Santé mentale : de plus en plus de Français se tournent vers des psychologues et psychiatres qui peinent à absorber la demande
La pandémie de Covid-19, et les traumatismes psychiques qu’elle a entraînés, a mis en lumière l’importance de la prise en compte de notre santé mentale. Conséquence de cette période inédite, de plus en plus de personnes, qui n’avaient jamais consulté, se sont tournées vers les psychiatres et les psychologues pour entamer des séances de thérapie.
"La santé est un état de complet bien-être physique, social et mental". C'est la définition que pose l'OMS, estimant que la santé mentale est une composante majeure de la santé. Pourtant, celle-ci a longtemps été oubliée, et le fait de prendre soin de sa santé mentale n'est pas toujours apparu comme une évidence.
Néanmoins, ces derniers mois, depuis la pandémie de Covid-19, plusieurs indicateurs montrent que les Françaises et les Français ont cherché à avoir recours à des soins psychologiques. Dans son dernier bilan mensuel, Santé Publique France note un nombre beaucoup plus élevé de passages aux urgences pour des questions de santé mentale, notamment pour des idées suicidaires, par rapport aux années précédentes. De son côté, Doctolib a publié des données concernant sa plateforme : en 2021, plus de 6 millions de consultations chez les psychologues ont été réalisées, deux fois plus qu'en 2020. Matthieu Collet, secrétaire régional Occitanie du Syndicat national des Psychologues, estime qu'une étude plus globale serait nécessaire pour appuyer ces observations. Cependant, d'après les remontées du terrain, il existe bien une hausse des rendez-vous, notamment celles de personnes qui n'avaient jamais consulté auparavant et qui ont augmenté de 40 % entre 2020 et 2021, selon lui.
Des données et observations qui s'inscrivent dans le contexte de la pandémie de Covid-19, lors de laquelle Santé Publique France a documenté, grâce à l'enquête CoviPrev, la dégradation importante de la santé mentale des Français. Enguerrand Rolland Du Roscoat, responsable de l’unité santé mentale au sein de l'agence nationale, explique que l'on observe davantage de problèmes de sommeil, d'états anxieux et deux fois plus de pensées suicidaires par rapport à l'avant Covid. Ce sont notamment les étudiants qui ont été les plus touchés, ainsi que les populations fragiles d'un point de vue socio-économique. Mais pour Cyrille Le Jamtel, psychologue dans la Manche et co-dirigeant de l'association M3P, "toutes les tranches de la population ont pu être touchées, que ce soit par des angoisses ou des troubles". "Ce n'est pas uniquement à cause de la maladie en elle-même, c'est aussi les conditions de confinement et le manque de perspectives", précise-t-il.
Déstigmatiser
Est-ce le signe d'une démocratisation de l'accès aux soins de santé mentale ? D'un changement de vision à ce sujet ? Pour Enguerrant Rolland Du Roscoat, "s'il y a une chose positive à retirer de la crise c'est cette prise de conscience collective du fait qu'il faut prendre soin de sa santé mentale". Mais selon lui, "il reste énormément de travail pour ouvrir le dialogue autour de ces questions et déstigmatiser".
Quoi qu'il en soit, cela pose des difficultés d'accès aux soins : les délais d'attente pour des consultations vont de plusieurs semaines à plusieurs mois selon les villes. "Cela fait trente ans que ce secteur est déconstruit, alors quand on fait face à une telle situation, c'est très compliqué d'absorber le choc", regrette Matthieu Collet. Et le lancement, au printemps, du dispositif "Mon Psy" par le gouvernement pourrait bien s'avérer contre productif. Avec moins de 2000 psychologues rattachés au dispositif et des conditions d'éligibilité très restreintes, les acteurs du secteur estiment à seulement 200 000 bénéficiaires potentiels. "Une goutte d'eau dans un océan de besoins", déplore Matthieu Collet. Cyrille Le Jamtel ajoute que "comme cela ne répond pas à la demande, les patients seront encore plus insatisfaits et se détourneront de la psychologie". Ce qui ne présage rien de bon pour l'évolution de la prise en charge de la santé mentale de la population.
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