« Ramassis de désinformation », « outil politique »… Pékin fustige le rapport de l’ONU sur le Xinjiang

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme a publié un rapport choc dénonçant de possibles « crimes contre l’humanité » envers la minorité musulmane ouïgoure.

Dans son rapport, paru le 30 août, sur les violations des droits de l’homme dans la région chinoise du Xinjiang, où est persécutée la minorité ouïgoure, l’ONU parle de possibles « crimes contre l’humanité ».

Dans son rapport, paru le 30 août, sur les violations des droits de l’homme dans la région chinoise du Xinjiang, où est persécutée la minorité ouïgoure, l’ONU parle de possibles « crimes contre l’humanité ».  FABRICE COFFRINI / AFP

« Un outil politique » rédigé par des « sbires » des Occidentaux : la Chine a fermement dénoncé ce jeudi 1er septembre le rapport publié par l’ONU sur les violations des droits des Ouïgours musulmans dans la région chinoise du Xinjiang.

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Ce texte long de près de 50 pages « est complètement illégal et invalide », a fustigé lors d’une conférence de presse régulière Wang Wenbin, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

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« Ce rapport est un ramassis de désinformation et un outil politique au service de la stratégie des Etats-Unis et de l’Occident, qui vise à utiliser le Xinjiang pour entraver [le développement] de la Chine », a-t-il souligné.

De possibles « crimes contre l’humanité »

Malgré les pressions de Pékin, le Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme (HCDH) a publié mercredi soir un rapport très attendu sur la situation dans le Xinjiang. Mélange d’entretiens réalisés par ses services et d’informations de première ou seconde main, il évoque la possibilité de « crimes contre l’humanité » dans la région.

Le Xinjiang et le reste de la Chine ont longtemps été frappés par des attentats sanglants visant des civils. Ils ont été commis, selon les autorités, par des séparatistes et islamistes ouïgours – le principal groupe ethnique de la région.

> Regardez le résumé du rapport :

En réponse, les autorités ont lancé depuis quelques années une implacable campagne menée au nom de l’antiterrorisme, avec police militaire omniprésente, des contrôles d’identité et un vaste réseau de caméras de surveillance.

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Des études occidentales accusent Pékin d’avoir interné plus d’un million de Ouïgours et de membres d’autres groupes ethniques musulmans dans des « camps de rééducation », voire d’imposer du « travail forcé » ou des « stérilisations forcées ».

La Chine dénonce des rapports biaisés et parle de « centres de formation professionnelle » destinés à développer l’emploi et à éradiquer l’extrémisme. Elle dément toute « stérilisation forcée », disant uniquement appliquer la politique nationale de limitation des naissances.

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Le rapport de l’ONU ne corrobore pas le chiffre d’un million de personnes mais note « qu’une proportion significative » des Ouïgours et membres de minorités musulmanes du Xinjiang ont été internées. Il décrit un « schéma de détention arbitraire à grande échelle » dans la région, « au moins de 2017 à 2019 », dans des établissements placés sous haute sécurité.

« L’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire de membres des Ouïgours et d’autres groupes à prédominance musulmane […] peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité », indique le rapport.

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« Conspiration »

Sans surprise, Pékin a condamné les termes employés. « Le HCDH a créé de toutes pièces ce rapport, s’appuyant sur la conspiration politique de certaines forces antichinoises à l’étranger. Il s’agit d’une grave violation des responsabilités du HCDH, des principes d’universalité, de non-sélectivité, d’objectivité et de non-politisation », a fustigé Wang Wenbin.

« Cela prouve une fois de plus que le HCDH est devenu le sbire et le complice des Etats-Unis et de l’Occident pour punir […] des pays en développement. »

Sans les confirmer, le rapport onusien estime par ailleurs « crédibles » les accusations de torture, violences sexuelles voire viols dans les établissements d’internement au Xinjiang. « Il n’est pas possible de tirer des conclusions plus larges quant à savoir s’il y a eu des schémas plus larges de violences sexuelles » et liées au genre, note toutefois l’ONU.

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Le rapport ne fait cependant pas apparaître le mot « génocide ». Ce terme est utilisé par les Etats-Unis mais aussi l’Assemblée nationale française ou encore les représentations du Royaume-Uni, des Pays-Bas ou du Canada.

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De fortes pressions autour du rapport

La Chilienne Michelle Bachelet, dont c’était mercredi le dernier jour à la tête du haut-commissariat après un mandat de quatre ans, tient ainsi in extremis sa promesse en ayant publié le document peu avant minuit à Genève.

S’il ne comporte pas de révélations, ce rapport apporte le sceau de l’ONU aux accusations portées de longue date contre les autorités chinoises. Sa publication avait fait l’objet de pressions intenses.

Des organisations de défense des droits de l’homme et les Etats-Unis, lesquels ont désigné la Chine comme leur rival stratégique, voulaient le rendre public. A l’inverse, Pékin s’y opposait fermement et avait encore dénoncé mercredi, peu avant la publication du rapport, une « farce orchestrée par les Etats-Unis et quelques pays occidentaux ».

Les réactions au sein des organisations ouïgoures basées à l’étranger sont partagées. Certaines saluent le rapport mais d’autres auraient souhaité qu’il aille plus loin dans sa condamnation de Pékin.

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« Cela change la donne pour la cause ouïgoure au niveau international, s’est félicité Omer Kanat, directeur exécutif du Uyghur Human Rights Project. L’ONU vient de reconnaître officiellement que des crimes horribles sont commis. » Mais Salih Hudayar, un Ouïgour basé aux Etats-Unis où il milite pour l’indépendance du Xinjiang, a déclaré à l’AFP que le rapport « n’est malheureusement pas aussi fort que nous l’avions espéré ».

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