Les 425 « bombes carbone » des industriels du pétrole, du gaz et du charbon menacent l’humanité

Certains projets sont déjà lancés, d’autres devraient voir le jour. Tous réduisent à néant les tentatives de limiter le réchauffement climatique de 1,5°C d’ici 2030.

Les compagnies pétrolières et gazières sont-elles décidées à peindre notre avenir en noir ? Il semblerait que oui. Le consensus scientifique autour de la nécessité d’une sortie, programmée ou subie, des énergies fossiles ne semble pas faire fléchir les majors du secteur. De concert, elles choisissent d’accélérer vers le pire.

103 millions de dollars par jour pour de nouveaux projets écocidaires

Il existe dans le monde 425 « bombes carbone », soit des projets d’exploitation d’énergie fossile dont l’exploitation ou le déploiement futur compromettent toute tentative de limiter le réchauffement climatique de 1,5°C d’ici 2030, comme le préconisent les scientifiques. C’est le terrible constat que dressent des chercheurs et chercheuses dans la revue Energy Policy. Certaines de ces bombes écocidaires sont en cours d’exploitation. D’autres verront prochainement le jour, selon les plans concertés des grands industriels du pétrole, du gaz et du charbon. Plateformes pétrolières et gazières, mines de charbon, projets d’oléoducs : chacun de ces projets pourrait émettre 1 milliard de tonnes de CO2 sur leur durée d’exploitation, alertent les scientifiques.

Une enquête du quotidien britannique The Guardian dévoile que les majors du pétrole investissent massivement dans 195 projets pétroliers de court terme qui deviendront à terme des bombes écocidaires. Qatar Energy, Gazprom, Saudi Aramco, ExxonMobil, Shell, BP, Chevron ou TotalEnergies, ces quelques entreprises qui ont la mainmise sur la production mondiale d’énergie fossile planifient de dépenser 103 millions de dollars (99 millions d’euros) par jour pour déployer de nouveaux projets et infrastructures : fracturation hydraulique, forages offshore et systèmes d’acheminements géants, à l’image du projet EACOP de TotalEnergies qui prévoit d’installer un oléoduc géant entre l’Ouganda et la Tanzanie. Un projet qui, à lui seul, pourrait contribuer à émettre près de 34 millions de tonnes de CO2.

230 nouvelles mines à charbon et 195 projets pétroliers

En ce mois de mai 2022, il fait 51°C à l’ombre au Pakistan. L’Inde vient de connaître l’un des épisodes caniculaires les plus dramatiques de l’Histoire, avec des températures dépassant le seuil limite de survie de l’humain. Les rapports et alertes se multiplient. Le récent rapport du GIEC insiste sur le fait qu’il nous faut collectivement diviser par deux nos émissions de CO2 d’ici 2030 pour préserver la possibilité d’un « futur viable ». En 2021, l’Agence Internationale de l’Énergie indiquait dans un rapport que la condition pour que l’humanité atteigne le net zéro dans ses émissions carbone serait que l’industrie de l’énergie fossile abandonne tout projet d’exploitation de gaz, de pétrole ou de charbon. Il faudrait désormais que 60 % des réserves de pétrole et de gaz ainsi que 90 % du charbon restent dans le sol, soulignait en 2021 une étude de la revue Nature.

Ces deux enquêtes montrent l’inverse. Alors que tous les voyants sont au rouge, les industriels de l'énergie sale prévoient d'aller plus vite, plus loin et plus fort. Ce ne sont pas moins de 210 000 kilomètres d’oléoducs et de gazoducs, 230 mines à charbon et 195 projets d’exploitation pétrolière qui sont en préparation. Un état de fait qui contraste avec les déclarations d’intention des industriels du secteur qui affirment s’engager activement en faveur de la transition énergétique.

Projets sales et gros profits

Si l’appétit des compagnies minières, pétrolières et gazières semble sans limite, c’est parce que leurs profits le sont également. L’envolée des prix de l’énergie et le contexte de la guerre en Ukraine font les affaires des pétroliers. Des projets jusque-là trop coûteux deviennent rentables. Le patron de BP, l’une des plus anciennes compagnies pétrolières américaines, se réjouissait que son entreprise soit une « machine à cash ». Après une année 2021 record, le français TotalEnergies vient d’enregistrer une augmentation de +48 % de ses profits au premier trimestre 2022.

Nastasia Hadjadji

Journaliste, Nastasia Hadjadji a débuté sa carrière comme pigiste pour la télévision et le web et couvre aujourd'hui les sujets en lien avec la nouvelle économie digitale et l'actualité des idées. Elle est diplômée de Sciences Po Bordeaux.
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