Les rhynchocéphales sont des reptiles, des "cousins" des squamates, un ordre qui comprend les lézards et les serpents. En dépit de leur ressemblance, les deux groupes se sont séparés il y a près de 230 millions d'années et ont connu des fortunes diverses. Ainsi, si les squamates sont actuellement largement diversifiés, les rhynchocéphales eux ne sont plus représentés que par le tuatara (Sphenodon punctatus) endémique de Nouvelle-Zélande. Au Jurassique, il y a entre -201,3 et -145 millions, ils étaient à leur apogée et occupaient de nombreuses niches écologiques. Certains se nourrissaient de poissons tandis que d'autres étaient herbivores. Le spécimen nouvellement découvert était probablement insectivore.
Trouvé autour d'un nid de dinosaure
Baptisé Opisthiamimus gregori, la nouvelle espèce a été identifiée à partir de plusieurs spécimens, dont un presque entièrement conservé, trouvés dans la formation Morrison, au nord du Wyoming, aux Etats-Unis, autour du nid d'un gros dinosaure, un allosaure. La plupart des fossiles ne comptaient que quelques os mais l'un des individus était presque complet, à l'exception de la queue et de certaines parties des pattes postérieures. Une découverte très rare pour les rhynchocéphales, qui sont surtout connus à partir de fragments osseux de mâchoires et des dents.
Les os du spécimen quasi-complet ont été numérisés à partir de clichés réalisés dans trois installations différentes de microtomodensitométrie dont celle du Smithsonian Museum, qui abrite désormais le fossile. Grâce à ce travail, les paléontologues ont pu recréer en 3D le squelette du rhynchocéphale qui mesure environ 16 centimètres de longueur. Une attention particulière a été portée sur le crâne dont certains os étaient écrasés ou déplacés.
La recréation en 3D du squelette du rhynchocéphale
Déclin encore mystérieux
La description du squelette d'Opisthiamimus gregori fait l'objet d'une publication dans le Journal of Systematic Palaeontology. Les auteurs y estiment que compte tenu de sa petite taille et de la forme de ses dents, l'animal devait probablement se nourrir d'insectes et éventuellement de proies à carapaces plus dures comme des coléoptères ou des punaises d'eau. D'une manière générale, la nouvelle espèce ressemble un peu à une version miniaturisée de son seul parent survivant, le tuatara, qui est 5 fois plus grand. L'exceptionnelle conservation du fossile va permettre aux paléontologues de mieux classer, dans l'arbre évolutif, les restes fragmentaires d'autres rhynchocéphales dont l'identification est difficile.
Elle offre également l'opportunité d'étudier la mâchoire particulière qui équipe ce groupe. En effet, la denture des rhynchocéphales ne ressemble à aucune autre chez les reptiles : leurs dents sont des excroissances osseuses plutôt que des structures individualisées. De même, le mouvement de mastication du tuatara est aussi unique : comme une scie, la mâchoire inférieure pivote d'avant en arrière. De nombreuses autres particularités comme une longue durée de vie (jusqu'à 100 ans) et une adaptation à des températures plus fraîches distinguent rhynchocéphales et squamates. Rien toutefois qui puisse expliquer de manière concluante pourquoi ce groupe a décliné et laissé le champ libre aux lézards et autres serpents.