Confronté à une peine d’incarcération très sévère, le délinquant sexuel Jody Matthew Burke, qui a forcé son ex-conjointe à avoir des relations sexuelles avec un couteau sur la gorge, réclame d’être considéré comme une femme afin d’obtenir une sentence plus clémente.

L’homme de 46 ans, ancien entraîneur physique et spécialiste des arts martiaux mixtes dans un gym montréalais, demande maintenant qu’on l’appelle Amber et qu’on réfère à « elle » devant le Tribunal, chose que la Couronne et la Défense ont respectée depuis mercredi, lors des représentations sur sentence au palais de justice de Montréal.

Burke, qui est incarcéré depuis 2017, a été reconnu coupable en mai 2021 de huit chefs d’accusation, dont agression sexuelle armée ayant causé des lésions et menaces de mort. Il avait entièrement caché à sa conjointe et victime, Brigitte Jobin, qu’il était inscrit au registre fédéral des délinquants sexuels, pour des crimes sexuels violents similaires commis en 2005 et 2014 en Colombie-Britannique et en Ontario.

Au terme d’un procès qui s’est étalé sur quatre ans, et durant lequel Burke a changé huit fois d’avocat, la Couronne réclame qu’il soit déclaré « délinquant dangereux ». Une telle étiquette lui vaudrait une incarcération d’une durée indéterminée d’un minimum de 7 ans, et un retour en prison à la moindre offense.

Or Burke, qui affirme s’être rendu compte de sa véritable identité sexuelle en 2019, 2020 ou 2021 – son témoignage n’est pas clair à cet effet – réclame plutôt d’être déclaré « délinquant à contrôler », ce qui lui vaudrait une peine plus clémente. Son avocate compte faire témoigner un expert qui viendra expliquer, lors d’une prochaine audience, que son passé violent est lié à sa « dysphorie de genre », une détresse liée à l’opposition entre son sexe assigné à la naissance et son identité de genre réelle.

« J’ai dû passer à travers mon propre processus pour identifier que je n’étais pas un homme », a-t-il expliqué, disant qu’il a déjà eu une aventure homosexuelle qui a ébranlé sa perception de son identité de genre, mais que ce n’est que récemment, il y a quelques semaines, qu’il a reconnu la vérité et qu’il a « eu les couilles de devenir une femme ». Il dit avoir collectionné des photos qui montrent les attributs physiques de la femme qu’il désire devenir, mais qu’il souhaite commencer son processus de changement de sexe dans un hôpital plutôt que dans une prison. « Ce serait préférable d’avoir les services et le support » d’un tel établissement, a-t-il plaidé devant le juge Jean-Jacques Gagné.

D’une carrure impressionnante, Burke a admis qu’il prend toujours de la testostérone en prison et affirmé qu’il tarde à prendre de l’hormonothérapie par « crainte des autres détenus » et des possibles attaques que lui vaudrait un changement de sexe en milieu carcéral.

Le psychiatre de l’Institut Pinel Alexandre Dumais, qui a rédigé une expertise au sujet de Burke, affirme qu’il est à « haut risque de récidive violente ». Burke lui a fait part, en 2021, de son souhait de devenir Amber, « une personne qu’il ne voulait pas décrire comme un homme ou une femme, préférant le terme « trans » », lit-on dans son rapport. « Dans son processus pour devenir Amber, il souhaite recevoir de la thérapie hormonale. [Celle-ci] pourrait aussi réduire le risque de récidive sexuelle, écrit le psychiâtre. Dans un tel cas, ceci est hautement recommandé »

Lors de son témoignage jeudi, Burke a aussi soutenu que cette transition de sexe n’est « qu’une petite partie » du cheminement qu’il a fait depuis qu’il a été reconnu coupable. Dans le boxe des accusés, il a admis avoir fait « beaucoup de dommages » à son ex-conjointe et lui a adressé des excuses, mais n’a jamais précisé quels torts il a commis.

Brigitte Jobin, qui a écrit un livre sur son expérience d’horreur avec Burke, ne croit pas un mot de ce qu’il affirme. « Je pense que c’est de la manipulation. Il fait ça pour s’éviter l’étiquette de délinquant dangereux, qui va le suivre toute sa vie », soutient-elle.

« Le juge n’a rien cru de son histoire tout au long du procès, alors il essaie une autre tactique en affirmant que toute sa violence est provoquée par sa dysphorie de genre », croit-elle.

Pendant le procès, Burke, qui a fini par se représenter seul, a provoqué de nombreux délais judiciaires, au point le Tribunal a écourté sa défense en rejetant plusieurs témoignages jugés impertinents. Dans un long jugement écrit de 59 pages, le juge Gagné a noté sa forte propension à se positionner « comme une victime de la police, des tribunaux » et de Mme Jobin et qu’il était constamment en train de « référer à sa propre personne ».

Avec Louis-Samuel Perron, La Presse