"C'est humiliant": la colère de résidents français d'origine russe après le blocage de leurs comptes bancaires

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"C'est humiliant": la colère de résidents français d'origine russe après le blocage de leurs comptes bancaires

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Une personne qui retire de l'argent à un distributeur.
Une personne qui retire de l'argent à un distributeur.
© Maxppp - Patrick Lefevre

À la Banque postale depuis 31 ans, Evgueni Galperine, compositeur français de musique de films et de séries, s'est vu notifier une fin de collaboration. Ils seraient plus de 1500 dans ce cas, et une partie d'entre eux annoncent qu'ils vont déposer plainte d'ici la fin de semaine.

On lui doit les bandes originales d'une cinquantaine de films et de séries, de la Famille Bélier au Baron Noir. Evgueni Galperine, compositeur français né en Russie, a appris que ses comptes à la Banque Postale allaient être suspendus. Il y est client depuis 31 ans, et si les raisons officielles de cette suspension ne sont pas expliquées dans la lettre, il assure que c'est en raison de la situation géopolitique et de la guerre en Ukraine.

En partageant son message de colère sur les réseaux sociaux, le compositeur a mis en lumière une situation que de nombreux Russes, Franco-russes ou Français d'origine russe vivent. Une partie d'entre eux va porter plainte.

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Que "les banques soient punies pour ces actions"

Evgueni Galperine est français. Il a vécu en URSS à l'âge de 15 ans, mais il était à cette époque sur le passeport de ses parents. Il n'a donc "jamais eu la nationalité russe". Pourtant, il y a deux mois, sa conseillère demande à le rencontrer : "Je me suis dit, pourquoi pas ? Et à la fin du coup de fil, elle m'a demandé d'apporter mon parcours et mes feuilles d'imposition. Je lui ai demandé pourquoi, et assez gênée, elle m'a avoué que c'était lié à la situation géopolitique." Deux semaines après cet entretien, un courrier l'informe de la clôture prochaine de ses comptes. Il assure par ailleurs qu'il n'a jamais eu aucun problème, ni découvert ni incident. Il n'y avait donc aucune raison apparente de lui fermer son compte bancaire.

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Evgueni Galperine a été contacté par des collectifs qui affirment qu'il est loin d'être un cas isolé. Aujourd'hui, quoi qu'il arrive, le compositeur explique ne pas vouloir rester dans cette banque, mais veut éviter que cet incident arrive à d'autres. "J'ai l'impression que les banques, de leur propre initiative, décident de punir les ressortissants russes qui habitent en France, souvent qui sont revenus en France justement parce qu'ils ne voulaient pas habiter dans une dictature", explique celui qui veut que "les banques soient punies pour ces actions". "Il faut que les banques comprennent qu'elle ne peuvent pas maltraiter les gens qui ont le droit d'habiter en France, ou qui sont tout simplement Français, à cause de leur lieu de naissance."

"Honnêtement, c'est un sentiment très humiliant", insiste le compositeur qui se dit extrêmement déçu "de voir que le pays qu'il pensait être le sien ne l'est pas vraiment et ne le sera certainement jamais". De son côte, la Banque postale affirme que cette clôture n'a aucun lien avec les origines d'Evgueni Galperine, mais ne donne pas plus de précisions, en invoquant le secret bancaire.

Le collectif va déposer plainte

Capture d'écran d'un mail reçu par une personne d'origine russe résidant en France.
Capture d'écran d'un mail reçu par une personne d'origine russe résidant en France.

Son témoignage met en lumière une situation qui se répète dans plusieurs banques françaises depuis le début de la guerre en Ukraine. "Il y a trois cas : ceux qui subissent une clôture de compte, ceux qui ont des refus de crédit par exemple qui avaient été autorisés avant la guerre, et ceux dont les agents vérifient tous les virements", détaille Anna Abramova, qui fait partie du collectif Stop aux discriminations bancaires, monté au mois d'avril. "Moi par exemple à la fin du mois de mars mon banquier a bloqué mes arrivées d'argent, dont mon salaire, et il contrôle désormais une par une mes rentrées d'argent", précise celle qui habite en France depuis 10 ans et a son titre de séjour, que sa banque lui a d'ailleurs demandé à nouveau. "Dans la plupart des cas, beaucoup de conseillers commencent à expliquer 'vous comprenez, c'est le contexte géopolitique'. Mais non, on ne comprend pas."

Malgré ses justificatifs et son travail, en France, depuis 10 ans, Anna Abramova assure qu'elle doit doit continuer "de justifier tous les virements, un par un, dès qu'il s'agit d'un nom de famille russe. C'est la honte". "Pour moi c'est incompréhensible qu'il se passe ça dans un pays démocratique." C'est pour cette raison que 70 personnes, par le biais du collectif, vont "prochainement" déposer une plainte commune contre X pour discrimination, précise Marie-Laure Cartier, l'une des deux avocates en charge du dossier. Une pétition lancée en mars avait rassemblé plus de 3.400 signatures pour dénoncer "la discrimination des clients par la Société générale et autres banques françaises". Au total, 1.500 personnes seraient concernées

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