“Les pays européens ont récemment repris l’importation controversée de phosphate syrien”, en profitant notamment de “failles dans l’application des sanctions économiques” imposées au régime de Bachar El-Assad, explique une enquête journalistique internationale publiée par plusieurs médias, dont le site libanais Daraj.

Un “commerce du sang”, depuis la Syrie, de cette composante clé des engrais, essentiels pour l’agriculture, qui “enrichit des oligarques sous sanction, des profiteurs de guerre, ainsi que des entités gouvernementales syriennes”.

Parmi ces “failles”, le fait que l’importation de phosphate syrien en tant que telle ne fait pas l’objet de sanctions – même si tout accord avec le ministère du Pétrole et des Ressources minières syrien est interdit –, et la mise en place de tout “un réseau de sociétés fictives et d’intermédiaires” derrière lesquels se cachent plusieurs acteurs controversés de ce business.

Le rôle pivot de Stroytransgaz et de Gennady Timchenko

Avant le début de la guerre, en 2011, la Syrie était déjà l’un des plus gros exportateurs de phosphate, qu’on trouve notamment dans des mines situées dans le centre désertique du pays. Grâce à l’intervention militaire de la Russie, les forces du régime syrien ont repris au groupe djihadiste État islamique le contrôle de cette région.

En échange de l’intervention décisive de Moscou en faveur du régime, des sociétés russes ont littéralement pris le contrôle de l’exploitation et de l’exportation de phosphate en Syrie. Deux d’entre elles, Stroytransgaz Engineering et Stroytransgaz Logistic, portent le même nom mais appartiennent à des sociétés écrans situées en Russie.

Sur ces sociétés plane l’ombre de la compagnie russe Stroytransgaz, à qui le ministère du Pétrole et des Ressources minières syrien avait cédé la gestion des principales mines de phosphate du pays en 2018, et de son fondateur, Gennady Timchenko. Ce proche de Vladimir Poutine est l’un des premiers oligarques russes à avoir été sanctionné par l’Union européenne après l’invasion russe de l’Ukraine, en février dernier.

Plusieurs pays européens

En retraçant les expéditions de phosphate extrait des mines dans le désert syrien vers les usines d’engrais européennes, les journalistes ayant conduit l’enquête ont retrouvé des navires dont les transpondeurs ont mystérieusement cessé d’émettre alors qu’ils se trouvaient dans la zone des côtes syriennes.

L’enquête a également démontré que du phosphate syrien a été importé dans plusieurs pays européens comme la Serbie, l’Italie, la Bulgarie, l’Espagne, la Pologne et même l’Ukraine, avant le début de l’invasion russe de février dernier. Et ce principalement à partir de la Roumanie.

Voilà ce qu’en dit une experte en sanctions économiques, Irene Kenyon :

“L’utilisation de sociétés fictives est une stratégie courante pour cacher le fait que des entités ou des individus sanctionnés profitent de ce commerce. […] Bien que ce soit légal sur le plan juridique, c’est également donner de l’argent à un régime qui viole les droits de l’homme et à une oligarchie russe sous sanctions.”