Jean-François Lyotard : L’Europe, les Juifs et le livre

Dans la nuit du 8 au 9 mai 1990, un groupe de néo-nazis s’introduit dans le cimetière juif de Carpentras et profane une trentaine de sépultures. Un corps est exhumé et exposé, nu, dans un simulacre d’empalement. Quelques jours plus tard, le philosophe Jean-François Lyotard revient, dans une tribune publiée par le journal Libération, sur la persistance de l’antisémitisme en Europe, un demi-siècle après la Shoah. Surtout, il interroge le rapport des Français aux Juifs qui s’exprimait dans les grandes manifestations qui suivirent la découverte de la profanation. Depuis trente ans, ce texte — qui témoigne de l’intérêt grandissant de Jean-François Lyotard à la fin de sa vie pour élaborer philosophiquement une interprétation de la « question juive » dans une Europe post-Shoah[1] — demeure une référence, connue et partagée d’un petit nombre de spécialistes. K. le republie aujourd’hui en le faisant précéder d’un commentaire inédit de l’historien du judaïsme Jacques Ehrenfreund.

 

Jean-François Lyotard, Collection familiale personnelle

 

Présentation

D’où provient la haine des Juifs ? Faut-il la distinguer du racisme et de la xénophobie ? A la première question il est rarement donné une réponse ; la seconde en revanche fait aujourd’hui l’objet d’un quasi-consensus, il ne le faut pas. Spécifier l’antisémitisme relèverait d’une hiérarchisation des haines qui établirait des distinctions parmi les victimes, bref, cela ressortirait déjà d’une forme de différencialisme.

En 1990 se produisit en France un crime antisémite qui connut la dernière manifestation d’unanimité dans sa dénonciation. Dans le cimetière juif de Carpentras on déterra le cercueil d’un homme récemment décédé et on fit mine d’empaler son cadavre sur un pieu ; la monstruosité de l’acte déclencha immédiatement une réaction massive et sans faille. Des centaines de milliers de personnes descendirent dans les rues derrière le président de la République lui-même, pour dénoncer ce qui apparaissait comme une rémanence de l’ancienne barbarie anti-juive. Ces cortèges comptèrent parmi les plus importants qu’avait connu la France depuis mai 1968, ils ne seront dépassés que par ceux qui suivirent l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo et l’attaque de l’hypercacher de la porte de Vincennes en janvier 2015.

C’est à la suite de cet événement que Jean-François Lyotard publia dans Libération un texte dense, ramassé et incisif qui proposait une analyse de la racine de la haine antisémite, qu’il distinguait soigneusement du racisme. Si la haine des Juifs est singulière à ses yeux, c’est parce que sa source est métaphysique et qu’elle se loge au fondement même de l’Europe. Le différend entre les Juifs et l’Europe porte sur le rapport à la transcendance et, partant de là, sur la nature du monde dans lequel nous vivons. Il fait surgir un désir – d’autant plus puissant qu’il est en partie inconscient – de voir les Juifs disparaître, peu importe comment. Une gradation relierait ainsi les formes douces de disparition (conversion, acculturation, assimilation) et les formes violentes (expulsion, exclusion, massacre, extermination). Si l’affect anti Juif avait défini l’Europe dans le passé, la profanation de Carpentras établissait que même après la Shoah, qui en avait constitué le paroxysme, le désir était toujours actif, d’où l’urgence de l’analyser. Xénophobie et racisme se caractérisent par un sentiment de supériorité à l’égard de ceux que l’on subordonne, la haine des Juifs est quant à elle, aussi l’expression d’une crainte d’être dominé, corrélée à un sentiment d’infériorité. Lyotard présente une hypothèse qui est une fulgurance et en tant que telle elle est discutable. Elle interpelle néanmoins parce qu’elle tente de saisir un phénomène infiniment grave ; il convient de la considérer à l’aune de cette gravité.

« Les Juifs représentent quelque chose dont l’Europe ne veut rien savoir » voici ce qu’affirme Lyotard dans son texte, qui est une phénoménologie de l’antisémitisme. Quelle peut être cette chose, importante au point de susciter le désir de les faire disparaitre et de profaner leurs morts ? En première approximation on peut dire qu’elle est de nature théologique et non biologique, d’où la distinction d’avec le racisme. Si l’antisémitisme transcende les époques, le Moyen Age chrétien, la modernité républicaine et qu’on le retrouve encore dans la post-modernité égalitariste et inclusiviste, c’est parce que dès qu’il s’énonça, les Juifs rejetèrent le postulat chrétien d’un rachat de l’humanité par le sacrifice du Christ. Ce qui constitue d’après Lyotard, le cœur du différend entre Juifs et Européens, porte sur l’incarnation et sur la christologie ; le sacrifice et la résurrection du Christ ont-ils coupés l’histoire en deux et mis un terme au péché originel, comme l’affirment Paul, puis les Pères de l’Église ? Ont-ils fait advenir un monde dans lequel les hommes sont libres de se donner à eux-mêmes leur propre loi ? L’Europe le pense depuis toujours nous dit Lyotard, du moins depuis qu’elle est devenue chrétienne. Les Juifs le contestent depuis le texte biblique, qui annonce une promesse, mais qui ne s’est pas encore réalisée. Par cette contestation, les Juifs se mettent en travers du mythe fondateur de l’Europe, celui du sacrifice par Dieu de son fils, dans le but de faire advenir une humanité dans laquelle ne règnerait plus la discorde. Si aux yeux des Européens la Loi juive a été déclarée caduque, c’est parce que le monde nouveau est fraternel, parce qu’il a été rédimé, racheté par le plus important des sacrifices. Telle est la vision de l’Universel que le christianisme a fait advenir.

Ce différend est abyssal, et il l’est d’autant plus qu’il est en grande partie tu. Nous autres modernes, nous nous pensons émancipés des vieilles lunes théologiques, qui ne garderaient de validité que pour quelques bigots plus ou moins fondamentalistes. La force de ce texte est de rappeler ce fondement, dont les conséquences sont essentielles. Ce qui sépare les Juifs des Européens ce n’est pas uniquement un ensemble de préjugés que le réel pourrait déconstruire. Ce qui les sépare c’est un rapport fondamental à l’idée de limite et de dépassement. Les Européens, reprenant le postulat paulinien du caractère caduc de la Loi, plaident et agissent comme si rien d’autre ne devait limiter l’humain que les règles qu’il se donne à lui-même. L’humanité est une et aucune séparation ne doit venir entraver cette belle unité. L’illimitation et le dépassement sont l’horizon de l’Europe. « Il n’y a plus ni Juif ni Grec ; il n’y a plus ni esclave ni homme libre ; il n’y a plus ni homme ni femme, parce que vous êtes tous un en Jésus Christ » proclame Paul dans l’Épitre aux Galates (III, 28), faisant advenir ce que Jean-Claude Milner a appelé un « universalisme facile » (Le Juif de savoir, 2006). Quiconque conteste ce dogme est considéré comme une menace, voire comme un ennemi de l’humanité. Or les Juifs l’ont contesté dès son énonciation et ils n’ont pas cessé de le faire depuis. Ils sont les seuls à le contester avec cette constance. Telle est la racine du phénomène, encore pleinement agissant dans la société moderne, alors qu’on pourrait le penser affaibli par les différentes formes de sécularisation.

Si ce différend est si considérable, c’est que l’épreuve de vérité pour l’universalisme que prône l’Europe, dépend de la disparition des Juifs. Paul annonce que depuis le Christ il n’y a plus ni Juif ni Grec, en bonne logique on peut en conclure que si les Juifs sont encore là c’est que tous ne sont pas un en Christ et donc peut-être, que le Christ n’a pas accompli ce que disent les Évangiles. Si l’antisémitisme a la vie si longue, c’est que la réalisation de la promesse universelle faite par le christianisme, suppose la disparition des Juifs. Si les Juifs sont encore là, alors de deux choses l’une : soit la promesse s’est réalisée et dans ce cas leur existence est une anomalie, une erreur voire une faute. Soit leur existence est la preuve que la promesse ne s’est pas accomplie, peut-être même empêche-t-elle son accomplissement. Dans les deux cas l’existence juive se pose comme un problème ou une entrave majeure.

Les Juifs sont ceux pour qui l’universel chrétien est la marque d’une illusion plutôt que d’une vérité. Sont-ils pour autant rétifs à l’universel ? En aucun cas. Leurs textes avaient été les premiers à émettre l’affirmation d’une généalogie unique à l’humanité, créée par un Dieu qui l’a faite à son image. La querelle porte donc sur le sens de l’Universel. La proposition de Paul, puis de l’Église est celle d’un universel qui abolit les différences, qui s’impose à tous, sans exception. Si les limites ont été abolies, si l’universel a été établi, c’est parce que Jésus est le Christ, qui a fait le sacrifice de sa vie pour racheter les hommes. Pour les Juifs en revanche, le monde rédimé est une promesse, et l’on ne cesse d’attendre et de s’interroger sur son sens et sur le moment de sa réalisation. Tenir à l’universel suppose d’accepter patiemment l’attente, la vie dans un monde imparfait dans lequel existent des différences indépassables et de ne pas cesser l’étude, qui seule aide à vivre avec le questionnement. L’universalisme chrétien repose sur une certitude, que quelque chose s’est produit, qui a changé la nature du monde dans lequel nous sommes plongés. L’universalisme chrétien se fonde sur cette affirmation, qui aux yeux des Juifs n’est qu’une illusion. Pour Lyotard le différend tient à cela. Les tenants de la certitude acceptent difficilement de la voir contestée. La contestation et l’attente mettent en évidence que pour les contestataires, la réalisation – sur laquelle repose l’édifice appelé universalisme chrétien – n’est rien d’autre qu’une illusion. Jacques Ehrenfreund


Jean-François Lyotard, 1988, Collection familiale personnelle

 

L’Europe, les Juifs et le livre[2]

 

En s’unissant, l’Europe unifie aussi ses haines. Parmi elles, il est indispensable de ne pas confondre le racisme ou la xénophobie avec l’antisémitisme. Ce sont deux sortes de haines différentes. Toutes deux peuvent aller jusqu’au meurtre froid, au lynchage, à l’incendie, au saccage des demeures, à la destruction des édifices communautaires. En distinguant l’antisémitisme, il ne s’agit pas de négliger, de faire oublier (« avaler ») l’assassinat presque régulier d’enfants, d’adolescents ou d’adultes maghrébins en France.

La profanation des tombes et l’exposition sur un pal d’une dépouille arrachée à son cercueil au cimetière juif de Carpentras disent quelque chose de spécifique: c’est qu’après la Shoah, les juifs n’ont pas droit à leurs morts et à la mémoire de leur morts. La profanation des cimetières juifs est de longue tradition en Europe. La « solution finale » martyrise et tue des millions de juifs, sans raison politique, mais aussi elle les fait disparaître et elle essaie d’effacer les traces de cet anéantissement.

Je dis que les juifs représentent quelque chose dont l’Europe ne veut ou ne peut rien savoir. Même morts, elle abolit leur mémoire et leur refuse l’inhumation dans sa terre. Tout cela se passe dans son inconscient et n’a pas droit à la parole. Quand la chose s’exécute au grand jour, l’Europe est saisie un instant par l’horreur et la terreur de voir son désir.

Avec les étrangers immigrés, surtout s’ils sont eux-mêmes européens, les nationaux de l’Europe se conduisent comme des parents riches avec des parents pauvres. La violence des passions, l’aveuglement, la multiplicité des actes criminels sont ceux des histoires de famille. Toute tragédie est une histoire de famille.

Mais les juifs ne sont pas de la famille alors qu’ils sont « installés », comme on dit, à Carpentras depuis plus d’un millénaire, à Prague, à Budapest, en Rhénanie depuis des siècles. Les juifs ne sont pas une nation. Ils ne parlent pas une langue, la leur. Ils n’ont pas de racine dans une nature, comme les nations européennes. Ils se réclament d’un livre.

A-t-on quelque chose contre les livres, contre leur livre, contre les lecteurs de ce livre, au point de violer leur sépulture pour tuer leurs morts ? En principe, rien du tout. L’Europe est éclairée, on y respecte les lettrés, les savants. En fait, oui. Rien n’est lent, difficile, peu rentable comme d’apprendre à lire, ça n’en finit pas. Dans une société avide de performances, de rentabilité, de vitesse, c’est un exercice dévalorisé, et avec lui l’institution qui y prépare. Crise générale de l’enseignement, mépris pour les professeurs, anti-intellectualisme ambiant, jusque dans les « métiers de culture » médiatiques. Mais que les juifs soient des « hommes du Livre », cela n’explique quand même pas qu’on profane leur cimetière.

Ce qui commence à l’expliquer, c’est ce que dit leur livre. Car c’est cela dont l’Europe, chrétienne d’abord, républicaine ensuite, aujourd’hui riche et permissive, ne veut ou ne peut rien savoir. Ce livre, qui est à la base de toute sa culture, en est resté exclu à l’intérieur.

C’est une vieille histoire. Elle commence avec les Épîtres que l’apôtre Paul adresse aux Romains et aux Hébreux. Qu’on me pardonne de faire court, donc de trahir. Le livre des juifs dit : Dieu est une voix, on n’accède jamais à sa présence visible. Le voile qui sépare les deux parties du temple, en isolant le Saint des Saints, ne peut pas être franchi (sauf une fois l’an par le sacrificateur, désigné par Dieu). Tout ce qui se fait voir comme divin est une imposture : idole, chef charismatique, guide suprême, faux prophète, Fils de Dieu. La loi de justice et de paix ne s’incarne pas. Elle ne nous montre pas d’exemple à suivre. Elle vous a donné un livre à lire, plein d’histoire à interpréter. N’essayez pas de vous arranger avec elle. Vous lui appartenez, elle ne vous appartient pas.

Or, Paul dit : pas du tout, le voile du temple s’est déchiré au moment où Jésus meurt en croix, « une fois pour toutes ». Son sacrifice a racheté vos péchés, « une fois pour toutes », répète l’apôtre. La loi vous a fait grâce, Dieu vous a donné son fils et la mort de son fils en exemple visible. Par lui la voix s’est montrée. Elle a dit clairement : aimez-vous comme des frères.

C’était une révolution. C’est le début de la modernité. Le christianisme s’établit et se répand en supplantant sans peine (ou presque) le paganisme antique moribond. Mais que faire du judaïsme, de ceux qui n’arrivent pas à croire dans le mythe christique, eux qui ont pourtant apporté le premier livre, l’ancienne loi ? Les pères, en Europe, de la religion écrite ? Et d’une religion qui révèle que le voile ne se lève pas ?

Toute l’histoire sociale, politique, religieuse, spéculative de l’Europe chrétienne témoigne d’une entreprise permanente, utilisant des moyens divers (question, conversion, expulsion, censure) pour neutraliser le message juif et bannir la communauté des incrédules. Il faut attendre le XXe siècle pour que l’Église révise sa position à ce sujet. Ce n’est pas dire que les villages, les bourgs de l’Europe suivront le mouvement…

Je n’accuse personne. Il y va d’un différend sur le rapport au symbolique, c’est-à-dire à la loi et à la mort. Les chrétiens nous annoncent que enfin, nous sommes tous des frères réconciliés. Les juifs nous rappellent que nous sommes toujours des fils, bénis mais insoumis. Le message de rémission est plus agréable à entendre, plus facile à « exploiter » et à propager que la mémoire de l’indignité.

Mais aujourd’hui, après la Shoah ? Ce n’est donc pas fini ? Cela ne finira jamais. Les Églises chrétiennes avaient introduit le motif de la fraternité. La Révolution française l’étend, en le renversant. Ce n’est pas comme fils de Dieu que nous sommes frères mais comme citoyens libres et égaux. Ce n’est pas un Autre qui nous donne la loi. C’est notre communauté civique qui la fait, qui oblige, interdit, permet. Cela s’appelle émancipation, par rapport à l’Autre, et autonomie. Notre loi ouvre la citoyenneté à tout individu, sous réserve du respect des principes républicains. Les juifs y sont admis comme quiconque. Cela s’appelle assimilation.

Mais comment celui qui confesse l’hétéronomie pourrait-il se transformer en celui qui exerce son autonomie ? Un chrétien peut parvenir à rendre les choses conciliables : la dette à l’Autre a été payée symboliquement, une fois pour toutes ; l’autonomie est permise, sous certaines réserves (celles-ci varient d’une Église à l’autre). Mais pour un juif, la dette n’est pas éteinte symboliquement, son extinction est seulement promise. Sa remise ne dépend pas des œuvres, ni même des intentions. Dieu seul émancipera.

Que peut être alors un « citoyen français ou allemand de confession israélite » ? Surtout s’il est officier : Dreyfus, ou chef de gouvernement : Blum ! Dans l’inconscient européen, il est admis que sa dette à l’égard de l’Autre primera ses devoirs envers les autres, la communauté nationale. Et qu’il est forcément un traître en puissance. Ou alors il faut qu’il s’oublie comme juif. C’est la grande tentation des « assimilés » eux-mêmes. La « solution finale » viendra leur rappeler, monstrueusement, qu’ils sont toujours, même malgré eux, les témoins de ce dont l’Europe ne veut rien savoir.

On s’étonne qu’après cela l’antisémitisme persiste. Mais regardez la société contemporaine. Elle ne parle plus du tout de fraternité, ni chrétienne ni républicaine. Elle ne parle que du partage des biens et des bienfaits du « développement ». Tout y est permis dans les limites de ce qui se définit comme justice distributive. Nous ne devons plus que des services, et seulement les uns aux autres. Partenaires socio-économiques dans une très grosse affaire, le développement. Le passé n’y a d’importance qu’autant qu’il est capitalisé en pouvoirs de toutes sortes, qui nous permettent d’être les premiers « sur le futur ». Profession touchée aussi par le discrédit, la politique ne sert qu’à favoriser le développement en veillant à la redistribution de ses effets. Elle a perdu le monopole de la tragédie. Tant pis et tant mieux. Il en sera ainsi pour toute la nouvelle grande Europe.

Précipitée en avant, quel intérêt celle-ci peut-elle avoir pour ce que dit, dans le livre des juifs, la voix inconnue ? Que peuvent lui faire ces obscures histoires de loi et de dette entre des bandes de pasteurs, et vieilles de plusieurs millénaires ? Ces commandements d’un autre âge ? Les lecteurs obstinés de ce livre, les témoins de l’Autre ne sont même plus gênants mais pittoresques. Forme post-moderne du refoulement : ils sont mis en état de désuétude, ils deviennent kitsch. Les juifs, on les aime bien, somme toute.

Ainsi se poursuit, dans l’inconscient de l’Europe permissive, l’anéantissement de ce que dit leur livre, qui est que la loi ne nous appartient pas et que notre réconciliation avec elle reste en souffrance. Cela, c’est l’antisémitisme constitutif de l’Europe qui, d’une manière ou d’une autre, a toujours pensé le contraire : son auto-constitution. Ce qui a indigné dans la profanation du cimetière de Carpentras, c’est, je le crains, qu’elle était vraiment d’un autre âge. Abjecte au regard des « valeurs » contemporaines. Mais qu’en est-il de celles-ci au regard du livre que lisaient les morts de Carpentras ?


Jean-François Lyotard

Merci à Dolorès Lyotard de nous avoir permis de republier ce texte.

 

Notes

1 Voir notamment : Le Différend (1984, Editions de Minuit) ou Heidegger et « les juifs » (Verdier). On lira également le beau livre d’Elisabeth de Fontenay : Une tout autre histoire : Questions à Jean-François Lyotard (2006, Fayard)
2 Ce texte a été publié dans la page « Rebonds » de Libération le 15 mai 1990.

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