Noyée dans le discours solennel lors de son installation en grande pompe, lundi 18 juillet, à la Cour de cassation, l’évocation de la condition carcérale par le nouveau premier président a tenu en deux phrases aussi synthétiques que percutantes. « La question des conditions de détention dans les prisons françaises est malheureusement ancienne, mais elle reste un sujet d’actualité qui ne devrait laisser personne indifférent. L’action conjuguée de la Cour européenne des droits de l’homme [CEDH], du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, ne suffit pas à la régler. »
Fort d’un tel constat, Christophe Soulard interpellait indirectement les responsables politiques installés au premier rang de cette cérémonie, la première ministre, Elisabeth Borne, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, et le président de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet.
Le droit a changé, pas la réalité
Depuis l’arrêt historique de la Cour européenne des droits de l’homme de janvier 2020, le droit a changé. Pas la réalité des prisons françaises. La France avait alors été condamnée en raison d’une surpopulation carcérale structurelle et de l’absence de recours effectif permettant à un détenu de faire cesser des conditions de détention qu’un tribunal jugerait indignes.
La Cour de cassation et le Conseil constitutionnel avaient suivi avant que le Parlement vote à la quasi-unanimité une loi « tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention », promulguée le 8 avril 2021. Tout détenu a désormais la possibilité de saisir le juge judiciaire pour faire constater des conditions de détention contraires à la dignité humaine et obtenir qu’il y soit mis fin.
En quinze mois, ce recours n’a quasiment pas servi. Dans le même temps, les conditions de détention n’ont pas cessé de se dégrader. Au 1er juin, les prisons comptaient 71 678 détenus (+ 7,6 % en un an) pour 60 703 places. Et 1 885 d’entre eux dorment sur un matelas au sol (+ 107,6 %). Quarante-neuf prisons affichent un taux d’occupation supérieur à 150 %.
Selon Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, le recours de la loi de 2021 n’est pas utilisé, car « la solution retenue pour mettre fin à une situation indigne est le transfert dans une autre prison. Or, ils préfèrent rester près de leur famille pour les visites ». Selon le ministère de la justice, plus de 150 ordonnances ont été rendues par des juges sur la base de cette procédure depuis mars 2022… mais aucune information n’est disponible sur le sens des décisions.
Il vous reste 64.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.