Vosges « Les violences physiques trouvent leurs sources dans les violences psychologiques » explique Amandine Bey

Amandine Bey, directrice du CIDFF (Centre d’information sur le droit des femmes et des familles), nous livre son analyse sur le quotidien des femmes victimes de violences psychologiques ayant poussé la porte de la structure.
Recueillis par S. de G. - 12 sept. 2022 à 16:00 | mis à jour le 13 sept. 2022 à 08:29 - Temps de lecture :
Amandine BEY, directrice du CIDFF.  Photo d’archives VM /Jean-Charles OLE
Amandine BEY, directrice du CIDFF. Photo d’archives VM /Jean-Charles OLE

Des violences de multiples sortes

« Elles s’exercent de 1 001 façons. Bien entendu, il y a les dénigrements, professionnels ou à propos de leur rôle de mère. Il y a aussi la pression qui va être instaurée par le biais d’un contrôle permanent de tout. Le conjoint voudra ainsi savoir où était sa compagne et avec qui. Il peut aller jusqu’à relever le compteur kilométrique du véhicule. Mais le conjoint peut faire régner ces violences par le silence ce qui donne l’impression à ces femmes de se sentir complètement transparentes. Tous ces actes n’ont qu’un but : faire perdre à ces femmes le peu de confiance qui pouvait leur rester.

Souvent un point de départ aux violences physiques

« On ne rencontre pas, ou alors de manière très marginale, des victimes de violences physiques qui n’aient pas subi avant des violences psychologiques. Il est en effet très rare d’arriver tout de suite à un acte physique. Il y aura déjà, soit une insulte, soit une remise en cause de ce qu’elles ont fait. Les violences physiques trouvent leurs sources dans les violences psychologiques. »

Un sentiment de défaitisme chez les victimes

« La majorité de ces femmes vivent avec un auteur qui leur dit : « Tu auras beau faire ce que tu veux, personne ne te croira. » Et le jour où elles décident de briser l’omerta, c’est souvent compliqué de démontrer l’existence de ces violences et de donner lieu à une condamnation en raison de la présomption d’innocence et de la question de la matérialité des faits. Les victimes ont souvent l’impression de ne pas être crues et se disent que leurs démarches n’ont servi à rien. Si la procédure n’aboutit pas, cela peut mettre ces femmes encore plus en danger car elles restent aux côtés d’un auteur qui va se sentir tout puissant. »

Le CIDFF pour libérer la parole

«  Nous devons faire prendre conscience à ces femmes qu’elles sont dans un lieu de confiance , que nous ne sommes pas là pour les juger et que nous serons là pour les accompagner au moment où elles le souhaiteront. Nous sommes là aussi pour mettre des mots sur ce qu’elles ont subi. Au fil des discussions, on arrive à identifier le début de ces violences, qui ont été complètement banalisées, et on les aide à travailler sur cette relation d’emprise. Nous ne les forçons pas à parler. Il faut qu’elles prennent le temps pour s’approprier leur histoire et qu’elles prennent connaissance des dispositifs en place qui leur permettront d’agir au niveau pénal. Si elles ne sont pas suffisamment autonomes, on les accompagnera dans diverses procédures, notamment celles relevant de leurs droits au logement. »

Une large majorité encore silencieuse

« L’an dernier, nous avons reçu 606 victimes (ce qui inclut les violences physiques et psychologiques). Pour cette année, au 30 août, nous en sommes à 465 victimes. Des violences psychologiques ont été identifiées chez toutes les victimes qui nous ont sollicitées. Mais cela est loin de représenter l’intégralité des femmes victimes dans le département. Car il y a celles qui n’ont pas encore pris conscience, celles qui n’ont pas eu la force ou la capacité de les dénoncer et celles qui n’ont pas envie de le faire par peur que l’après soit pire que le quotidien actuel. »