Vente aux enchères : un exceptionnel tableau de Foujita réapparaît pour la première fois sur le marché au bout de 100 ans

Vente aux enchères : un exceptionnel tableau de Foujita réapparaît pour la première fois sur le marché au bout de 100 ans
Léonard Tsuguharu Foujita, Nu Assis (Jacqueline Barsotti-Goddard) (détail), huile sur toile, 64,8 x 100,2 cm, réalisé à Paris en 1929. Estimation : 800 000-1 200 000£ ©Bonhams

L'un des plus grands Nus de Foujita va être vendu aux enchères chez Bonhams à Londres. Inspirée par la muse de l'artiste, Jacqueline Barsotti-Goddard, l'œuvre en mains privées depuis près de 100 ans est estimée à 800 000£-1 200 000£.

Après son retour de Taipei, Hong Kong et Paris, le tableau de Léonard Tsuguharu Foujita (1886-1968) va être vendu aux enchères chez Bonhams à New Bond Street à Londres. Estimée à 800 000£-1 200 000£ (soit entre 930 000 et 1,4M d’euros) et inédite sur le marché, la toile Nu assis constitue le lot phare de la vente de Tableaux Impressionnistes et Modernes du 12 octobre. L’événement est d’autant plus attendu par Bonhams, qu’en 2018, la maison de vente avait déjà battu un record pour l’artiste avec Fête d’Anniversaire, vendu plus de 7 millions de livres.

Un célèbre modèle

Nu assis, l’une des plus grandes toiles de la série des Nus de Foujita, est inédite sur le marché. Jacqueline Barsotti-Goddard, la muse des muses de Montparnasse, y est représentée nue, assise sur un lit, pieds croisés, visage accoudé, seins rosés et draps froissés. Représenté perdu dans ses pensées, le célèbre modèle de l’un des plus grands artistes parisiens des années 1920, fut celui de prédilection du peintre japonais.

Léonard Tsuguharu Foujita, Nu Assis (Jacqueline Barsotti-Goddard) (détail), 1929, huile sur toile, 64,8 x 100,2 cm ©Bonhams

Léonard Tsuguharu Foujita, Nu Assis (Jacqueline Barsotti-Goddard) (détail), 1929, huile sur toile, 64,8 x 100,2 cm ©Bonhams

Une blancheur de lait

La rareté de cette œuvre relève d’abord de sa provenance exceptionnelle : acquise lors de son exposition en 1929 à la galerie Weil (une galerie parisienne du VIIIe arrondissement, à l’époque), elle est restée dans la même famille jusqu’aujourd’hui. Cette toile est également singulière par son format, de 64.8 x 100.2cm. « Pour un Foujita, c’est monumental », explique Emilie Millon, spécialiste du XXe pour la maison de vente Bonhams. De plus, sa technique de l’estompage est emblématique. La maîtrise du tracé à main levée pour les contours du corps n’intervient d’après une longue préparation des toiles blanches, presque nacrées. Couche après couche de peinture blanche, l’artiste estompe, puis ponce. Cette technique toute particulière est possible car il s’agit d’une huile sur toile, et non sur soie, comme le rappelle Hannah Noel-Smith, Directrice des Tableaux Modernes et Impressionnistes de Bonhams. C’est « ce qui a permis à Foujita d’employer sa technique personnelle du nyuhakushoku (blancheur de lait), qui consiste à superposer délicatement un fond blanc luminescent (dont il n’a jamais révélé le secret) pour capturer la peau blanche de son modèle. La matière, lisse et satinée, offre une transparence rare. » explique-t-elle encore.

Décence et pudeur

La seconde singularité notable de cette toile relève de son sujet : une Jacqueline assise de trois quarts, les jambes croisées sur un lit froissé. L’élégance du corps tient de toute la pudeur et de l’infinie tendresse dans le regard du peintre sur sa muse. Laquelle songe à ses pensées perdues au loin, dans un regard profond et méditatif. Suspendue entre repos et action, la pose de la jolie rêveuse éveillée échappe au temps. La noble décence de l’absolue nudité de Jacqueline repose sur la justesse de ses proportions. La représentation de la jeune fille de 17 ans, sans distorsion, tout à fait équilibrée, prouve aussi que Foujita s’est résolument émancipé de Modigliani à cette époque.

Nu assis de Foujita sera exposé à Taipei, Hong Kong et Paris, avant de revenir à Londres avant la vente ©Bonhams

Nu assis de Foujita sera exposé à Taipei, Hong Kong et Paris, avant de revenir à Londres avant la vente ©Bonhams

La muse incarnée

Grande et belle amie et modèle de Man Ray, elle fut surtout la muse sublime d’un Foujita rencontré probablement au café du Dôme à Paris. « Il est le premier à la représenter, et c’est lui qui l’introduit ensuite auprès des artistes de l’époque » souligne Emilie Millon. La relation entre le peintre et son modèle repose sur une admiration sincère et réciproque, qui jamais n’a varié de registre : elle dit dans ses mémoires n’avoir pas succombé à la tentation des artistes. À incarner presque le concept de muse, la (mont) parnassienne dépeint sa grande affection pour le plus occidental des peintres japonais : « Je suis devenue son modèle préféré… Sortir avec [Foujita] était une expérience. Il était comme une vitrine de bijouterie. De grandes boucles d’oreilles, une énorme montre pour cacher un tatouage, des bagues à profusion ; son amour de l’or était manifeste. Il voulait à tout prix se faire remarquer »

L’icône du Tout-Paris

Née en 1912 d’une mère française et d’un père italien, la jeune Jacqueline passe une enfance parisienne, à se sentir rejetée par ses parents. « J’ai remplacé ma famille plutôt désastreuse par les personnalités les plus brillantes du siècle » confie-t-elle bien plus tard dans ses mémoires. Revenue d’un séjour en Italie, elle retrouve Paris à 17 ans, fréquente La Coupole, et rencontre Kiki de Montparnasse, Gicometti, Picasso, Matisse, et Georges Simenon qui en fera une inspiration pour un personnage de roman. Somerset Maugham lui disait qu’elle était « la plus belle femme qu’il ait jamais connue ». Après avoir quitté Paris, elle habite l’île de Wight jusqu’à sa mort en 2003, où elle écrit ses mémoires souvent sans détour.

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