La sécheresse est bien installée sur la France : alors que le risque d’incendie demeure maximal, 91 départements sur 96 font l’objet, mardi 26 juillet, de restrictions d’usage de l’eau, certains villages n’ayant même plus d’eau potable.
Seuls les Hauts-de-Seine, Paris et la Seine-Saint-Denis ne sont pas concernés par au moins un arrêté préfectoral limitant certains usages de l’eau.
La carte de Propluvia résumant les différents niveaux d’alerte a viré au rouge dans une bonne partie de l’ouest du bassin de la Loire, mais aussi dans la Drôme, l’intérieur du Var ou le Lot. Dans ces zones, seuls les prélèvements d’eau assurant l’exercice des usages prioritaires sont autorisés : santé, sécurité civile, approvisionnement en eau potable et salubrité. Les prélèvements à des fins agricoles sont proscrits.
« On a un record du nombre de départements avec restriction », a noté le ministère de la transition écologique. L’Etat a d’ailleurs mobilisé l’Office français de la biodiversité (OFB) pour assurer des opérations de contrôle et le respect des arrêtés sécheresse.
- Plusieurs communes du Doubs sans eau potable
Le débit de la Loire était en forte baisse, à 129 m3 par seconde le 20 juillet, contre 475 m3/s au début du mois, et la Loire-Atlantique est placée en « alerte eau potable » depuis le 20 juillet. L’association Eaux et rivières de Bretagne plaide, elle, pour des restrictions encore plus strictes en réclamant « un effort sérieux de modération des consommations ».
En Lorraine, le faible débit de la Moselle oblige depuis vendredi la centrale nucléaire de Cattenom à puiser l’eau destinée à refroidir ses installations dans un bassin de retenue voisin. En Franche-Comté, la situation est également catastrophique, au point que plusieurs communes du Doubs n’ont plus d’eau potable et doivent être alimentées par des camions-citernes, selon la préfecture.
La circulation sur les fleuves et canaux est également très perturbée : la navigation est interrompue sur une partie du canal de Bourgogne et dans la région de Nancy, tandis que beaucoup de péniches sur le Rhin ne sont chargées qu’au tiers de leur capacité pour ne pas racler le fond du fleuve.
Sur le canal du Midi, les passages des bateaux sont groupés aux écluses, afin d’économiser l’eau. Ces mesures, habituellement mises en place après le 14 juillet, sont en vigueur depuis le début du mois en raison de « conditions de sécheresse pas vues depuis dix ans », a fait savoir Voies navigables de France (VNF).
- Premier ou deuxième rang des mois de juillet les plus secs
« Le mois de juillet 2022 sera très probablement le mois de juillet le plus sec jamais enregistré depuis 1958 », a ainsi déclaré mardi une porte-parole de Météo-France. « En moyenne sur la France, il est tombé huit millimètres de précipitations du 1er au 25 juillet », soit « un déficit énorme de précipitations », a précisé pour sa part Christian Veil, climatologue à Météo-France.
« On devrait être au premier ou au deuxième rang des mois de juillet les plus secs depuis 1958, ça dépendra des derniers jours du mois avec une petite précipitation vendredi qui devrait donner de faibles cumuls », a-t-il précisé. Jusqu’à présent, le mois de juillet le plus sec jamais enregistré depuis le début des mesures de Météo-France est celui de 2020, avec 16 millimètres de pluie cumulés.
« Les précipitations estivales servent à maintenir l’humidité des sols superficiels, à maintenir la végétation », a précisé le climatologue. Avec le très fort manque de pluie, « on est dans des conditions extrêmes au niveau des sols superficiels, on le constate rien qu’en voyant l’état de la végétation en France », a affirmé Christian Veil, donnant comme exemple « des arbres qui souffrent tellement de la chaleur qu’ils perdent leurs feuilles ». « C’est une situation très difficile alors que nous ne sommes que fin juillet. »
- Le risque d’incendie toujours élevé dans le Sud
De son côté, le Vaucluse a interdit l’accès à l’ensemble de ses massifs forestiers pour la journée en raison du risque élevé d’incendie. Idem dans les Bouches-du-Rhône où la préfecture a prolongé jusqu’à mercredi la fermeture des 25 massifs forestiers du département, dont le très touristique parc national des Calanques.
Le Var ou la Haute-Corse ont également bouclé plusieurs massifs. Les préfectures appellent à adopter des comportements préventifs pour ne pas risquer de provoquer un incendie, mais aussi à donner l’alerte en cas de départ de feu. Lundi, les deux incendies qui ont brûlé pendant douze jours plus de 20 000 hectares de forêt en Gironde ont été « fixés », a annoncé la préfète de la Gironde, Fabienne Buccio.
En Bourgogne, l’alerte rouge sécheresse ne concerne que la zone de Beaune (Côte-d’Or), réputée pour ses vins, laissant entrevoir des vendanges encore très précoces. Le record de 2020 pourrait même être battu, lorsque la récolte avait démarré le 16 août, du jamais vu depuis 1556.
- Inquiétudes pour l’agriculture et la faune
L’agriculture souffre elle aussi dans des zones a priori épargnées par le manque d’eau. Dans le Pas-de-Calais, par exemple, Jean-Pierre Clipet, responsable local de la Fédération départementale des syndicats agricoles (FDSEA), s’inquiète de « rendements qui décrochent » alors que dans le Boulonnais, « des collègues [lui] disent que c’est pire qu’en 1976, ils ne savent pas comment ils vont nourrir leurs bêtes cet hiver ».
La faune elle aussi tire la langue, avec des points d’eau « qui se raréfient », forçant les animaux « à faire beaucoup plus de distance », ce qui augmente le « risque de collision sur une route » ou d’épuisement à la recherche d’eau, s’alarme Jean-Baptiste Decotte, de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Auvergne-Rhône-Alpes. « Toutes les espèces sont vraiment très touchées avec des larves qui ont séché sur place. »
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