leur mère rapportait sortir de huit jours d’une grève de la faim pour obtenir son propre retour en France : « Que je meure ici ou pas, la France ne vient même pas et nous laisse ici. »

Casquette coiffée sur ses deux tresses, la trentenaire espérait rentrer dans son pays pour « reprendre (sa) vie » et « réparer (ses) erreurs ». Une repentance esquissée mais vite balayée en refusant d’envisager une nouvelle incarcération à sa sortie de l’avion. « Déjà, ça fait quatre ans que je suis emprisonnée, donc je pense que ça doit être pris en compte, réclamait-elle. Et je ne vois pas pourquoi j’irais en prison. Je trouve que c’est injuste, parce que je n’ai rien fait. Je n’ai pas de sang sur les mains, je n’ai pas tiré sur des gens. J’étais une femme au foyer. »