La Turquie recourt à l’utilisation massive d'armes chimiques. En jouant la carte du veto à l'OTAN, Erdogan a acheté le silence international.

La Turquie recourt à l’utilisation massive d’agents de guerre chimique interdits au Sud-Kurdistan. En jouant la carte du veto dans le processus d’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, Erdogan a une nouvelle fois acheté le silence international.

Depuis le 14 avril, on assiste à une opération turque de grande ampleur contre les zones tenues par la guérilla kurde au Sud-Kurdistan (nord de l’Irak). Les régions de Zap, Metîna et Avashîn sont particulièrement visées. L’armée turque tente de s’implanter sur le terrain, mais elle se heurte à une résistance farouche de la guérilla du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), qui lui inflige de lourdes pertes en combinant la guerre des tunnels et des unités très mobiles. L’armée turque ne peut manifestement pas poursuivre son invasion par des moyens conventionnels et recourt donc à l’utilisation d’armes chimiques. Les tunnels de guerre sont particulièrement visés par les attaques chimiques.

Les informations provenant de la région indiquent que les zones de Çiyareş, Şikefta Birîndara, Şehîd Şahîn, Werxelê et Kuro Jahro sont particulièrement touchées par l’utilisation d’armes chimiques. Ce ne sont pas seulement les guérilleros qui sont touchés; de vastes zones naturelles sont également contaminées à long terme.

Au cours de l’année passée, l’armée turque avait déjà recouru à l’utilisation massive d’armes chimiques. Cette année, l’utilisation de ces armes a été étendue. Selon les guérilléros qui ont été témoins des attaques, les gaz utilisés actuellement sentent le savon et le chlore.

Gaz jaunes et gaz inodores

Des images publiées le 25 juin par l’agence de presse Firat News (ANF) témoignent de l’utilisation d’armes chimiques dans les tunnels dits de « résistance ». Dans la séquence vidéo, un guérillero portant un masque à gaz explique que les gaz utilisés ont une odeur très forte. Il ajoute que ces gaz qui noircissent les parois du tunnel attaquent directement les voies respiratoires.

Ce même combattant explique que les résidus sont toujours actifs et peuvent continuer à tuer lorsqu’ils se mélangent à l’air. Cependant, précise-t-il, d’autres substances telles que le gaz poivré et un gaz jaune ont également été utilisées. Le gaz jaune en question pourrait être du gaz moutarde (rouille de soufre), ce que semble indiquer le résidu liquide jaune visible dans les images vidéo. Dans le cas d’une utilisation massive de gaz moutarde, la formation de résidus liquides est probable, car, à température ambiante, la substance toxique devient liquide et présente une forme huileuse jaunâtre. Le guérilléro fait par ailleurs état de l’utilisation de gaz toxiques totalement inodores.

779 cas d’utilisation d’armes chimiques en deux mois

Dans un bilan, le centre de presse des Forces de Défense du Peuple (HPG, branche armée du PKK) fait état de 779 cas d’utilisation d’armes chimiques associées à des explosifs entre le 14 avril et le 14 juin. Au moins 13 combattants des HPG et des YJA-Star (unités féminines de la guérilla) ont été tués par des armes chimiques au cours du premier mois de la guerre.

Des sources des HPG et des correspondants locaux d’ANF ont rapporté que l’armée turque n’avait cessé d’étendre la portée de l’opération d’invasion et d’accroitre utilisation d’armes chimiques interdites au cours des dernières semaines. Selon ces sources, l’armée turque aurait utilisé des armes chimiques interdites au moins 162 fois entre le 15 juin et le 5 juillet 2022. Rien qu’au cours de 20 derniers jours, le centre de presse des HPG a relevé pas moins de 150 cas d’utilisation d’armes chimiques.

La Turquie viole le droit de la guerre en toute impunité

L’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC), dont l’Etat turc est membre depuis 1997, garde le silence, malgré les rapports des HPG est les appels des institutions et organisations kurdes. Contactée par ANF, l’organisation internationale a refusé de répondre à la question de savoir si elle envisageait d’enquêter sur les allégations d’utilisation d’armes chimiques par la Turquie. 

De nombreuses manifestations ont eu lieu devant le siège de l’OIAC au cours des mois de mai et juin. Cependant, les représentants de l’OIAC se sont abstenus de toute déclaration et refusé tout contact avec les manifestants.

Le commandant du Centre de Défense du Peuple (HSM : Structure faîtière des organisations militaires kurdes), Murat Karayılan, voit un lien entre l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN et le comportement de l’OIAC. Il affirme que la Turquie a acheté le silence de celle-ci en jouant la carte du veto. « L’État fasciste de Turquie utilise la carte de l’OTAN contre le peuple kurde. Il utilise son droit de veto à l’adhésion de la Suède et de la Finlande pour qu’aucune objection ne soit soulevée contre l’utilisation d’armes chimiques. C’est le premier objectif de l’action de la Turquie ; le deuxième objectif est la levée de l’embargo sur les armes. Il s’agit essentiellement d’obtenir la satisfaction de ces deux demandes. », a dit Murat Karayilan dans une déclaration à l’adresse des guérilléros le 20 juin 2022.

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