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Insee Analyses · Juillet 2022 · n° 74
Insee AnalysesUn tiers de l’empreinte carbone de l’Union européenne est dû à ses importations

Alexandre Bourgeois, Raphaël Lafrogne-Joussier, Matthieu Lequien, Pierre Ralle (Insee)

L’Union européenne (UE) émet 1,5 fois plus de gaz à effet de serre (GES) par habitant que la moyenne mondiale ; les États-Unis, près de trois fois plus. Cependant, rapportées à leur PIB, leurs émissions de GES sont inférieures à la moyenne mondiale. L’UE en particulier émet moins de GES que les autres zones géographiques pour produire un euro de biens et de services. Au sein de l’UE, la France se caractérise par un mix énergétique et, par ricochet, une production dans son ensemble moins carbonés que ses partenaires, notamment l’Allemagne.

Dans l’UE et aux États-Unis, les émissions de GES induites par la demande finale – l’empreinte carbone – sont plus élevées que les émissions issues de la production. Par rapport à l’inventaire des émissions associées à la production sur un territoire, l’empreinte carbone retranche les émissions incorporées aux produits exportés mais ajoute celles incorporées aux produits importés. En 2018, l’empreinte carbone par habitant de l’UE est de 11 tonnes d’équivalent CO2, contre 21 aux États-Unis et 8 en Chine. Un tiers environ de l’empreinte de l’UE correspond à des processus de production localisés en dehors de son territoire.

Entre 2000 et 2018, les émissions mondiales de GES ont augmenté de moitié quand la population augmentait d’un quart. Les émissions produites par l’UE ont diminué mais elles ont triplé dans le même temps en Chine.

Un tiers de l'empreinte carbone de l'Union européenne est dû à ses importations
Publication rédigée par :Alexandre Bourgeois, Raphaël Lafrogne-Joussier, Matthieu Lequien, Pierre Ralle (Insee)

Les pays développés ont une part dans les émissions mondiales de GES supérieure à leur part dans la population, mais inférieure à leur part dans le PIB

Les émissions mondiales de s’élèvent en 2018 à 46,8 milliards de tonnes d’équivalent CO2 (GtéqCO2). Ces émissions proviennent principalement de l’utilisation de combustibles fossiles (charbon, gaz naturel et pétrole). Elles résultent des activités économiques et des activités domestiques (transport et logement) des ménages.

La répartition géographique des émissions mondiales peut s’établir selon deux approches : la première répertorie les émissions qui ont physiquement lieu sur les territoires nationaux. Cette méthode, dite des , est retenue dans les engagements internationaux des pays. La seconde approche, dite de l’, mesure les émissions associées à la consommation de produits par les résidents d’un pays, indépendamment du lieu de fabrication de ces produits (figure 1). Ainsi, les émissions liées à la production d’un bien exporté sont attribuées au pays d’origine selon l’inventaire, au pays consommateur dans la méthode de l’empreinte. Il est possible de passer de l’inventaire à l’empreinte en retranchant de l’inventaire les GES émis sur le territoire pour des produits qui sont exportés et en ajoutant les GES émis à l’étranger pour des produits importés. La méthode employée ici pour calculer l’empreinte carbone est particulièrement adaptée pour éclairer ces différences entre inventaire et empreinte puisqu’elle fournit beaucoup de détails sur les émissions importées, leurs pays et branches de provenance, ainsi que sur le lien entre carbone contenu dans ces importations et valeur ajoutée importée (méthodes). Si les différences entre ces deux indicateurs sont riches d’enseignements, leurs points communs fournissent des premiers éléments intéressants.

Figure 1 – Émissions de gaz à effets de serre, deux approches : l’inventaire national et l’empreinte carbone

en téqCO2 par habitant
  • 1. GES directement émis par les ménages, principalement liés à la combustion de carburant et d’énergie fossile pour le chauffage.
  • Note : pour une question d’arrondi, les totaux peuvent différer à la décimale près.
  • Lecture : il est possible de passer de l’inventaire à l’empreinte carbone en retranchant de l’inventaire les GES émis sur le territoire pour des produits qui sont exportés (2,5 téqCO2) et en ajoutant les GES émis à l’étranger pour des produits importés (4,8 téqCO2).

En 2018, les pays de l’Union européenne (UE) représentent 8,7 % des émissions mondiales selon l’approche de l’inventaire, 10,5 % selon l’empreinte (figure 2). La France compte pour 1,0 % de l’inventaire et 1,3 % de l’empreinte. L’Italie est très proche de la France, tandis que l’Allemagne représente une part plus importante de l’inventaire mondial (2,1 %) et de l’empreinte mondiale (2,6 %).

Figure 2 – Répartition du PIB, de la population, de l’inventaire et de l’empreinte carbone entre différents pays, en 2018

en %
Figure 2 – Répartition du PIB, de la population, de l’inventaire et de l’empreinte carbone entre différents pays, en 2018 (en %) - Lecture : le PIB de la France représente 2,5 % du PIB mondial en 2018.
PIB (PPA) Population Inventaire Empreinte
UE à 27 dont : 15,8 5,8 8,7 10,5
France 2,5 0,9 1,0 1,3
Allemagne 3,6 1,1 2,1 2,6
Italie 2,1 0,8 0,9 1,3
États-Unis 16,3 4,3 12,2 14,8
Chine 17,2 18,7 26,0 25,4
  • Note : le PIB est mesuré en euros de 2017, en parité de pouvoir d’achat ; les émissions en téqCO2.
  • Lecture : le PIB de la France représente 2,5 % du PIB mondial en 2018.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, PIB de la Banque mondiale et d’Eurostat, population de l’OCDE et calculs Insee.

Figure 2 – Répartition du PIB, de la population, de l’inventaire et de l’empreinte carbone entre différents pays, en 2018

  • Note : le PIB est mesuré en euros de 2017, en parité de pouvoir d’achat ; les émissions en téqCO2.
  • Lecture : le PIB de la France représente 2,5 % du PIB mondial en 2018.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, PIB de la Banque mondiale et d’Eurostat, population de l’OCDE et calculs Insee.

Le poids de l’Union européenne dans les émissions apparaît supérieur à son poids démographique, l’UE abritant près de 6 % de la population mondiale. Dit autrement, les pays européens émettent davantage par habitant que la moyenne mondiale. Pour autant, la part de l’UE dans les émissions est inférieure à son poids économique, mesuré par son PIB (produit intérieur brut) en , de l’ordre de 16 %.

Les États-Unis sont dans une situation qualitativement similaire à l’Union européenne : leur part dans les émissions (12 % selon l’inventaire, 15 % selon l’empreinte) est nettement supérieure à leur poids démographique (un peu plus de 4 %) mais un peu inférieure à leur poids économique (16 %). Cependant, les États-Unis ont des niveaux d’inventaire comme d’empreinte sensiblement supérieurs à ceux de l’UE. La Chine, enfin, représente à elle seule plus du quart des émissions mondiales, que l’on raisonne en matière d’inventaire ou d’empreinte. Cette proportion excède son poids démographique (19 %) mais également son poids économique (17 %).

Au cours de ces deux dernières décennies, une certaine convergence a eu lieu au niveau mondial, la production devenant plus économe en GES dans les économies développées qui en émettaient beaucoup (encadré). À l’inverse, les émissions ont augmenté de manière spectaculaire en Chine, malgré un ralentissement à partir de 2014. En 2018, l’empreinte carbone d’un Chinois représente 39 % de celle d’un Américain, contre 12 % en 2000. L’écart entre l’Union européenne et les États-Unis s’est aussi resserré, mais dans une moindre mesure : l’empreinte carbone d’un habitant de l’UE est passée de 48 % de celle d’un Américain en 2000 à 52 % en 2018.

De nombreuses économies, comme l’UE et en son sein la France, se sont engagées à réduire fortement leurs émissions de gaz à effet de serre pour parvenir en 2050 à la neutralité carbone, c’est-à-dire à ne pas émettre davantage que ce que leur territoire absorbe, au moyen de différents puits de carbone (forêts, sols, etc.). Comme leur potentiel de capture du CO2 atmosphérique est limité, les émissions doivent baisser de plus de 80 % par rapport à l’inventaire national de 2021, provisoirement estimé à 418 MtéqCO2, pour atteindre un niveau d’émissions annuelles autour de 80 MtéqCO2 en 2050. Ces engagements requièrent donc une baisse des émissions bien plus forte sur les trois prochaines décennies (− 80 % entre 2021 et 2050) que sur les trois dernières (− 23 % entre 1990 et 2021). L’engagement de la France de réduire ses émissions de GES de 55 % en 2030 par rapport au niveau de 1990 représente une baisse de ses émissions de 5,8 % chaque année de 2022 à 2030 ; atteindre des émissions nettes de 0 en 2050 en supposant l’objectif en 2030 atteint est cohérent avec une baisse de ses émissions de 5,5 % chaque année de 2031 à 2050. La marche est haute : le rythme de baisse a été de 0,8 % par an sur 1990-2021 et de 1,7 % sur 2005-2021.

En 2018, les pays développés ont une empreinte carbone plus élevée que leur inventaire

En 2018, les émissions mondiales s’élèvent à 6,1 téqCO2 par habitant (figure 3). Les émissions directes des ménages en représentent 10 %.

Figure 3 – De l’inventaire à l’empreinte, émissions de GES par habitant, en 2018

en téqCO₂ par habitant
Figure 3 – De l’inventaire à l’empreinte, émissions de GES par habitant, en 2018 (en téqCO₂ par habitant) - Lecture : l’ensemble de la production française émet 5,1 téqCO2 par habitant, dont 2,5 sont exportées. La France importe 4,8 téqCO2 par habitant, ce qui porte son empreinte carbone, hors émissions directes des ménages, à 7,5 téqCO2 par habitant.
Production totale Production exportée Importations Demande finale Émissions directes Inventaire Empreinte carbone
France 5,1 2,5 4,8 7,5 1,8 6,9 9,2
Allemagne 9,5 3,8 6,6 12,3 2,3 11,8 14,6
Italie 5,3 1,7 4,7 8,3 1,8 7,1 10,0
UE à 27 7,5 3,3 5,1 9,3 1,7 9,2 11,0
États-Unis 14,2 1,8 5,6 18,0 3,3 17,5 21,3
Chine 8,2 1,4 1,2 8,0 0,4 8,5 8,3
Monde 5,5 /// /// 5,5 0,6 6,1 6,1
  • /// : absence de résultat due à la nature des choses.
  • Lecture : l’ensemble de la production française émet 5,1 téqCO2 par habitant, dont 2,5 sont exportées. La France importe 4,8 téqCO2 par habitant, ce qui porte son empreinte carbone, hors émissions directes des ménages, à 7,5 téqCO2 par habitant.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, population de l’OCDE et calculs Insee.

Figure 3 – De l’inventaire à l’empreinte, émissions de GES par habitant, en 2018

  • Lecture : l’ensemble de la production française émet 5,1 téqCO2 par habitant, dont 2,5 sont exportées. La France importe 4,8 téqCO2 par habitant, ce qui porte son empreinte carbone, hors émissions directes des ménages, à 7,5 téqCO2 par habitant.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, population de l’OCDE et calculs Insee.

Dans l’ensemble de l’UE à 27, en 2018, l’inventaire (9,2 téqCO2 par habitant) est inférieur à l’empreinte carbone (11,0 téqCO2 par habitant) car les GES exportés (3,3 téqCO2 par habitant) sont moindres que les GES importés (5,1 téqCO2 par habitant). L’inventaire par habitant des États-Unis est de loin le plus élevé : 17,5 téqCO2. Hormis la Chine, toutes les économies étudiées ont une empreinte supérieure à leur inventaire, les écarts allant de 1,8 téqCO2 par habitant pour l’UE à 3,8 téqCO2 pour les États-Unis : elles sont importatrices nettes de GES. En Chine, l’empreinte est légèrement inférieure à l’inventaire, 8,3 téqCO2 par habitant contre 8,5 téqCO2. En outre, les émissions directes chinoises représentent une part de l’empreinte plus faible qu’ailleurs (4 %).

La France se distingue par une production non exportée particulièrement peu émettrice en gaz à effet de serre du fait de la place du nucléaire dans la production d’électricité. La moitié des GES émis par la production française est exportée : cette proportion est la plus élevée parmi toutes les économies étudiées. En miroir, la part des GES importés dans l’empreinte carbone (hors émissions directes des ménages) est plus élevée qu’ailleurs, autour des deux tiers.

L’analyse des écarts entre inventaire et empreinte indique que deux facteurs sont déterminants : l’intensité des émissions (qui va déterminer la quantité de GES émis lors de la production) et les flux d’échanges entre zones géographiques (qui expliquent le passage de l’inventaire à l’empreinte).

Une production moins carbonée dans les pays développés

Au niveau mondial, produire un million d’euros de valeur ajoutée conduit à l’émission de 600 téqCO2 en moyenne en 2018. Ce contenu ou intensité en GES de la production varie fortement d’un pays à l’autre. Ainsi, la Chine a une intensité en GES très élevée, de 1 000 téqCO2, qui dépasse de deux tiers la moyenne mondiale (figure 4). Les États-Unis et l’UE ont des intensités nettement plus faibles, proches de 45 % de la moyenne mondiale. La production de l’Allemagne a l’intensité la plus élevée des trois premières économies de l’UE, suivie de l’Italie et la France.

Figure 4 – Intensité en émissions de GES de la production, des exportations, des importations, et de la demande finale, en 2018

en téqCO2 par million d’euros de valeur ajoutée, mesurée aux prix courants
Figure 4 – Intensité en émissions de GES de la production, des exportations, des importations, et de la demande finale, en 2018 (en téqCO2 par million d’euros de valeur ajoutée, mesurée aux prix courants) - Lecture : la production française émet 155,2 téqCO2 par million d’euros de valeur ajoutée. Un million d’euros de demande finale contient 221,5 téqCO2.
Production totale Production exportée Importations Demande finale
France 155,2 335,9 596,7 221,5
Allemagne 247,2 326,8 697,1 339,6
Italie 190,2 246,5 741,8 303,5
UE à 27 261,6 376,4 646,3 335,6
États-Unis 271,6 375,5 850,9 333,0
Chine 1 022,6 1 164,9 1 010,0 999,9
Monde 599,7 /// /// 599,7
  • /// : absence de résultat due à la nature des choses.
  • Lecture : la production française émet 155,2 téqCO2 par million d’euros de valeur ajoutée. Un million d’euros de demande finale contient 221,5 téqCO2.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, population de l’OCDE et calculs Insee.

Figure 4 – Intensité en émissions de GES de la production, des exportations, des importations, et de la demande finale, en 2018

  • Lecture : la production française émet 155,2 téqCO2 par million d’euros de valeur ajoutée. Un million d’euros de demande finale contient 221,5 téqCO2.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, population de l’OCDE et calculs Insee.

Les différences entre pays de l’intensité carbone de leur production peuvent s’expliquer par deux raisons : une structure de production plus ou moins centrée sur des branches ayant de fortes émissions de GES (effet de structure) et, à structure de production comparable, une intensité en GES de la production plus ou moins élevée (efficacité énergétique et intensité en GES de l’énergie consommée).

Trois constats peuvent être établis. Premièrement, dans tous les pays, le contenu en GES de la production est élevé dans la production d’énergie, intermédiaire dans l’industrie/agriculture, plus faible dans les services (figure 5). Une faible part dans la valeur ajoutée de la production d’énergie et de l’industrie/agriculture contribue donc par effet de structure à réduire l’intensité en GES de la production. C’est notamment la situation de la France. À l’inverse, ces branches très carbonées ont un poids plus élevé qu’ailleurs en Chine, ce qui contribue à une production plus intensive en GES.

Figure 5a – Intensité en gaz à effet de serre et part dans la valeur ajoutée dans l’industrie et l’agriculture en 2018

Figure 5a – Intensité en gaz à effet de serre et part dans la valeur ajoutée dans l’industrie et l’agriculture en 2018 - Lecture : en France, en 2018, la branche industrie et agriculture représente 13,1 % de la valeur ajoutée totale et l’intensité en gaz à effet de serre atteint 484,7 téqCO2 par million d’euros de valeur ajoutée.
Pays Part dans la VA
(en %)
intensité GES
(en téqCO₂ par million d’euros de valeur ajoutée)
Chine 34,9 1 407,9
Allemagne 23,4 250,3
France 13,1 484,7
Italie 19,6 280,2
UE à 27 19,0 428,1
USA 11,9 505,5
Monde 21,0 1 073,6
  • Note : la branche industrie et agriculture regroupe l’industrie manufacturière hors cokéfaction et raffinage, et l’agriculture, sylviculture et pêche.
  • Lecture : en France, en 2018, la branche industrie et agriculture représente 13,1 % de la valeur ajoutée totale et l’intensité en gaz à effet de serre atteint 484,7 téqCO2 par million d’euros de valeur ajoutée.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, calculs Insee.

Figure 5a – Intensité en gaz à effet de serre et part dans la valeur ajoutée dans l’industrie et l’agriculture en 2018

  • Note : la branche industrie et agriculture regroupe l’industrie manufacturière hors cokéfaction et raffinage, et l’agriculture, sylviculture et pêche.
  • Lecture : en France, en 2018, la branche industrie et agriculture représente 13,1 % de la valeur ajoutée totale et l’intensité en gaz à effet de serre atteint 484,7 téqCO2 par million d’euros de valeur ajoutée.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, calculs Insee.

Deuxièmement, les intensités de production par branche diffèrent nettement d’un pays à l’autre. Dans toutes les branches, la Chine émet plus de GES pour produire un euro de valeur ajoutée. Ainsi, dans ce pays, les deux composantes, l’effet de structure et l’intensité en GES de la production par branche, contribuent au contenu en GES beaucoup plus élevé qu’ailleurs de la production. De son côté, dans la production d’énergie, la France est la moins émettrice des pays étudiés avec une intensité en GES trois fois inférieure à celles de l’Allemagne et des États-Unis : son mix énergétique est moins carboné du fait de la part plus élevée de l’énergie d’origine nucléaire.

Enfin, les échanges internationaux portent sur des produits dont le contenu en GES est relativement élevé. En effet, les échanges internationaux portent plus souvent sur des biens industriels, agricoles ou énergétiques et moins souvent sur des services. En outre, pour les pays développés, les produits importés sont pour partie fabriqués dans des zones où la production est plus intensive en GES, comme la Chine. De fait, les émissions incorporées dans les importations correspondent à celles générées tout au long de la chaîne de valeur de ces produits, y compris par la production de leurs consommations intermédiaires. Cela concourt à ce que, hormis en Chine (et dans d’autres pays qui ne sont pas isolés ici), un euro de demande finale contient plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’un euro de valeur ajoutée.

Un tiers de l’empreinte carbone de l’UE est dû à ses importations, contre un quart pour les États-Unis

Alors que l’inventaire d’une économie reflète uniquement l’intensité en GES de ses productions intérieures, l’empreinte carbone dépend de l’intensité en GES de tous les pays du monde, à travers les émissions incorporées aux importations. L’analyse des chaînes de production internationales permet de décrire finement l’origine géographique des émissions incorporées aux biens et services importés.

L’UE à 27, les États-Unis et la Chine sont trois zones économiques relativement fermées, au sens où leur demande finale est satisfaite par des biens et services produits à 85 % à l’intérieur de chacune de ces zones (pour l’UE, ce chiffre ne représente pas la moyenne des 27 pays, mais bien celui de l’Union, prise comme un tout) (figure 6). Il n’est donc pas surprenant que la majorité des émissions associées à leur demande finale soit émise en leur sein. Ceci dit, l’UE, et dans une moindre mesure les États-Unis, ont une production moins carbonée que beaucoup de leurs partenaires commerciaux. Cela explique que 40 % de l’empreinte carbone de l’UE, hors émissions directes des ménages, provient de ses importations. Cette part est de 31 % pour les États-Unis, contre seulement 14 % pour la Chine, en ligne avec la part importée de la demande finale. En y ajoutant les émissions directes des ménages (qui sont émises sur le territoire), la part des émissions importées dans l’empreinte carbone est de 33 % dans l’UE (dont 5,5 % provient de Chine et 1,8 % des États-Unis), de 26 % aux États-Unis et de 14 % en Chine.

Figure 6 – Décomposition de l’empreinte carbone et de la demande finale selon leur provenance, en 2018

Figure 6 – Décomposition de l’empreinte carbone et de la demande finale selon leur provenance, en 2018 - Lecture : en 2018, 6,5 % de l’empreinte carbone de l’UE à 27, hors émissions directes des ménages, ont été émis en Chine, tandis que 2,0 % de la valeur ajoutée constituant la demande finale de l’UE à 27 proviennent de Chine. 66,6 % de l’empreinte carbone de l’UE à 27, y compris émissions directes des ménages, ont été émis dans l’UE à 27.
a. Empreinte carbone (hors émissions directes des ménages)
en % (sauf mention contraire)
UE27 Chine États‑Unis Reste du monde Inventaire (MtéqCO2)
UE27 60,4 0,9 2,2 2,9 3 327
Chine 6,5 85,5 7,1 6,1 11 668
États-Unis 2,2 0,7 68,7 2,1 4 637
Reste du monde 31,0 12,9 22,0 89,0 22 449
Empreinte
(MtéqCO2)
4 140 11 382 5 876 20 708 42 105
b. Demande finale
en % (sauf mention contraire)
UE27 Chine États‑Unis Reste du monde         Valeur ajoutée (en milliards d'euros)
UE27 85,2 2,3 2,5 5,3 12 726
Chine 2,0 85,7 2,2 3,6 11 417
États-Unis 2,5 1,7 87,8 3,8 17 084
Reste du monde 10,2 10,3 7,6 87,4 28 987
Demande finale
(en milliards d'euros)
12 334 11 383 17 644 28 853 70 214
c. Empreinte carbone avec émissions directes
en % (sauf mention contraire)
UE27 Chine États‑Unis Reste du monde Inventaire (MtéqCO2)
UE27 66,6 0,8 1,9 2,6 4 095
Chine 5,5 86,1 6,0 5,4 12 179
États-Unis 1,8 0,7 73,6 1,9 5 714
Reste du monde 26,1 12,4 18,6 90,1 24 820
Empreinte
(MtéqCO2)
4 905 11 886 6 950 23 066 46 808
  • Notes : les lignes correspondent aux pays de provenance des émissions, les colonnes aux pays dont l’empreinte carbone ou la demande finale sont ventilées. Les empreintes et inventaires sont donnés en MtéqCO2, la demande finale et la valeur ajoutée en milliards d’euros. Les calculs sont effectués en dollars courants, convertis en euros courants, pour l’année 2018. Contrairement à la figure 2, qui mobilise des PIB en parité de pouvoir d’achat, la demande finale et la valeur ajoutée sont exprimées en euros.
  • Lecture : en 2018, 6,5 % de l’empreinte carbone de l’UE à 27, hors émissions directes des ménages, ont été émis en Chine, tandis que 2,0 % de la valeur ajoutée constituant la demande finale de l’UE à 27 proviennent de Chine. 66,6 % de l’empreinte carbone de l’UE à 27, y compris émissions directes des ménages, ont été émis dans l’UE à 27.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, calculs Insee.

Pour les États-Unis et l’UE, la part dans l’empreinte des flux de GES en provenance de Chine est à peu près similaire (de l’ordre de 7 % hors émissions directes des ménages), et nettement supérieure à la part de la Chine dans la demande finale (de 2 % environ). Dans le sens inverse, les flux sont faibles (moins de 1 %). Enfin, les échanges de GES entre l’UE et les États-Unis sont relativement faibles, de 2 % dans les deux cas.

Une part importée de l’empreinte carbone plus élevée en France qu’en Allemagne

Un excédent commercial peut s’accompagner d’un « déficit en GES », au sens où les GES contenus dans les importations (et émis à l’étranger) sont supérieurs aux GES contenus dans les exportations (et émis dans le pays). Ainsi, en Allemagne, aux Pays-Bas et, dans une moindre mesure, en Italie et en Espagne, la valeur ajoutée exportée dépasse celle importée, tandis que ces quatre pays sont importateurs nets en GES.

La proportion de l’empreinte carbone importée par les pays européens est très variable. Deux facteurs peuvent expliquer ces écarts : d’une part, le degré d’ouverture au commerce international (plus un pays est ouvert, plus il importe de biens et services et plus il importe de GES nécessaires à leur production), d’autre part, le contenu en GES des biens et services que le pays importe, relativement à celui des biens qu’il produit.

En 2018, la part d’empreinte importée en provenance des pays situés hors de l’UE est de 33 % en Allemagne (très proche de la moyenne européenne), plus faible qu’en France (39 %) (figure 7). L’inclusion des importations en provenance des pays de l’UE ne modifie pratiquement pas le constat : en 2018, la proportion de l’empreinte carbone importée est de 46 % en Allemagne et de 52 % en France. Cet écart de 7 points (hors arrondis) reflète, d’une part, les soldes commerciaux, la France important plus qu’elle n’exporte, à l’inverse de l’Allemagne. D’autre part, la production étant sensiblement moins carbonée en France qu’en Allemagne, la part des émissions importées dans l’empreinte y est mécaniquement plus élevée. Toutefois, en niveau, les importations de GES sont plus faibles en France qu’en Allemagne (4,8 contre 6,6 téqCO2 par habitant).

Figure 7 – Origine de l’empreinte carbone des pays de l’UE, en 2018

en %
Figure 7 – Origine de l’empreinte carbone des pays de l’UE, en 2018 (en %) - Lecture : en 2018, 47,5 % de l’empreinte carbone de la France a été émise sur son territoire, 13,2 % dans le reste de l’UE, et 39,3 % dans le reste du monde.
Pays Part intérieure Part intérieure de l’UE Part importée
du reste du monde
Pologne 73,8 6,6 19,6
Grèce 67,4 8,7 23,9
Estonie 67,1 10,0 23,0
Roumanie 63,8 13,8 22,4
République tchèque 60,2 15,0 24,8
Croatie 59,2 18,6 22,3
Bulgarie 56,6 12,2 31,3
Allemagne 54,5 12,6 32,9
Espagne 53,6 10,2 36,2
Italie 53,6 11,9 34,5
Hongrie 52,9 18,2 28,9
Chypre 52,6 12,4 35,0
Finlande 50,8 13,2 36,1
Slovénie 49,3 19,7 31,0
Portugal 49,0 18,4 32,7
France 47,5 13,2 39,3
Lettonie 45,6 14,9 39,5
Lituanie 45,5 19,9 34,5
Slovaquie 45,2 21,1 33,7
Pays-Bas 44,2 13,5 42,3
Danemark 41,6 18,9 39,5
Autriche 41,5 23,8 34,7
Belgique 40,1 22,6 37,3
Irlande 38,9 14,6 46,5
Luxembourg 32,9 31,8 35,4
Suède 31,9 24,0 44,1
Malte 15,1 31,0 53,9
Moyenne pays de l’UE 49,4 16,7 33,9
  • Note : la moyenne des pays de l’UE correspond à une moyenne simple des parts des 27 pays de l’UE.
  • Lecture : en 2018, 47,5 % de l’empreinte carbone de la France a été émise sur son territoire, 13,2 % dans le reste de l’UE, et 39,3 % dans le reste du monde.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, calculs Insee.

Figure 7 – Origine de l’empreinte carbone des pays de l’UE, en 2018

  • Note : la moyenne des pays de l’UE correspond à une moyenne simple des parts des 27 pays de l’UE.
  • Lecture : en 2018, 47,5 % de l’empreinte carbone de la France a été émise sur son territoire, 13,2 % dans le reste de l’UE, et 39,3 % dans le reste du monde.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, calculs Insee.

Parmi les pays de l’UE, la part importée de l’empreinte carbone varie de 26 % à 85 %. La Pologne, avec son mix énergétique carboné, a la plus faible proportion. À l’inverse, c’est Malte, petit pays très ouvert au commerce international, qui a la proportion d’empreinte carbonée importée la plus forte de l’UE. Le Luxembourg, où les services sont très développés, importe les deux tiers de son empreinte carbone. Les pays ayant une population nombreuse, comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la France, sont dans une situation intermédiaire.

Encadré – Les évolutions des émissions de GES et de leurs déterminants entre 2000 et 2018

Entre 2000 et 2018, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté de moitié, deux fois plus vite que la population mondiale

Entre 2000 et 2018, les émissions mondiales de GES ont augmenté de 49 % (figure A). Entre ces deux dates, la population mondiale a crû de 24 %, les émissions par habitant augmentant de 20 %. La croissance des émissions mondiales s’est poursuivie tout au long de cette période, sans rupture de tendance manifeste, même si l’on peut observer des phases d’accélération ou de ralentissement, comme la stabilisation des émissions en 2009-2010 en lien avec la crise financière et ses conséquences économiques.

Les émissions issues du processus de production, qualifiées d’émissions indirectes, peuvent être distinguées de celles directement émises par les ménages pour leurs déplacements et leur chauffage (méthodes). Entre 2000 et 2018, les émissions indirectes par habitant ont augmenté de 23 %. Elles sont liées à l’activité économique, il est donc naturel de les considérer par rapport au PIB. Ainsi, elles peuvent être vues comme le produit des émissions indirectes par unité de PIB (l’intensité du PIB en émissions) et du PIB par habitant. Le premier facteur, qui mesure le contenu du PIB en GES (les émissions de GES nécessaires pour produire une unité de PIB), a diminué de 18 %. Il a contribué à réduire l’empreinte carbone. À l’inverse, le second facteur, le PIB par habitant, a augmenté fortement (+ 50 %), contribuant à l’accroissement de l’empreinte. Ce second effet l’emporte, expliquant la hausse des émissions liées à la production.

Entre 2000 et 2018, les émissions directes par habitant ont baissé de 5 %, contribuant à réduire l’empreinte carbone, mais de façon limitée, du fait de leur poids modéré : en 2018, au niveau mondial, les émissions directes représentent 10 % de l’empreinte carbone.

Figure A – Évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de ses déterminants, entre 2000 et 2018

base 100 en 2000
Figure A – Évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de ses déterminants, entre 2000 et 2018 (base 100 en 2000) - Lecture : les émissions mondiales de GES ont augmenté de 48,8 % entre 2000 et 2018, et la population mondiale de 24,2 %.
Émissions totales Émissions indirectes par habitant Émissions directes par habitant Émissions indirectes par unité de PIB PIB par habitant Population
2000 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
2001 103,1 102,0 100,8 100,9 101,0 101,3
2002 104,3 101,9 100,0 99,4 102,5 102,6
2003 106,5 102,8 100,9 97,9 105,0 103,9
2004 110,5 105,7 100,5 97,1 108,9 105,2
2005 114,6 109,0 98,0 96,9 112,5 106,5
2006 118,8 112,2 97,0 96,0 116,8 107,8
2007 122,4 114,5 96,3 94,3 121,3 109,2
2008 126,1 116,9 95,0 95,0 123,0 110,5
2009 126,8 116,2 93,9 96,2 120,7 111,9
2010 126,6 114,3 94,7 91,3 125,2 113,2
2011 132,9 119,5 91,5 93,0 128,5 114,6
2012 137,1 122,3 90,4 93,3 131,0 116,0
2013 138,4 121,7 92,3 91,0 133,7 117,4
2014 140,1 121,7 91,9 89,1 136,7 118,7
2015 141,4 121,0 95,3 86,6 139,8 120,1
2016 141,9 119,8 96,2 83,9 142,7 121,5
2017 142,8 119,2 95,4 81,4 146,4 122,9
2018 148,8 123,4 94,8 82,3 150,0 124,2
  • Notes : les grandeurs sont en base 100 en 2000. Le PIB est mesuré en parité de pouvoir d’achat, en dollars constants de 2017 ; les émissions en téqCO2.
  • Lecture : les émissions mondiales de GES ont augmenté de 48,8 % entre 2000 et 2018, et la population mondiale de 24,2 %.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, PIB de la Banque mondiale et d’Eurostat, population de l’OCDE et calculs Insee.

Figure A – Évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de ses déterminants, entre 2000 et 2018

  • Notes : les grandeurs sont en base 100 en 2000. Le PIB est mesuré en parité de pouvoir d’achat, en dollars constants de 2017 ; les émissions en téqCO2.
  • Lecture : les émissions mondiales de GES ont augmenté de 48,8 % entre 2000 et 2018, et la population mondiale de 24,2 %.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, PIB de la Banque mondiale et d’Eurostat, population de l’OCDE et calculs Insee.

Entre 2000 et 2018, triplement des émissions de GES produites par la Chine, recul dans les pays développés

La hausse des émissions mondiales de GES résulte d’évolutions contrastées selon les zones économiques. Entre 2000 et 2018, les inventaires ont diminué de 6 % dans l’Union européenne et aux États-Unis, alors qu’ils ont pratiquement triplé en Chine (figure B). Au sein de l’UE, les rythmes de baisse ont été variables entre les trois principales économies : – 19 % en Italie, – 11 % en France, – 5 % en Allemagne.

La contribution des émissions par habitant explique l’essentiel des écarts d’évolution entre pays. Ces émissions de GES par habitant augmentent fortement en Chine, alors qu’elles baissent dans les autres pays étudiés. En France, en Allemagne, en Italie et aux États-Unis, les émissions directes des ménages par habitant ont chuté, induisant une baisse de 4 à 5 points des émissions par tête. À l’inverse, elles ont doublé en Chine, contribuant à la hausse des émissions par tête pour 5 points. La hausse spectaculaire du niveau de vie en Chine, le PIB par tête ayant quadruplé sur la période, s’est matérialisée par une forte hausse des émissions indirectes par tête. Dans les pays développés, contrairement au profil homogène des émissions directes par habitant, les émissions indirectes par habitant ont évolué différemment : leur contribution est de – 19 points en Italie, de – 16 points en France et aux États-Unis et de – 1 point en Allemagne (– 8 points pour l’UE dans son ensemble).

La démographie explique aussi une partie de ces évolutions. La croissance démographique a contribué à augmenter les émissions, notamment en Chine, aux États-Unis et en France, où la croissance de la population entre 2010 et 2018 dépasse les 10 %, mais presque pas en Allemagne où elle est d’à peine 1 % (méthodes).

Figure B – Décomposition de l’évolution entre 2000 et 2018 de l’inventaire de gaz à effet de serre

Figure B – Décomposition de l’évolution entre 2000 et 2018 de l’inventaire de gaz à effet de serre - Lecture : l’inventaire de GES de la France a diminué de 10,7 % entre 2000 et 2018, la hausse de la population contribuant à l’augmenter de 9,4 points de pourcentage et la baisse des émissions par habitant contribuant à le faire baisser de 20,2 points de pourcentage.
France Allemagne Italie UE à 27 États-Unis Chine Monde
(1)
= (2) + (3)
Émissions totales (en %) – 10,7 – 4,6 – 19,1 – 6,4 – 6,2 175,0 48,8
(2) Population (en points de pourcentage) 9,4 0,8 4,6 3,9 14,3 18,5 26,6
(3)
= (4) + (5)
Émissions totales par habitant (en points de pourcentage), dont : – 20,2 – 5,4 – 23,7 – 10,3 – 20,5 156,5 22,2
(4) Émissions directes par habitant – 4,4 – 4,6 – 4,2 – 1,9 – 4,9 5,5 – 0,7
(5)
= (6) + (7)
Émissions indirectes par habitant, dont : – 15,7 – 0,8 – 19,4 – 8,4 – 15,6 151,0 22,9
(6) Émissions indirectes par unité de PIB – 25,0 – 17,9 – 18,5 – 27,1 – 32,4 – 119,7 – 22,1
(7) PIB par habitant 9,3 17,1 – 1,0 18,6 16,7 270,7 45,1
  • Note : le PIB est mesuré en dollars constants de 2017, en parité de pouvoir d’achat, et les émissions en téqCO2.
  • Lecture : l’inventaire de GES de la France a diminué de 10,7 % entre 2000 et 2018, la hausse de la population contribuant à l’augmenter de 9,4 points de pourcentage et la baisse des émissions par habitant contribuant à le faire baisser de 20,2 points de pourcentage.
  • Sources : base TIES ICIO de l’OCDE, données d’émissions d’Exiobase 3 et de l’OCDE, PIB de la Banque mondiale et Eurostat, population de l’OCDE et calculs Insee.
Publication rédigée par :Alexandre Bourgeois, Raphaël Lafrogne-Joussier, Matthieu Lequien, Pierre Ralle (Insee)
Publication rédigée par :Alexandre Bourgeois, Raphaël Lafrogne-Joussier, Matthieu Lequien, Pierre Ralle (Insee)

Sources

Les données mobilisées pour le calcul de l’empreinte carbone sont constituées de deux composantes : (1) un Tableau international des entrées-sorties (TIES) et (2) une base d’émissions de gaz à effet de serre. La base TIES choisie est ICIO de l’OCDE (édition de novembre 2021) dans laquelle certains pays ont été agrégés à la zone géographique « reste du monde » afin de ne retenir que les pays communs avec Exiobase (donc 45 pays dont une zone « reste du monde »). Cette base recouvre les années 1995 à 2018, avec un détail en 45 branches. Les flux économiques décrits dans ces tableaux internationaux Entrées‑Sorties sont convertis dans une unité commune, le dollar courant [Ouvrir dans un nouvel ongletOCDE, 2021] (méthodes). La base d’émissions retenue est Exiobase 3 (édition 3.8 de novembre 2020), qui recouvre les émissions des trois principaux gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane et protoxyde d’azote) pour les années 1995 à 2018. La base d’émissions de Exiobase 3 est initialement décomposée en 163 branches, agrégées ici en 45 branches correspondant à ICIO à l’aide de tables de passage pondérées (pondération spécifique pour chacun des pays de l’UE, et pondération moyenne de l’UE pour les autres pays dont le reste du monde). Les données d’émissions directes des ménages sont issues des comptes d’émissions dans l’air de l’OCDE et recensent l’ensemble des gaz à effet de serre. L’inventaire et l’empreinte sont tous les deux mesurés hors Utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie (UTCATF), qui a absorbé 3,5 GtéqCO2 de l’atmosphère en 2018 [Ouvrir dans un nouvel ongletUNEP, 2019]. Les données d’émissions, au format des comptes d’émissions dans l’air, sont exprimées selon le concept de résidence.

Les données de produits intérieurs bruts (PIB) sont exprimées en parité de pouvoir d’achat en dollars constants de 2017 et sont issues de la Banque mondiale. Les données de population proviennent de l’OCDE.

Les économies étudiées sont la France, l’Allemagne, l’Italie, l’UE à 27, les États-Unis, la Chine, et le monde dans son ensemble.

Méthodes

L’empreinte carbone associe à chaque bien les GES émis pendant les différentes étapes de sa production. Elle peut être calculée avec une modélisation de type entrées‑sorties qui met en relation les ressources et les emplois de chaque produit de l’économie présent dans le tableau des entrées‑sorties (TES) des comptes nationaux de l’Insee. Les ressources et les emplois de l’économie sont reliés par la matrice des consommations intermédiaires, un élément central de la modélisation qui décrit les entrants intermédiaires du processus de production national, qu’ils soient intérieurs ou étrangers. La modélisation entrées-sorties est étendue sous forme inter-pays au sein de bases multi-régionales (comme ICIO de l’OCDE), décrivant ainsi toutes les relations transnationales, que ce soit des relations directes (par exemple, l’achat direct par un ménage français d’un produit fini importé d’Allemagne) ou des relations indirectes (par exemple, l’achat par une entreprise française de matière première espagnole comme intrant pour son processus de production afin de répondre à la demande finale française). Plus précisément, elles renseignent les consommations intermédiaires de chaque branche de chaque pays en produit de toutes les branches de tous les pays. Ces bases multi-régionales permettent de réaliser des calculs en « chaîne de valeur mondiale », c’est-à-dire décrivant les émissions associées à chaque étape de transformation d’un produit tout au long de la chaîne de valeur. Cette méthodologie permet donc de tenir compte du fait que des biens importés peuvent avoir un contenu carbone plus ou moins élevé selon que la technologie de production est plus ou moins carbonée dans chacun des pays qui contribue à la production d’un produit donné.

La production par le pays i de la branche k peut être utilisée de plusieurs manières : comme consommation intermédiaire par une branche du même pays ou d’un autre (ce qui correspond alors à une exportation de consommation intermédiaire de i vers cet autre pays), comme demande finale du pays i ou d’un autre pays (exportation de bien final de i vers cet autre pays). Ainsi, en notant P le vecteur de la production mondiale par branche en valeur (en empilant les productions par branche des différents pays), DFj le vecteur de la demande finale du pays j en chacune des branches de chaque pays, et CI la matrice carrée des consommations intermédiaires en valeur (CI(i,k),(j,l) renseigne combien la branche l du pays j utilise comme consommation intermédiaire en produit k du pays i), l’équilibre ressources-emplois au sein de l’économie mondiale est pour la production de la branche k du pays i : P(i,k) = Σ(j,l) CI(i,k),(j,l) + Σj DF(i,k),j. DFj agrège les différentes composantes de la demande finale, notamment la consommation des ménages, l’investissement des entreprises ou encore les variations de stocks.

Lorsque l’on rapporte les consommations intermédiaires CI(i,k),(j,l) à la production de la branche l du pays j P(j,l) , on obtient les coefficients A(i,k),(j,l) qui forment la matrice carrée A des coefficients techniques du tableau des entrées-sorties. Cette matrice indique par exemple combien une branche consomme comme produit intermédiaire des autres branches au cours de son processus de production afin de produire une unité de production. Avec n le nombre de branches et le nombre de pays, les vecteurs P et DFj ont pour dimension (n × p, 1), les matrices A et CI ont pour dimension(n × p, n × p). Lorsque l’on remplace CI(i,k),(j,l) par A(i,k),(j,l) P(j,l) dans l’équilibre ressources-emplois, et en notant L la matrice qui permet de passer de la demande finale à la production (matrice de Leontief inverse définie par L = (I – A)-1), on obtient P – A · P = Σj DFj , soit P = L · Σj DFj .

En pré-multipliant les deux membres de cette dernière équation par E’ le vecteur ligne de dimension (1, n × p) constitué du ratio des émissions de GES d’un couple (pays, branche) rapportées à la production de ce couple (pays, branche), et en notant Edj le nombre correspondant aux émissions directes des ménages pour le pays j, on obtient alors les émissions mondiales de gaz à effet de serre que l’on peut décomposer selon les inventaires ou les empreintes carbones de chaque pays :

E’ · P + Σj Edj = E’ · L · Σj DFj + Σj Edj
Σjk E’jk Pjk + Edj) = Σj (E’ · L · DFj + Edj)

L’inventaire du pays j est donné par Σk E’jk Pjk  + Edj , son empreinte carbone par E’ · L · DFj + Edj .

Si cette méthode diffère de celle retenue par le Service des données et études statistiques (SDES), elle fournit une empreinte carbone pour la France qui est proche de celle produite par le SDES. La méthode de calcul de l’empreinte carbone du SDES s’appuie sur le TES symétrique produit par l’Insee, qui distingue une partie intérieure et un reste du monde, sans distinction des pays. L’estimation des émissions du reste du monde est fondée sur le TES symétrique consolidé à l’échelle de l’UE et diffusé par Eurostat. Des pondérations permettent d’ajuster les données européennes aux spécificités de plusieurs grandes zones géographiques. Toutefois, contrairement aux méthodes mobilisant des tableaux entrées-sorties internationaux, ce calcul ne réalise pas un « bouclage mondial » : les émissions importées sont affectées en totalité au dernier pays importateur sans tenir compte des échanges entre ce dernier pays importateur et le reste du monde.

Contribution des facteurs à l’inventaire de GES

L’évolution de l’inventaire de GES entre deux années est la somme des évolutions des émissions directes (Ed) et émises lors du processus de production (Ei). En considérant Ei comme le produit des émissions par unité de PIB (Ei/Q, avec le PIB en dollars PPA de 2017 noté Q), du PIB par habitant (Q/P) et du nombre d’habitants (P), et Ed comme le produit des émissions directes par habitant et du nombre d’habitants, on obtient :

Ei + Ed = P · (Ed/P + Ei/Q · Q/P)

On peut analyser l’évolution de l’inventaire selon l’évolution de chacun des facteurs de cette formule. Pour cela, nous calculons des contributions. La contribution de P à la croissance de l’inventaire est la croissance de Ei + Ed due à la croissance de P, et cette contribution est différente de la croissance de P.

Il existe différentes manières de calculer ces contributions pour un produit de facteurs ; nous utilisons la moyenne de deux décompositions additives, les décompositions polaires, qui reproduit très bien l’évolution de la variable principale [Ouvrir dans un nouvel ongletDietzenbacher, Los, 1998]. En définitive, entre deux dates, la variation de l’inventaire est décomposée en 4 contributions :

Δ(Inventaire) = contribution(Population) + contribution(Émissions directes par habitant) + contribution(Émissions indirectes par unité de PIB) + contribution(PIB par habitant).

Définitions

Les gaz à effet de serre (GES) considérés ici sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane, le protoxyde d’azote et quatre gaz fluorés (halocarbures). Les émissions de gaz à effet de serre sont exprimées en tonnes d’équivalent CO2 (téqCO2), où l’équivalence tient compte du potentiel de réchauffement à cent ans propre à chaque gaz, selon les standards édictés par les Nations Unies.

L’inventaire national (au format CCNUCC) calcule les quantités de gaz à effet de serre physiquement émises à l’intérieur du pays (approche territoriale) par les ménages (véhicules et logements) et les activités économiques (consommation d’énergie fossile, procédés industriels et émissions de l’agriculture). Les données issues des inventaires, élaborés chaque année pour répondre aux normes de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), sont les plus couramment utilisées. Elles sont actuellement privilégiées pour le suivi des politiques nationales et les comparaisons internationales. L’inventaire national (au format des comptes d’émissions dans l’air) s’appuie sur l’inventaire au format CCNUCC, mais classe les sources d’émissions en 64 branches d’activités et, pour les transports, tient compte du principe de résidence : les émissions des Français à l’étranger sont incluses et celles des étrangers en France sont exclues.

L’empreinte carbone représente la quantité de gaz à effet de serre (GES) induite par la demande finale intérieure d’un pays (consommation des ménages, des administrations publiques et des organismes à but non lucratif et investissements), que les biens ou services consommés soient produits sur le territoire national ou importés.

L’empreinte carbone est donc constituée :

  • des GES émis directement par les ménages (principalement liés à la combustion des carburants des véhicules particuliers et la combustion d’énergies fossiles pour le chauffage des logements) ;
  • des émissions de GES issues de la production intérieure de biens et de services destinée à la demande intérieure (c’est-à-dire hors exportations) ;
  • des émissions de GES associées aux biens et services importés, pour les consommations intermédiaires des entreprises ou pour l’usage final des ménages.

Ces deux derniers items constituent les émissions indirectes de GES. Par rapport à l’inventaire, l’empreinte carbone est obtenue en ajoutant les émissions de GES issues de la production de biens importés et en ôtant les émissions de GES issues de la production en France de biens exportés (figure 1).

L’exemple des émissions de GES associées aux carburants permet d’illustrer ces notions. Les GES émis durant l’extraction, le transport, le raffinage sont comptabilisés en tant qu’émissions indirectes dans l’inventaire des pays qui réalisent ces différentes activités. Ils seront également comptabilisés en tant qu’émissions indirectes dans l’empreinte carbone du pays qui consomme ces carburants. Les GES émis durant l’utilisation par les ménages de ce carburant (par exemple pour se déplacer ou se chauffer), sont comptés dans les émissions directes de l’inventaire et de l’empreinte carbone du pays qui les utilise.

La parité de pouvoir d’achat (PPA) est un taux de conversion monétaire qui permet d’exprimer dans une unité commune les pouvoirs d’achat des différentes monnaies. Ce taux exprime le rapport entre la quantité d’unités monétaires nécessaire dans des pays différents pour se procurer le même « panier » de biens et de services.

Pour en savoir plus

Bourgeois A., Gervois F., Lafrogne-Joussier R., Documents de travail, Insee, à paraître.

OCDE, “Ouvrir dans un nouvel ongletOECD Inter-Country Input-Output (ICIO) Tables”, novembre 2021.

Citepa, « Ouvrir dans un nouvel ongletGaz à effet de serre et polluants atmosphériques - Bilan des émissions en France de 1990 à 2020 », Rapport national d’inventaire / Format Secten, juillet 2021.

Dietzenbacher E., Kulionis V., Capurro F., “Ouvrir dans un nouvel ongletMeasuring the effects of energy transition: A structural decomposition analysis of the change in renewable energy use between 2000 and 2014”, Applied Energy Volume 258, 2020.

Yamano N., Guilhoto J., “Ouvrir dans un nouvel ongletCO2 emissions embodied in international trade and domestic final demand: Methodology and results using the OECD Inter-Country Input-Output Database”, Documents de travail de l’OCDE sur la science, la technologie et l’industrie, OCDE, novembre 2020.

Haut Conseil pour le Climat, « Ouvrir dans un nouvel ongletMaîtriser l’empreinte carbone de la France - Réponse à la saisine du gouvernement », octobre 2020.

United Nations Environment Programme, “Ouvrir dans un nouvel ongletEmissions Gap Report 2019”, UNEP, Nairobi, 2019.

Lempe P., Ren J.F., Alley R. B., Allison I., “Ouvrir dans un nouvel ongletClimate Change 2007: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change” [Core Writing Team, Pachauri, R.K and Reisinger, A. (eds.)], IPCC, Geneva, Switzerland, janvier 2007.

Dietzenbacher E., Los B., “Ouvrir dans un nouvel ongletStructural decomposition techniques: sense and sensitivity”, Economic Systems Research, 1998.