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Ségolène Royal reconnaît s’être «trompée» à propos du bombardement de la maternité de Marioupol

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Contactée par «CheckNews», l’ancienne élue socialiste revient sur ses propos tenus sur le bombardement de la maternité de Marioupol, qu’elle retire, et dont elle regrette l’instrumentalisation.
par Alexandre Horn
publié le 5 septembre 2022 à 14h41

«Je me suis trompée.» Contactée par CheckNews, Ségolène Royal reconnaît finalement une «erreur». Le 1er septembre, l’ex-candidate socialiste à la présidence de la République a suscité des réactions indignées, et parfois consternées, en mettant en doute la réalité de plusieurs exactions russes, notamment le bombardement de la maternité de Marioupol, dont elle avait suggéré qu’il n’avait fait aucune victime. «Tout le monde le sait qu’il y a une propagande de guerre par la peur, avait déclaré Royal. Ne serait-ce que le premier événement qui a été dit, la maternité bombardée. Quand monsieur Zelensky a fait le tour des parlements européens, c’est là que le processus de paix s’est interrompu. Il a utilisé ça, il a dit : “J’ai rencontré une femme enceinte qui m’a dit vengez moi.” Il a été incapable de donner le nom de cette femme, on n’a pas su le nom des victimes. Et vous pensez bien que s’il y avait eu la moindre victime, le moindre bébé avec du sang, à l’heure des téléphones portables, on les aurait eues.»

Des propos étonnants, sachant que le drame de la maternité a été documenté, ainsi que la mort d’une des victimes, par des journalistes, dont l’un, Evgeniy Maloletka (Associated Press) vient d’ailleurs d’être récompensé à Perpignan d’un Visa d’or pour son travail dans la ville assiégée.

«Trois phrases à l’improviste»

Auprès de CheckNews, la responsable socialiste souligne qu’elle «s’exprimait schématiquement», et reconnaît une erreur. «En m’exprimant schématiquement, j’ai pu laisser croire que je disais qu’il n’y avait pas du tout de victime. C’est une erreur, je le reconnais, et je m’en suis excusée auprès des victimes. Je n’ai qu’un seul objectif : qu’un processus de paix et de médiation s’engage.» Ségolène Royal met cette erreur sur le compte du contexte dans lequel ses propos ont été tenus : «On m’a interrogée sur ça suite à un tweet que j’ai fait il y a un mois. J’ai eu une demi-seconde pour réfléchir, c’était trois phrases à l’improviste, quelques minutes à la fin d’une émission qui ne portait pas sur ce sujet.»

Ségolène Royal défend malgré tout l’idée que la propagande de guerre ukrainienne a contribué à exagérer le bilan humain de la frappe sur Marioupol: «Ce qu’on a compris sur le moment, c’est que la maternité était en activité, mais ce n’était pas le cas. Il n’y a pas eu de preuve de massacre de dizaines de bébés.» A notre connaissance, aucun média occidental n’a rapporté le massacre de «dizaines de bébés». Au lendemain de la frappe, la plupart des médias faisaient état de trois morts dont un enfant. Auxquels s’ajoutera quelques jours plus tard une femme enceinte et l’enfant qu’elle portait.

Sur le fond, l’intéressée maintient le cœur de son propos, à savoir que l’instrumentalisation d’atrocités, et parfois leur invention pure et simple, peut être un obstacle au processus de paix : «Je pense que j’ai été marquée par les propagandes précédentes et par le fait que des atrocités comme celles-ci interdisent les processus», citant la guerre d’Irak ou du Koweït, la question des armes de destruction massives qui n’existaient pas ou la séquence, filmée, du témoignage sur les massacres de bébés Koweïtiens, qui n’a jamais existé.

Les théories niant le bilan humain relancées

La sortie de l’ancienne responsable socialiste, lors d’une interview par BFMTV dans la soirée du jeudi 1er septembre, avait fait très largement réagir. Une partie de la classe politique s’est insurgée des propos tenus, et une association de soutien à l’Ukraine, Stand With Ukraine, a même annoncé à CheckNews qu’elle allait porter plainte contre Ségolène Royal. La séquence a également eu pour effet de relancer les diverses théories remettant en cause le bilan humain du drame, ou même son existence. Un narratif que Moscou essaye de promouvoir et d’alimenter depuis les premières heures de la frappe, évoquant des fausses victimes ou une mise en scène à l’aide d’arguments pourtant contredits par les faits.

Face au tollé grandissant, Ségolène Royal avait d’abord réagi sur Twitter, rétorquant que sa «parole [a été] déformée», et qu’elle n’a «jamais nié les crimes de guerre et [s]’excuse volontiers auprès des victimes si elles l’ont pensé».

A noter que lors de l’échange avec CheckNews, Ségolène Royal a pris comme illustration de la propagande de guerre qu’elle dénonce un autre exemple médiatique, le théâtre de Marioupol : «Il y a eu une frappe sur la maternité, de même qu’il y a eu une frappe sur le théâtre, et en fait le théâtre était vide.» Un propos qui, là encore, semble pour le moins discutable, même si le bilan humain est très difficile à établir.

Associated Press, ainsi que les autorités ukrainiennes, avaient d’abord évoqué plusieurs centaines de morts. Amnesty International, de son côté, avait suggéré un bilan «probablement beaucoup plus faible» que ce qui avait été annoncé, grâce à des évacuations partielles antérieures à la frappe. Dans un rapport, l’ONG écrivait ne pouvoir confirmer avec certitude qu’une «douzaine» de morts, dont elle a pu déterminer l’identité, tout en supposant que nombre de décès ont échappé à ses radars. Amnesty International avait qualifié très clairement la frappe sur le théâtre de «crime de guerre» : «Après des mois d’enquête rigoureuse, d’analyses d’images satellites et d’entretiens avec des dizaines de témoins, nous avons conclu que cette frappe constituait clairement un crime de guerre commis par les forces russes.»

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