(New York) Le yen plongeait jeudi pour atteindre un plus bas depuis 24 ans face au dollar, qui profitait de son statut de valeur refuge dans un marché inquiet, bondissant également face à l’euro et la livre.

La devise japonaise, qui souffre par ailleurs de la politique ultra-accomodante de la Banque du Japon (BoJ), perdait 0,76 % à 140,02 yens vers 14 h 25 (HAE), après avoir reculé jusqu’à 140,22 yens, un plus bas depuis 1998.

La dégringolade du yen, qui a fondu de plus de 20 % depuis un an, est attribuée par les cambistes à la politique monétaire japonaise, qui reste très souple et « au différentiel des rendements (obligataires) américains », selon Joe Manimbo, de Convera Financial Services.

Contrairement aux États-Unis et à l’Europe, où l’inflation flambe et a même dépassé 10 % au Royaume-Uni, la hausse des prix au Japon a atteint 2,4 % sur un an en juillet, assez proche de l’objectif de 2 % des grandes Banques centrales, incitant la BoJ à l’attentisme.

Mais la fonte du yen pourrait pousser l’institution à agir : « auparavant, quand la Banque du Japon est intervenue pour acheter du yen, c’était autour de ces niveaux », a expliqué à l’AFP David Forrester, chargé des changes du Crédit Agricole à Hong Kong.

« L’inflation au Japon accélère et s’étend à d’autres secteurs que la nourriture et l’énergie », deux causes de hausse des prix liées à la guerre en Ukraine et sur lesquels les Banques centrales ont peu de pouvoir, note M. Forrester.

Cette hausse des prix plus généralisée devrait « pousser la BoJ à changer un peu de posture », estime-t-il.

L’attentisme de la Banque du Japon contraste avec la ligne ferme de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui a indiqué à de multiples reprises que ses hausses de taux allaient se poursuivre pour faire courber l’échine à l’inflation.

Euro et livre à la peine

Le dollar « a débuté le mois de septembre sur un nouveau départ et de nouveaux sommets », déclarait Joe Manimbo. « Le même cocktail de craintes concernant les relèvements des taux d’intérêt et la forte inflation a poussé à la hausse les rendements sur les bons du Trésor », ce qui tirait le billet vert, a souligné l’analyste.

Le Dollar index, qui mesure le billet vert face aux principales monnaies, grimpait de 0,80 % à 109 566 points, un nouveau plus haut depuis vingt ans.

« Les commentaires la semaine dernière du président de la Réserve fédérale Jerome Powell, qui a promis une action rapide pour contrôler l’inflation sans se soucier de l’effet sur l’économie américaine », profitent au dollar, ont commenté pour leur part les analystes de OFX.

Les marchés s’inquiétaient par ailleurs de voir l’économie chinoise faiblir, ce qui pousse les investisseurs vers le dollar, valeur refuge.

L’activité manufacturière chinoise s’est effondrée en août, selon un indice indépendant, et le pays continue à suivre une stricte stratégie zéro COVID-19 en dépit d’un nombre de contaminations très inférieur au reste du monde.

De nouveaux confinements « douchent les attentes sur la vigueur du rebond de l’économie au deuxième semestre », a jugé Lee Hardman, analyste chez MUFG.

Les autres grandes monnaies ne faisaient guère mieux : l’euro perdait 0,95 % à 0,9958 dollar, s’approchant de son plus bas depuis fin 2020 atteint en août à 0,9901 dollar.

La livre britannique, elle, est brièvement passée sous 1,15 dollar pour la première fois depuis mars 2020, et évolue dangereusement proche de 1,1412 dollar, un seuil en dessous duquel elle tomberait à son plus bas depuis 1985.