Rencontres d’Arles 2022 : le monde et ses luttes dans l’objectif des photographes

Rencontres d’Arles 2022 : le monde et ses luttes dans l’objectif des photographes
Jansen Van Staden, The story of Pa’s chickens, the neighbor’s dog, and Oupa’s gun, microlight, 2017-2020. Courtesy of the artist.

Jusqu'au 25 septembre, découvrez la 53e édition des Rencontres photographiques d'Arles. Au programme : des expositions sur l'environnement, les artistes femmes et la représentations des minorités.

Dans la deuxième édition des Rencontres photographiques d’Arles de l’ère Christoph Wiesner, on croise toutes les préoccupations actuelles des artistes : l’environnement (Arthur Jafa, Tito Gonzalez Garcia et Florencia Grisanti), les artistes femmes (comme Lee Miller ou Babette Mangolte) et la représentation des Noirs. Un programme moyennement chargé, avec une quarantaine expositions variées (sans compter celles proposées dans le Grand Arles Express), et une concentration d’événements à Luma Arles à voir jusqu’au 25 septembre.

Le mouvement selon Babette Mangolte

Photographe et cinéaste expérimentale, Babette Mangolte n’est pas connue du grand public hormis des éditeurs qui publient régulièrement ses clichés de spectacles de danse et de théâtre. De Yvonne Rainer à Merce Cunningham, de Lucinda Childs à Bob Wilson, elle a suivi toutes les pièces d’avant-garde des années 1970-1980 à New York. Dans ses noirs et blancs cadrant au plus près les artistes (déjà exposés au musée de Rochechouart en 2019), elle traque le mouvement et la place des corps dans l’espace. On voit à gauche Opal Loop de Trisha Brown avec la Cloud Installation de l’artiste japonaise Fujiko Nakaya et, à droite, Lateral Pass de Trisha Brown avec des décors et costumes de Nancy Graves.

Trisha Brown, Opal Loop (1980) et Lateral Pass (1985) de Babette Mangolte, présenté dans l’exposition « Babette Mangolte », Rencontres photographiques d’Arles, Eglise Sainte Anne, 2022 (©Guy Boyer)

Trisha Brown, Opal Loop (1980) et Lateral Pass (1985) de Babette Mangolte, présenté dans l’exposition « Babette Mangolte », Rencontres photographiques d’Arles, Église Sainte Anne, 2022 (©Guy Boyer)

Double parcours pour une inconnue

Même si à première vue l’exposition de Estefania Penafiel Loaiza peut sembler hétéroclite dans sa forme avec ses pages de scénario, ses vidéos et ses tirages photographiques, elle apparaît très cohérente dès que l’on se plonge dans son récit. La photographe suit en effet sa tante, qui a fait croire à un départ pour l’Europe mais est en fait restée en Equateur pour s’engager dans un mouvement révolutionnaire. C’est donc une enquête en suivant les faux indices laissés par la mystérieuse Carmen et un reportage sur ce que cette femme aurait pu devenir.

Carmen (Répétitions) (2022) de Estefania Penafiel Loaiza, présenté dans l’exposition « Estefania Penafiel Loaiza », Ecole nationale de la photographie, Arles, 2022 (©Guy Boyer)

Carmen (Répétitions) (2022) de Estefania Penafiel Loaiza, présenté dans l’exposition « Estefania Penafiel Loaiza », Ecole nationale de la photographie, Arles, 2022 (©Guy Boyer)

La révélation James Barnor

Pendant les quarante années de son activité de photographe, le Ghanéen James Barnor a affiché « l’utopie d’un monde commun, par-delà les nationalismes de la deuxième moitié du XXe siècle ». Cette première rétrospective en France confronte quelques-unes de ses plus célèbres images (parmi un fonds de 30 000 négatifs !) et leurs publications placées dans les vitrines. Le travail de cet artiste, âgé aujourd’hui de 93 ans, fait le lien entre deux mondes très différents : Accra, où il a commencé sa carrière, et Londres, où il vit.

James Barnor, Peter Dodoo, élève de yoga de M. Strong, Studio Ever Young, Jamestown, Accra, circa 1955, présenté dans l’exposition « James Barnor. Stories », Rencontres photographiques d’Arles, Luma Arles, 2022. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

James Barnor, Peter Dodoo, élève de yoga de M. Strong, Studio Ever Young, Jamestown, Accra, circa 1955, présenté dans l’exposition « James Barnor. Stories », Rencontres photographiques d’Arles, Luma Arles, 2022. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Une avant-garde féministe

Partant des fonds de la Collection Verbund de Vienne, cette exposition installée à la Mécanique générale dresse un large panorama autour de l’image de la femme. Dénonciation du sexisme et des inégalités sociales auxquelles les femmes sont confrontées en raison de leur race et de leur classe. Elle est tout à la fois passionnante par l’inclusion d’artistes françaises (Annette Messager, Orlan) dans ce vaste mouvement international engagé mais énervante par moment tant les critiques contre « le pouvoir patriarcal » sont appuyées.

Tribunal (1977) de Penny Blinger, présenté dans l’exposition « Une avant-garde féministe », Rencontres photographiques d’Arles, Mécanique générale, Luma Arles, 2022 (©Guy Boyer).

Tribunal (1977) de Penny Blinger, présenté dans l’exposition « Une avant-garde féministe », Rencontres photographiques d’Arles, Mécanique générale, Luma Arles, 2022 (©Guy Boyer).

Dans la couleur Dior

Si les différentes propositions de la Fondation Roederer m’ont un peu laissé sur ma faim, celles du Prix Dior de la photographie et des arts visuels pour jeunes talents m’ont accroché au moins pour deux artistes. D’un côté l’Anglais Joseph Craven et ses modèles désoeuvrés. De l’autre l’Espagnol Jesus Torio et ses images striées sorties d’une imprimante cassée. Celles-ci sont scannées et recolorisées pour accentuer leur abstraction et leur picturalité.

Lost Memoirs (2022) de Jesus Torio, présenté dans l’exposition « The Art of color », Rencontres photographiques d’Arles, Mécanique générale, Luma Arles, 2022 (©Guy Boyer)

Lost Memoirs (2022) de Jesus Torio, présenté dans l’exposition « The Art of color », Rencontres photographiques d’Arles, Mécanique générale, Luma Arles, 2022 (©Guy Boyer)

Arthur Jafa superstar

En confiant deux halles à Arthur Jafa, la Fondation Luma a voulu montrer son importance actuelle. Il raconte l’histoire des États-Unis et la violence portée aux populations noires par des assemblages d’images montées en films ou en sculptures en bois découpé. Dans la Grande Halle, une projection d’Aghdra montre la noirceur à la fin de l’anthropocène et répond à des installations évoquant le pouvoir de la musique (Miles Davis) et la vie spirituelle (avec des bolis du Mali). Une œuvre d’art total et une réflexion sur notre environnement menacé.

Aghdra (2022) de Arthur Jafa, présenté dans l’exposition « Live Evil (Le mal vivant). Arthur Jafa », Rencontres photographiques d’Arles, Mécanique générale et Grande Halle, Luma Arles, 2022 (©Guy Boyer)

Aghdra (2022) de Arthur Jafa, présenté dans l’exposition « Live Evil (Le mal vivant). Arthur Jafa », Rencontres photographiques d’Arles, Mécanique générale et Grande Halle, Luma Arles, 2022 (©Guy Boyer)

Les voyages de Chun Hua Wu

Après « 10099 KM | France-Taïwan », montré au sein du pavillon Davioud dans le cadre de l’événement « L’Été du jardin du Luxembourg », l’artiste taïwanais Chun Hua Wu présente deux expositions à Arles au moment des Rencontres. À la galerie La Belle Étoile, Chun Hua Wu continue l’exploration des correspondances entre les paysages taïwanais et corses tandis qu’à la galerie Aux Docks d’Arles le photographe propose un voyage intérieur inspiré de son île natale. Influencé par la culture chinoise que japonaise, l’artiste propose des clichés poétiques et symboliques, en opposition avec l’esthétique des canons occidentaux.

À gauche : Chun Hua Wu, Sun Moon Lake, Nantou, 2021 à droite : Chun Hua Wu, Baoan Temple, Taipei, 2020 présentés dans les expositions « Flowing Cloud » à la galerie La Belle Étoile et « Ici, Ailleurs/Here Elsewhere » à la galerie Aux Docks d'Arles. ©DR

À gauche : Chun Hua Wu, Sun Moon Lake, Nantou, 2021 à droite :
Chun Hua Wu, Baoan Temple, Taipei, 2020 présentés dans les expositions « Flowing Cloud » à la galerie La Belle Étoile et « Ici, Ailleurs/Here Elsewhere » à la galerie Aux Docks d’Arles. ©DR


« Arles 2022, les Rencontres de la photographie »
Dans toute la ville
www.rencontres-arles.com
Du 4 juillet au 25 septembre

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