Selon une étude, les insectes peuvent être capables de ressentir la douleur

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Crédits : Alexas_Fotos/Pixabay

La question de savoir si les insectes ressentent ou non la douleur fait l’objet de nombreux débats parmi les scientifiques. Dans une étude publiée mardi, une équipe de chercheurs affirme que ces animaux développent un mécanisme biologique suggérant qu’ils pourraient effectivement avoir une expérience subjective de la douleur.

Le papier, publié dans la revue Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, propose d’abord un rappel de la distinction entre ce qu’on appelle la nociception et l’expérience subjective négative de la douleur. Concrètement, la nociception est définie comme un moyen de séparer le processus physiologique de détection des stimuli nuisibles de l’expérience subjective ressentie de la douleur.

Nous savons que la nociception s’accompagne souvent de sensations de douleur chez l’Homme et d’autres créatures complexes. Nous savons également que les insectes sont capables de simples réflexes nociceptifs. Si vous chauffez le sol d’un enclos contenant une mouche, par exemple, cette mouche s’éloignera rapidement de la surface. Les insectes réagissent donc aux stimuli nuisibles. Cependant, il a toujours été difficile de déduire si ces réflexes nociceptifs pouvaient s’accompagner d’une véritable douleur chez ces organismes.

Comment distinguer alors un réflexe simple d’une expérience douloureuse plus complexe ? Ce nouvel article, rédigé par trois chercheurs, fait ici référence à un concept appelé ordre décroissant de la nociception.

Moduler son traitement nociceptif

Ce concept fait référence à une sorte de niveau supérieur d’activité du système nerveux où un organisme peut ajuster son traitement nociceptif en fonction d’une situation donnée. Chez les mammifères par exemple, cette capacité est exécutée par les neurones.

« L’une des caractéristiques de la perception de la douleur humaine est qu’elle peut être modulée par les signaux nerveux du cerveau« , détaille Matilda Gibbons, qui cosigne cet article. « Par exemple, les soldats sont parfois inconscients des blessures graves sur le champ de bataille puisque les propres opiacés du corps suppriment le signal nociceptif. Vous pouvez aussi consciemment « grincer des dents » et supporter la douleur« . Un autre exemple serait un animal blessé pendant un combat. L’atténuation de son traitement nociceptif peut alors augmenter ses performances en s’assurant qu’il ne perd pas de temps ou d’énergie à réagir à la blessure.

Cependant, la question de savoir si les insectes ont ou non un tel contrôle ou même les circuits neuronaux requis pour le faire a rarement été étudiée. Concrètement, les chercheurs ont donc tenté de savoir si les insectes avaient ou non la capacité de contrôler ou de moduler leur nociception, un facteur qui caractérise les animaux ayant une expérience subjective de la douleur.

Après avoir examiné une série de preuves neurobiologiques et comportementales, les auteurs ont découvert que ces organismes avaient probablement un système neuronal permettant d’atténuer leurs réponses à des stimuli potentiellement douloureux afin qu’ils puissent adapter leur comportement de manière flexible, tout comme les humains. « Donc, si les insectes ont cette capacité, il est également concevable que les insectes aient développé une voie similaire à la nôtre pour faire face aux sentiments de douleur« , notent les auteurs.

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Les insectes pourraient ressentir la douleur. Crédits : ElinaElena/Pixabay

Préoccupations éthiques

Contrairement aux mammifères, les insectes ne possèdent en revanche aucun gène codant pour les récepteurs opioïdes. Ainsi, d’autres mécanismes neurochimiques doivent donc être en jeu. Un certain nombre de neuropeptides tels que la drosulfakinine, l’allatostatine-C et la leucokinine pourraient être des modulateurs possibles de la nociception chez les insectes.

Étant donné qu’il n’existe aucun moyen direct de mesurer l’expérience subjective de la douleur chez un animal, les auteurs jugent ces conclusions très significatives. « Nous ne pouvons pas interroger ces animaux sur leurs expériences ni observer des manifestations telles que des grimaces ou des contorsions faciales, comme nous pourrions le faire chez un chien qui ressent de la douleur. Ainsi, l’existence de mécanismes neuronaux qui pourraient atténuer la douleur chez les insectes est une découverte importante« , souligne le Dr Gibbons à Newsweek.

Cette dernière étude intervient à un moment où la perception du public et la législation concernant certains invertébrés comme les poulpes ou les homards commencent à évoluer. Ce nouvel article pourrait ainsi faire évoluer la façon dont les insectes sont traités dans les contextes de l’agriculture et de la recherche.

« Les implications éthiques n’ont jusqu’à présent pas été prises en compte, en partie parce que de nombreux décideurs estiment qu’il n’y a rien à considérer pour les insectes« , souligne Sajedeh Sarlak, coauteure de ces travaux. « Il est pourtant crucial que davantage de recherches soient menées pour comprendre ces processus nociceptifs chez les insectes, car la production de masse de ces organismes pour l’alimentation augmente rapidement dans le monde« .