1894, la première course automobile au monde entre Paris et Rouen

En 1894 un journaliste français, Pierre Giffard, organise une compétition de voitures « sans chevaux » entre Paris et Rouen. Au départ le 22 juillet : 21 machines à pétrole ou à vapeur. Alors que se déroulent ce week-end les 24 Heures du Mans, souvenirs…

 La première compétition de sport automobile n’avait pas la vitesse pour enjeu mais la sécurité, la commodité et le « bon marché » des véhicules.
La première compétition de sport automobile n’avait pas la vitesse pour enjeu mais la sécurité, la commodité et le « bon marché » des véhicules. Bettmann Archive

    Qui va pouvoir s'opposer à Toyota - déjà sacré l'an dernier - ce dimanche aux 24 Heures du Mans? Sauf casse mécanique, les voitures japonaises apparaissent comme les grandes favorites de cette 87e édition qui doit s'achever à 15 heures. Cette épreuve est l'une des trois courses les plus prestigieuses au monde avec le Grand Prix de Monaco (championnat de Formule 1) et les 500 miles d'Indianapolis (Etats-Unis). Créée en 1923, cette course d'endurance, où les pilotes se relaient jour et nuit pendant 24 heures, a été un moteur important des progrès techniques dans l'automobile.

    Retour en arrière, au temps de la toute première compétition automobile.

    Des fous roulants dans leurs drôles de machines

    À 7h55, le dimanche 22 juillet 1894, les policiers dégagent la foule massée sur le boulevard Maillot. Malgré l'heure matinale, le Tout-Paris est venu assister à la « première compétition de voitures sans chevaux » de l'histoire. Et applaudir ces fous roulants dans leurs drôles de machines, impeccablement alignées devant le restaurant Gillet. La voiture n° 4 est la première à s'élancer.

    Cet étrange attelage, composé d'une calèche tirée par un tracteur à vapeur, est piloté par le marquis Jules-Albert de Dion, 38 ans, un des pionniers de cette industrie balbutiante. Toutes les trente secondes, les concurrents se lancent en direction de Neuilly, suivis par des escouades de cyclistes qui n'ont aucun mal à les suivre : le Paris-Rouen n'est pas une course de vitesse mais d'endurance. Interdit de dépasser les 12,5 km/h, stipule le règlement concocté dans les locaux du « Petit Journal ».

    C'est ce quotidien parisien qui a lancé l'idée à sa une du 20 décembre 1893. La « promenade à l'allure réglementée », qui promet 5 000 francs au vainqueur, ne doit pas être une « course folle roulant à toute vitesse ». Mais alors, comment départager les pilotes ? Selon trois critères, édicte « le Petit Journal » : la sécurité, la commodité et le « bon marché » des véhicules.

    Dans l'esprit de Pierre Giffard, maître d'œuvre de cette première, il s'agit plutôt d'un grand coup de projecteur sur cette dernière conquête de l'homme. « Nous nous figurons déjà au siècle prochain, lorsque la voiture automotrice sera de toutes les fêtes et de tous les transports », écrit le journaliste aux pointes de moustaches bien lissées.

    Pour que la compétition ne mette aux prises que la crème des autos, « le Petit Journal » l'a jalonnée d'épreuves qualificatives. Le dimanche 22, il ne reste que vingt et une autos sur les 102 inscrites. Le match se résume en un affrontement entre deux types d'énergie : le pétrole contre la vapeur.

    Et c'est la seconde catégorie qui tient la corde. Après 2h45 de routes poussiéreuses et cabossées, la n° 4 du marquis de Dion arrive à Mantes-la-Jolie, où pilotes et membres du jury doivent déjeuner. Certaines ont déjà abandonné, comme la 44, victime, selon le compte rendu du « Petit journal », de « l'ignoble route » de Nanterre.

    Le pétrole l'emporte sur la vapeur

    À 17h40, la voiture n° 4 est encore la première à atteindre le Champ-de-Mars, à Rouen. Le marquis a bouclé les 126 km en 6h48, mais il a la désagréable surprise d'apprendre, le lendemain, son déclassement : deuxième derrière une Peugeot et une Panhard & Levassor, premières ex aequo. Pourquoi ? Le jury a estimé que ce n'était pas très pratique d'embarquer un mécanicien pour alimenter le moteur en charbon ! D'ailleurs, les six autres voitures à vapeur engagées ont jeté l'éponge en route. Au contraire des 14 « pétrolettes », qui déboulent toutes intactes à l'arrivée, même très tard (22h10) pour la n° 18 de l'Anglais Ernest Archdeacon.

    Jules-Albert de Dion, qui organisera en 1895 la première course de vitesse, plus de 1 000 km aller-retour entre Paris et Bordeaux, prendra sa revanche lors des élections législatives de 1900. Giffard, qui se présente sous l'étiquette du Parti républicain à Yvetot (Seine-Inférieure), échoue de peu après une rouerie du puissant marquis.

    Ce dernier — aussi anti-dreyfusard que le journaliste est un soutien du capitaine — a fait distribuer dans cette région d'élevage le livre que Pierre Giffard a publié l'année précédente à la gloire de l'automobile. Son titre ? « La Fin du cheval ».

    Bien plus tard au Mans, un défilé de stars

    Avril 1970, Steve McQueen pendant les 24 heures du Mans./AFP
    Avril 1970, Steve McQueen pendant les 24 heures du Mans./AFP Bettmann Archive

    La célébrité des 24 heures du Mans doit autant à son ancienneté (1923) qu'aux drames dont elle a été le théâtre (le 11 juin 1955, une Mercedes s'envole dans le public, tuant 81 spectateurs) mais aussi à la pluie de stars que le circuit sarthois a accueillie.

    L'acteur américain Steve McQueen, alias « the king of cool », passionné de bolides, manque de s'y tuer à 300 km/h lors du tournage de « Le Mans » (1971). Paul Newman, qui quitte parfois les studios pour assouvir sa passion, se classe 2e des « 24 heures » en 1979 au volant d'une Porsche 935.

    Neveu d'un grand pilote des années 1950, Jean-Louis Trintignant a participé à l'édition suivante mais abandonnera après 17 heures de course suite à une casse.

    Plus récemment, Jackie Chan et Patrick Dempsey, le « Dr Mamour » de « Grey's Anatomy », s'y sont - entre autres - distingués.