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Climat

Le réchauffement climatique augmente le risque de suicide

Plus les températures augmentent, plus la santé mentale est affectée, plus les risques de suicide sont importants.

Des chercheurs ont établi un lien entre hausse des températures et hausse du risque de suicide. Une perspective inquiétante alors que la situation climatique va continuer à se dégrader.

Plus de 700 000 personnes se suicident chaque année dans le monde, dont 9 000 en France, selon les dernières estimations de l’Organisation mondiale de la santé [1]. Ce nombre va-t-il augmenter avec le chaos climatique ? C’est ce que laisse penser une étude publiée dans la revue Environnement international en août 2021. Elle établit un lien de causalité entre l’augmentation de la température et l’augmentation « de la mortalité et de la morbidité liée à la santé mentale » [2]. Pour chaque augmentation de température de 1 °C, les risques de mortalité et de morbidité liées à la santé mentale augmentent de respectivement 2,2 % et 1 % [3].

Selon Xavier Briffault, chercheur en sciences sociales et en épistémologie de la santé mentale, « le problème climatique est devenu extrêmement prégnant dans les questions de santé mentale ». D’après lui, le phénomène pourrait être similaire à ce qu’il se passe depuis le début de la pandémie de Covid-19 : une récente étude de l’Observatoire national du suicide (ONS) montre effectivement que le nombre de décès par suicide a diminué pendant les confinements, mais que les conduites et pensées suicidaires ont augmenté chez les jeunes, notamment les étudiants et les femmes. Selon l’étude de l’ONS, 11,4 % des étudiants auraient eu des pensées suicidaires pendant les confinements, contre 8 % dans une enquête antérieure à la pandémie.

© Scandola Graziani / Reporterre

Plusieurs cas de suicides en lien avec la crise climatique ont déjà été médiatisés, comme celui de l’avocat new-yorkais David Buckel en 2018. Avant de s’immoler, ce sexagénaire avait déclaré dans une lettre : « La plupart des humains sur la planète respirent maintenant un air rendu insalubre par les carburants fossiles et beaucoup, en conséquence, mourront prématurément — ma mort prématurée reflète ce que nous sommes en train de nous faire à nous-mêmes. »

Pour Xavier Briffaut, ce déclin de la santé mentale est en partie lié à l’anxiété face au virus, mais aussi aux conséquences des réactions politiques qui ont suivi, comme le confinement, la distanciation sociale, la confusion dans l’information… Le chercheur estime que les mêmes mécanismes sont à l’œuvre pour évaluer le poids de la crise climatique sur la santé mentale : « D’abord il y a un impact sanitaire : avoir trop chaud, ce n’est pas bon du tout pour la santé mentale, la lumière a un impact sur l’humeur par exemple, la pollution joue aussi sur la santé de façon générale… Ensuite, il y a un impact anxieux qui provient de l’anticipation du devenir face à la crise climatique, mais là, c’est d’une certaine façon plus grave que pour le Covid, parce qu’on sait que ça ne va pas s’arrêter. »

© Scandola Graziani / Reporterre

« Chez certaines personnes, poursuit Xavier Briffaut, ça peut engendrer des conséquences très graves comme des troubles paniques, un repli sur soi, un autoconfinement… Et puis enfin, il y a les réactions sociétales, dont politiques, et là, il risque de se passer la même chose qu’avec le Covid-19, c’est-à-dire une radicalisation des modes de pensées avec des raisonnements binaires et manichéens, autour du vocabulaire de la guerre. » L’effet de la crise climatique sur la santé mentale pourrait donc suivre le même schéma que pendant la pandémie.

Ces derniers propos font écho à une étude publiée mercredi 7 septembre dans The Lancet planetary health, selon laquelle les températures extrêmes augmentent les discours de haine sur les réseaux sociaux. Ces messages de haine en ligne s’amplifient lorsque la température excède 21 °C, pour aller jusqu’à 22 % de plus lorsque la température dépasse 42 °C. Une agressivité qui se répercute ensuite sur la santé mentale des populations, notamment des plus jeunes et des groupes marginalisés.

Léna, adolescente, souffre d’écoanxiété. © Alain Pitton / Reporterre

« Pour le moment, on n’en est pas au stade pathologique qui généreraient des pensées suicidaires », nuance Nathalie Pawels, chargée du développement national du programme Papageno pour la prévention du suicide. En revanche, elle ne nie pas que l’écoanxiété, c’est-à-dire le fait de ressentir de l’anxiété face à la crise climatique, fait de plus en plus partie des motifs de consultations en santé mentale.

Selon une étude approuvée en décembre 2021 par la revue The Lancet Planetary Health, 45 % des jeunes interrogés dans dix pays différents affirment que l’écoanxiété affecte leur vie quotidienne et 60 % d’entre eux se sont déclarés « très » ou « extrêmement » inquiets du changement climatique. Une inquiétude inévitablement accentuée par la sécheresse et les incendies de cet été caniculaire.


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