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Violences sexuelles dans le bouddhisme : le sujet tabou d'un documentaire sur ARTE
Sogyal Rinpoche, l'un des lama installé en occident qui a été visé par des accusations de viol, conduisant le Dalaï-Lama à le désavouer.
Patrick Pleul/AP/SIPA

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Violences sexuelles dans le bouddhisme : le sujet tabou d'un documentaire sur ARTE

Entretien

Propos recueillis par

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Un livre et un documentaire diffusé mardi 13 septembre sur ARTE exposent les violences sexuelles dont ont été victimes de nombreux adeptes du Bouddhisme. Un sujet encore tabou sur lequel le Dalaï-Lama, Prix Nobel de la paix, et son interprète français Matthieu Ricard, ont le plus grand mal à s'exprimer. « Marianne » s'est entretenu avec les auteurs et réalisateurs, les journalistes Elodie Emery et Wandrille Lanos.

Deux journalistes publient un livre aux éditions JC Lattès sur les violences sexuelles qui ont frappé des adeptes de cette spiritualité tibétaine, Bouddhisme, la loi du silence. Ils exposent également ces pratiques dans un documentaire diffusé mardi 13 novembre sur ARTE. Leur travail documente les tabous et la loi du silence qui ont longtemps pesé sur ces exactions, dont certaines ont touché des enfants. Entretien.

Marianne : Le bouddhisme jouit en France et en Occident d'une très bonne réputation, beaucoup y voyant une forme de spiritualité inoffensive, au contraire des monothéismes. Comment a-t-on réagi à votre documentaire ?

Wandrille Lanos : Que ce soit dans nos cercles intimes ou professionnels, les gens sont toujours surpris de découvrir des dérives, notamment sexuelles, dans le bouddhisme. On entend beaucoup : « Dans le bouddhisme aussi ?! » Cette première remarque, instinctive, montre à quel point c'est un sujet qui est mal connu, au-dehors des petits cercles bouddhistes. On peut l'expliquer par une raison historique, liée à la façon dont le bouddhisme a rencontré l'Occident, au moment où la jeunesse hippie se détourne du christianisme et du matérialisme et se cherche un refuge spirituel.

Élodie Emery : Le bouddhisme a été successivement présenté comme une philosophie, un mode de vie et plus récemment comme une science de l’esprit. On a complètement oublié qu'il s'agit d'une religion. C'est une des raisons pour lesquelles il y a un avis aussi unanimement positif au sujet du bouddhisme. Dans le livre, nous citons une étude menée à l'université de Strasbourg sur les « chercheurs spirituels », tous ces gens qui cherchent à donner un sens à leur vie, notamment par le yoga ou la méditation. C'est une population qui nous semble grandissante en Occident. Parmi ces « chercheurs spirituels », 80 % se disent sympathisants du bouddhisme, un score que n'obtient aucune autre religion. Cela tient aussi au talent du Dalaï-Lama, qui a su présenter sa religion comme répondant aux aspirations occidentales. Lors du discours qu'il donne à la cérémonie de remise du Prix Nobel de la paix, en 1989, les éléments de langage cochent toutes les cases occidentales : il parle d'écologie, de la responsabilité vis-à-vis de la planète, du rapport entre spiritualité et sciences…

W. L. : Il représente un peuple victime d’une invasion, certains parlent de génocide, ils ont été expulsés, chassés de chez eux. Au moment du Prix Nobel, il a aussi des mots très forts pour son peuple, il commence d'ailleurs par s’adresser à lui en tibétain. Il a évidemment un rôle politique en tant que chef d’une nation exilée. C'est ce que l'on perd de vue en le considérant comme un phare spirituel, et ce qui contribue à créer ce personnage mythifié.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne