Inflation : le Sénat demande « plus qu’un geste » aux autoroutes

Inflation : le Sénat demande « plus qu’un geste » aux autoroutes

En pleine période d’inflation, le nouveau ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, appelle les sociétés autoroutières à « faire un geste » pour le pouvoir d’achat des Français. Au Sénat, où une commission d’enquête a pointé la « rentabilité hors normes » des concessions autoroutières, on estime que c’est loin d’être suffisant.
Simon Barbarit

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2 % d’augmentation des tarifs des péages en février dernier. Et combien l’année prochaine ? « Vous imaginez si l’inflation est de 5 à 6 % à la fin de l’année, les tarifs pourraient augmenter de 4 à 5 % en février prochain. C’est maintenant qu’il faut intervenir », alerte Vincent Delahaye, vice-président centriste du Sénat et rapporteur d’une commission d’enquête sur les concessions autoroutières.

>> Lire notre article. Autoroutes : un rapport du Sénat pointe la «rentabilité hors normes» de 40 milliards d’euros d’ici 2036

En effet, conformément aux contrats d’exploitation qui lient les concessionnaires privés d’autoroutes à l’État, les hausses de tarifs des péages s’appuient sur l’inflation et les frais engagés pour entretenir le réseau.

Le sujet est en haut de la pile du nouveau ministre délégué aux Transports. Dans Le Parisien, Clément Beaune annonce, ce lundi, qu’il réunira « tous les acteurs autour de la table, pour réfléchir à des actions ». « Il serait utile que les sociétés d’autoroute fassent un geste », s’avance-t-il.

« Ça fait un moment que nous demandons au gouvernement de réunir les acteurs autour de la table mais pas pour parler de geste. Nous devons aller beaucoup plus loin que ça », estime Vincent Delahaye.

A l’initiative d’universitaires, un colloque était d’ailleurs organisé au Sénat en février dernier mais aucun représentant du gouvernement, des services de l’Etat, des sociétés d’autoroutes, ou encore de l’autorité de la régulation des transports, n’avaient répondu à l’invitation. « C’était déjà très illustratif de la position de l’Etat sur le sujet », commente le sénateur PS, Olivier Jacquin, présent au colloque.

« Racket », « impôt déguisé »

En avril 2021, sept mois après la remise du rapport d’enquête, Vincent Delahaye demandait déjà au gouvernement de réunir autour de la table les principales sociétés concessionnaires, le ministre des Transports de l’Economie, l’autorité de régulation des transports et des parlementaires « pour qu’on puisse se mettre d’accord sur la définition de la rentabilité, et savoir à quel moment les sociétés d’autoroutes auront atteint la rentabilité qu’elles s’étaient fixée au départ de la privatisation ».

Olivier Jacquin va jusqu’à parler de « racket », « d’impôt déguisé » lorsqu’on évoque avec lui les contrats de concessions de sociétés autoroutières. « Si vous additionnez la taxe sur l’aménagement du territoire, le reversement de la TVA et l’impôt sur les sociétés, ces concessions rapportent 4 milliards à l’Etat par an. Je suis très déçu de voir que Clément Beaune parle de « geste ». C’est une petite phrase macronienne qui consiste à dire : on continue l’arnaque. Nous sommes en pleine affaire Uber Leaks et on voit que dans ce dossier aussi, l’Etat est main dans la main avec le privé ».

Le trop petit rabais accordé en 2019

Les sénateurs se méfient d’autant plus « du geste » que pourraient faire les sociétés autoroutières à destination des automobilistes qu’ils se rappellent celui accordé en plein cœur de la crise des gilets jaunes. Début 2019, sous la pression de la ministre des Transports de l’époque, Élisabeth Borne, les sociétés d’autoroutes avaient accordé un rabais de 30 % sur le prix des péages pour les automobilistes qui effectuaient au moins dix allers-retours par mois. « Si un million de personnes devait initialement bénéficier de cette mesure […] seuls 100 000 abonnés profitaient effectivement de cette offre en juin 2020 […] Les concessionnaires ont peu communiqué sur cette offre. Surtout, le geste commercial n’était sans doute pas suffisant au regard des sommes en jeu », relève le rapport de la Chambre haute.

Vincent Delahaye indique avoir déjà sollicité le cabinet de Clément Beaune pour un entretien et ainsi « faire fructifier le travail du Sénat sur un nouvel équilibre économique et financier de ces contrats historiques ».

Les actionnaires des groupes Vinci et Eiffage ont encaissé depuis 2006, 26,5 milliards d’euros de dividendes

Crise des gilets jaunes et crise sanitaire n’auront pas eu d’impact sur la surrentabilité des sociétés autoroutières. « A la fin 2021, les actionnaires des groupes Vinci et Eiffage auront encaissé depuis 2006 et le rachat des concessions, 26,5 milliards d’euros de dividendes. Rappelons que le prix payé à l’époque pour le rachat était de 17 milliards ont 12,4 milliards encaissés par l’Etat. Cela signifie que les dividendes anticipés que nous continuons d’estimer à 29 milliards, peuvent être assimilés à une surrentabilité », écrivait Vincent Delahaye dans un communiqué le 9 juin dernier.

Olivier Jacquin a lui déposé une proposition de résolution visant à créer un établissement public dénommé « Routes de France », destiné à gérer l’ensemble du réseau routier national non concédé, et récupérer la gestion des réseaux autoroutiers une fois la concession échue.

« Je ne suis pas forcément opposé aux concessions. Mais je ne supporte pas ce déséquilibre », souligne-t-il. Lui aussi espère en parler rapidement avec Clément Beaune. Car Olivier Jacquin en est certain. « Si on n’envoie pas de signal fort d’une reprise en main par l’Etat, nous ne verrons pas de changement dans la pratique des sociétés autoroutières ».

 

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