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A Hongkong, la répression s’accentue : cinq auteurs de livres pour enfants condamnés pour « sédition »

Les autorités, sous l’influence de Pékin, mènent désormais une vaste campagne de coercition de la dissidence. Le président de l’Association des journalistes de Hongkong a par ailleurs été arrêté.

Le Monde avec AFP

Publié le 07 septembre 2022 à 16h18, modifié le 07 septembre 2022 à 17h18

Temps de Lecture 3 min.

Panorama de Hongkong, le 16 juillet 2020.

A Hongkong, la répression continue de s’abattre sur les représentants du camp prodémocrate et de la liberté d’expression. Le président du syndicat des journalistes a été arrêté, mercredi 7 septembre, et cinq auteurs de livres expliquant le mouvement démocratique aux enfants ont été condamnés pour « sédition ».

Ronson Chan, président de l’Association des journalistes de Hongkong, a été interpellé pour entrave aux forces de l’ordre et trouble à l’ordre public, a appris l’Agence France-Presse de source policière, confirmant des informations publiées par les médias locaux. La police a confirmé qu’un homme de 41 ans nommé Chan avait été arrêté après avoir refusé de montrer sa carte d’identité aux agents et s’être comporté de manière « non coopérative » malgré de multiples avertissements.

Channel C, l’agence de presse en ligne pour laquelle M. Chan travaille, a affirmé que le journaliste a été emmené par des policiers alors qu’il faisait un reportage sur une réunion de propriétaires de logements sociaux. M. Chan doit en principe quitter Hongkong à la fin de septembre après avoir obtenu une bourse pour participer à un programme de six mois de l’Institut Reuters à l’université d’Oxford.

Comme beaucoup de groupes de la société civile et de syndicats prodémocrates aujourd’hui fermés, Ronson Chan et l’Association des journalistes de Hongkong ont fait l’objet de nombreuses critiques de la part des médias qui dépendent du bureau de liaison de Pékin dans la ville. Souvent, des interventions policières font suite à de telles récriminations.

Vaste campagne de répression de la dissidence

Après cent cinquante-six années de colonisation britannique (1841-1997), suivies de vingt-cinq autres sous souveraineté chinoise, Hongkong a perdu – ce, en moins de trois ans –, la plupart des caractéristiques de son identité. Malgré un processus de démocratisation inabouti, Hongkong était encore récemment la seule partie du territoire chinois jouissant d’un Etat de droit solide, fondé sur une justice indépendante rendue par des juges locaux et étrangers, d’une opposition politique, d’une grande liberté de culte, d’une presse libre, d’un accès non régulé à Internet, d’universités de réputation internationale et de frontières ouvertes.

Ces attributs sont censés perdurer jusqu’en 2047 au moins. Lors du processus de rétrocession de Hongkong à la Chine par le Royaume-Uni, qui prit fin en 1997, Pékin s’était en effet engagé à appliquer le principe « un pays, deux systèmes » pendant cinquante ans. Pourtant, alors que la région est entrée, le 1er juillet 2022, dans la deuxième moitié de cette période, force est de constater que Hongkong est métamorphosé. Les autorités y mènent désormais une vaste campagne de répression de la dissidence, après les immenses, et parfois violentes, manifestations prodémocratie de 2019.

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Chute dans le classement de liberté de la presse

Victimes de cette coercition, le journal Apple Daily et la plate-forme d’information en ligne StandNews – pour laquelle a travaillé M. Chan – ont tous deux fermé l’an dernier après que plusieurs de leurs cadres ont été accusés de violer la loi sur la sécurité nationale. En 2021, Hongkong a chuté de soixante-huit places dans le classement de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF), publié en mai 2022, pour atteindre la 148ᵉ place mondiale. Lorsque RSF a publié son premier rapport, en 2002, Hongkong figurait au 18ᵉ rang.

Le Club de la presse étrangère de Hongkong a même renoncé cette année à décerner son prestigieux Prix de la presse sur les droits de l’homme en Asie, invoquant la loi sur la sécurité ; sa décision a suscité la controverse parmi de nombreux journalistes membres. Par ailleurs, la radio publique de la ville, RTHK, ressemble de plus en plus aux médias d’Etat chinois après avoir été remaniée sur ordre du gouvernement.

« L’intention séditieuse ne vient pas seulement des mots »

Dans ce contexte de répression accrue, mercredi 7 septembre un tribunal de Hongkong a reconnu coupables de sédition cinq personnes qui avaient produit quatre livres électroniques illustrés destinés à expliquer aux enfants le mouvement démocratique de Hongkong. Dans le livre Les défenseurs du village des moutons, un groupe de loups tente d’occuper un village de moutons, qui se défendent. Dans un autre, les loups sont dépeints comme étant sales et apportant des maladies dans le village des moutons.

Tous membres d’un syndicat, les cinq Hongkongais ont été reconnus coupables de « conspiration en vue d’imprimer, de publier, de vendre, d’offrir à la vente, de distribuer, d’exposer ou de reproduire une publication séditieuse ». Lai Man-ling, Melody Yeung, Sidney Ng, Samuel Chan et Fong Tsz-ho, tous membres fondateurs du syndicat des orthophonistes à l’origine de ces livres, ont été maintenus en prison pendant plus d’un an avant leur verdict.

A l’issue d’un procès de deux mois, Kwok Wai-kin, juge du tribunal de district désigné par le gouvernement pour juger les affaires de sécurité nationale, a écrit dans son jugement : « L’intention séditieuse ne vient pas simplement des mots, mais des mots avec des effets proscrits destinés à se répercuter sur l’esprit des enfants. »

Au cours du procès, les procureurs ont fait valoir que les livres contenaient un « sentiment antichinois » et visaient à « inciter les lecteurs à la haine contre les autorités du continent ». Ils ont également déclaré que les livres étaient destinés à encourager les Hongkongais à discriminer les « Chinois du continent vivant à Hongkong ». La condamnation s’appuie enfin sur un délit de sédition datant de l’époque où la ville était sous domination britannique.

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La défense a fait valoir que l’infraction de sédition était définie de manière vague et que chaque lecteur devrait pouvoir se faire sa propre opinion sur ce que représentaient les personnages des livres. Elle a également prévenu qu’un tel verdict criminaliserait davantage la critique politique et aurait un effet dissuasif sur la société.

Le Monde avec AFP

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