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Yémen : la situation humanitaire se détériore malgré l’opportunité de la trêve

Un homme avec sa fille de trois ans dans le quartier de Harat Al-Masna'a à Sana'a, au Yémen.
© UNOCHA/Giles Clarke
Un homme avec sa fille de trois ans dans le quartier de Harat Al-Masna'a à Sana'a, au Yémen.

Yémen : la situation humanitaire se détériore malgré l’opportunité de la trêve

Paix et sécurité

Le Conseil de sécurité a examiné, ce lundi, la situation au Yémen où les conditions humanitaires se détériorent toujours. Si la trêve reconduite début juin offre une opportunité de paix sans précédent après sept ans de conflit, l’insécurité alimentaire menace 17 millions de Yéménites.   

Parce que « la trêve en cours représente la meilleure chance de paix au Yémen depuis des années », l’Envoyé spécial de l'ONU pour le Yémen, Hans Grundberg, a déclaré ce lundi devant le Conseil de sécurité de l’ONU que sa priorité serait, dans les prochains jours, de favoriser la reconduction d’une « trêve élargie » pour progresser vers un règlement politique du conflit, en mettant l’accent sur l’économie, la sécurité, les recettes et le paiement des salaires.

La trêve entrée en vigueur le 2 avril, puis reconduite le 2 juin, a permis de réduire de deux tiers le nombre de victimes civiles, de livrer du carburant via le port d’Hodeïda, et reprendre les vols commerciaux entre Sanaa et Aman, s’est-il félicité.

L’Envoyé spécial a cependant déploré que de nombreuses routes restaient fermées depuis plus de sept ans, et que le mouvement Ansar Allah - le nom officiel des rebelles houthistes - n’ait pas répondu favorablement à sa proposition de réouverture graduelle des routes. Une condition indispensable pour mettre fin aux souffrances des Yéménites, mais aussi pour leur permettre un retour à une vie normale dans le domaine de l’éducation, du travail, de la santé et de l’économie, a-t-il expliqué.

Joyce Msuya, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, devant le Conseil de sécurité.
Photo ONU/Manuel Elias
Joyce Msuya, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, devant le Conseil de sécurité.

« Le travail humanitaire devient plus difficile et plus dangereux » 

A cet égard, Joyce Msuya, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a demandé qu’une solution rapide soit trouvée pour rouvrir les routes autour de Taëz et éviter une aggravation de la catastrophe humanitaire dans la région.

La cheffe adjointe du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a dénoncé les difficultés croissantes auxquelles font face les travailleurs humanitaires dans les zones contrôlées par les Houthistes. 

« Le travail humanitaire devient plus difficile et plus dangereux », a déploré la Sous-Secrétaire générale, qui a parlé d'intimidation et d’incitation à la violence contre des agences humanitaires à travers le Yémen, alimentées par la désinformation amplifiée par les médias sociaux.

Détournements de véhicules et enlèvement de travailleurs humanitaires

Mme Msuya a fait savoir que dans les zones contrôlées par les Houthistes, les déplacements du personnel étaient devenus plus difficiles ces dernières semaines en raison d’obstacles bureaucratiques.

Les autorités houthistes appliquent aussi de plus en plus de restrictions aux femmes, qu’elles soient travailleuses humanitaires ou bénéficiaires de l’aide.

En outre, huit mois après avoir promis leur libération rapide, les responsables de la sécurité à Sanaa détiennent toujours deux membres du personnel des Nations Unies, en violation des privilèges et immunités de l’ONU.

L’insécurité dans les zones tenues par le gouvernement a également persisté :  cinq détournements de véhicules d’organisations humanitaires se sont produits le mois dernier, soit plus d’un par semaine, ce qui porte leur nombre à 18 depuis le début de l’année, a détaillé Mme Msuya, avant de réclamer « la libération immédiate de tous les travailleurs humanitaires enlevés au Yémen ». 

L’ONU s’alarme d’une diminution jamais vue des financements

Comparé à l’ampleur de ces défis, « le plus gros problème demeure le financement », a pourtant estimé la Sous-Secrétaire générale.

Le plan humanitaire pour le Yémen n’a obtenu que 1,1 milliard de dollars, soit 27% des besoins nécessaires, s’est alarmée la représentante d’OCHA, indiquant qu’il s’agissait là de « la plus forte diminution d’une année sur l’autre de tous les plans coordonnés par les Nations Unies dans le monde ».

La situation a contraint le Programme alimentaire mondial (PAM) à diminuer les rations pour des millions de personnes. Quant au Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), il a été contraint de cesser des activités.

Le mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies, créé en 2016 pour faciliter les importations commerciales au Yémen, à court d’argent lui aussi, fermera ses portes en septembre, jetant encore plus d’incertitude sur des chaînes d’approvisionnement des biens essentiels, notamment de nourriture et de carburant, alors même que 17.4 millions de Yéménites se trouvent toujours dans une situation d’insécurité alimentaire.

L'impact de la guerre en Ukraine sur l’approvisionnement en nourriture

Concernant la situation économique, Mme Msuya a indiqué que le taux de change du rial, un facteur clé pour satisfaire aux besoins alimentaires des populations, continuait de s’effondrer. La plupart des gains réalisés par la devise depuis la trêve ont été effacés, entraînant une spirale de la faim.

Les migrants bloqués vivent dans des condDes migrants pris au piège vivent dans des conditions difficiles dans des zones reculées de la région de Ma'rib.
OIM/Rami Ibrahim
Les migrants bloqués vivent dans des condDes migrants pris au piège vivent dans des conditions difficiles dans des zones reculées de la région de Ma'rib.

La guerre en Ukraine menace également les chaînes d’approvisionnement alimentaire dans ce pays où près de 90% des vivres sont importés.  L’année dernière, un peu moins de la moitié de tout le blé provenait de Russie et d’Ukraine.  

Trêve ou intensification du conflit

M. Grundberg s’est inquiété d’une augmentation inquiétante des remises en question de la trêve. « Soyons clairs, l’alternative à la trêve est un retour aux hostilités et probablement une intensification du conflit », a-t-il alerté.

Il a également relevé que, compte tenu de la hausse des prix du carburant et de la situation économique mondiale, il restait encore beaucoup à faire pour garantir que le carburant, l’électricité et les articles de consommation soient disponibles et abordables pour les civils.