Travailler moins, consommer moins, polluer moins. C'est un peu le dogme des adeptes du détravail dont certains prônent de ne plus travailler pour viser la décroissance. Dans un contexte de grande démission et de remise en cause de la centralité du travail, ce mouvement est devenu un symbole. Toute la semaine, Novethic explore les nouvelles façons d’aborder la sobriété, dans une série "vivre sans".

Est-ce une lame de fond qui va déferler sur l’Hexagone ou une vaguelette qui va s’échouer sans bruit ? Le mouvement du détravail est en tout cas le symbole d’un nouveau rapport au travail. "Pour nous c’est un impératif social et écologique. Une manière de parvenir à la décroissance", témoigne Myriam Ameur, membre du collectif nantais Travailler moins. Derrière les apéros "after-workless", ces adeptes du détravail expérimentent le chômage choisi, la retraite anticipée, le mi-temps…
"Certains, au sein du mouvement, optent pour un 80 %, d’autres veulent totalement démarchandiser le travail. C’est le cas de Mathieu Fleurance, le cofondateur du groupe, qui prône de ne plus travailler du tout. De sortir complément du système", rapporte Myriam Ameur. Cet ancien conseiller d’orientation dit avoir pris sa retraite il y a peu, à la trentaine, pour ne plus subir le monde du travail. Depuis, il vit en colocation dans la campagne nantaise, se déplace à vélo et jardine beaucoup. "Pour nous, travailler moins, ça veut dire consommer moins", plaide Myriam Ameur. 

"Une préoccupation de cols blancs"


L’idée de travailler moins n’est pas nouvelle. La Convention citoyenne pour le climat préconisait déjà de limiter le temps de travail à 28 heures par semaine. Si le bien-être au travail était principalement mis en avant, l’argument écologique a été étayé par plusieurs études. En 2007 par exemple, des chercheurs avaient établi que si les Américains passaient à un nombre d’heures de travail équivalent à la moyenne européenne, ils économiseraient 18 % de consommation d’énergie. "Si la population dispose de plus de temps, l’intensité environnementale de sa consommation sera plus faible. En produisant moins en échange de davantage de temps libre, on recrée du bien-être autrement", résume dans Le Monde diplomatique François-Xavier Devetter, économiste à l’université de Lille. 
Reste que le détravail est une "préoccupation de cols blancs", tranche Adrien Chignard. Ce psychologue du travail auquel font appel de grands groupes comme L’Oréal et Danone explique : "Le détravail, c’est un pop-up, ça fait "rire les mouettes", comme on dit chez moi. La vraie préoccupation aujourd’hui, c’est l’aspiration à de nouvelles conditions de travail", affirme le psychologue. Sur fond du phénomène de grande démission aux États-Unis, les chiffres, en France, confortent cette impression.

La fin du travail ?


La Dares, la Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques, a enregistré 400 000 démissions au troisième trimestre 2021. Un record à mettre en parallèle avec une explosion des ruptures anticipées. Si l’hôtellerie et la restauration sont les plus touchés, tous les secteurs sont concernés. "Les entreprises qui subissent la grande démission sont celles qui ne font rien pour le bien-être de leurs salariés. Chez les autres, on recrute à tour de bras sans problème", affirme Adrien Chignard.
Le Covid-19 a été le déclencheur d’un mouvement sous-jacent. "La pandémie a été longue et traumatogène", explique Christophe Nguyen, président d’Empreinte humaine. "Les salariés ont remis en question la centralité du travail". Mais est-ce vraiment la fin du travail ? "Non, le travail est constitutif de notre identité", remarque Adrien Chignard, "on est en train de le remettre à sa juste place. L’argent ne suffit pas".
Marina Fabre Soundron fabre_marina

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