Les enfants, et même petits-enfants à risque d’asthme si les pères ont respiré de la fumée de cigarette

De nouvelles recherches mettent en évidence comment le tabagisme peut nuire à la santé non seulement des fumeurs et de leurs enfants, mais aussi de leurs petits-enfants. Les chercheurs ont en effet découvert que le risque d'asthme non allergique chez les enfants augmentait de 59 % si leurs pères étaient exposés à la fumée secondaire dans leur enfance.
Alexandra Bresson
Les enfants, et même petits-enfants à risque d’asthme si les pères ont respiré de la fumée de cigarette iStock/Terroa

Qu’il soit actif et même passif, le tabagisme augmente le risque d'apparition et/ou d’aggravation de l'asthme en entraînant une accélération du déclin de la fonction respiratoire ou en diminuant l’efficacité des corticoïdes inhalés et/ou oraux. La majorité des études s’étant intéressées au lien entre tabagisme et asthme suggèrent par ailleurs un risque en corrélation avec la quantité de tabac fumé. En outre, le tabagisme passif chez l’enfant asthmatique augmente la fréquence des crises d’asthme et altère la maturation immunitaire. Mais une étude publiée dans l’European Respiratory Journalet relayée par l’European Lung Foundation montre que ce risque est plus répandu qu’il n’y paraît, en lien avec la génétique de la famille. Celle-ci affirme en effet que les enfants sont plus susceptibles de développer de l'asthme si leur père a été exposé à la fumée secondaire lorsqu'il était enfant, mais surtout que le risque d'asthme chez les enfants est encore plus élevé si leur père a été exposé à la fumée secondaire et est devenu fumeur.

Les chercheurs estiment de fait que leurs découvertes mettent en évidence à quel point le tabagisme peut nuire à la santé non seulement des fumeurs et de leurs enfants, mais également de leurs petits-enfants. L'étude était basée sur les données de la Tasmanian Longitudinal Health Study (TAHS) lancée en 1968, l'une des études respiratoires les plus importantes et les plus longues au monde. Pour cette étude, les chercheurs ont examiné les données détaillées de 1 689 paires de pères et de leurs enfants. Le but : comparer des données indiquant si les enfants avaient développé de l'asthme à l'âge de 7 ans avec des données indiquant si les pères avaient grandi avec des parents qui fumaient lorsqu'ils avaient eux-mêmes moins de 15 ans. Les données indiquant si les pères étaient des fumeurs actuels ou anciens ont également été prises en compte. Les résultats ont confirmé l’importance pour la communauté scientifique et médicale d’aborder le caractère intergénérationnel que peut avoir la problématique du tabagisme.

Le rôle de l’épigénétique mis à jour

« Nous avons constaté que le risque d'asthme non allergique chez les enfants augmente de 59% si leurs pères ont été exposés à la fumée secondaire dans l'enfance, par rapport aux enfants dont les pères n'ont pas été exposés. Le risque était encore plus élevé, à 72%, si les pères étaient exposés à la fumée secondaire et continuaient à fumer eux-mêmes. », indique ainsi l’équipe scientifique. « Nos résultats montrent comment les dommages causés par le tabagisme peuvent avoir un impact non seulement sur les fumeurs, mais aussi sur leurs enfants et petits-enfants. Pour les hommes exposés à la fumée secondaire dans leur enfance, l’étude suggère qu'ils peuvent encore réduire le risque qu'ils transmettent à leurs propres enfants, s'ils évitent de fumer. » Bien que les chercheurs ne soient pas certains de la façon dont ces dommages se transmettent de génération en génération, leur hypothèse évoque l’épigénétique : des changements dans l’activité des gènes, n’impliquant pas de modification de la séquence d’ADN.

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Plus précisément, les facteurs épigénétiques correspondent à des modifications biochimiques apposées sur l’ADN ou les protéines qui le structurent. Ces « marques biochimiques » modifient l’activité des gènes sans changer la séquence d’ADN sous-jacente, sachant que leur présence est influencée par des facteurs variés comme l’âge, l’environnement, le style de vie (tabac) ou une maladie. Contrairement aux altérations génétiques qui modifient la séquence d’ADN, ces marques sont réversibles mais elles peuvent être transmises d’une génération à l’autre selon des mécanismes encore mal compris. Il est désormais admis que des anomalies épigénétiques contribuent au développement et à la progression de maladies humaines, en particulier de cancers. « C'est là que des facteurs de notre environnement, tels que la fumée de tabac, interagissent avec nos gènes pu modifier leur expression. Ces changements peuvent être héréditaires mais peuvent être partiellement réversibles à chaque génération. », notent les chercheurs.

« Les dommages causés par le tabac peuvent être transmis aux enfants et petits-enfants »

Ces derniers ajoutent : « il est possible que la fumée de tabac crée des changements épigénétiques dans les cellules germinales, qui produiront des spermatozoïdes lorsque les garçons grandiront. Plus tard, ces changements seront transmis à leurs propres enfants, ce qui peut nuire à leur santé, notamment un risque plus élevé de développer de l'asthme. Chez les garçons, les cellules germinales continuent de se développer jusqu'à la puberté, et c'est une période vulnérable où l'exposition à la fumée de tabac peut affecter les cellules et provoquer des changements épigénétiques. » A noter que cette étude concerne l’asthme non allergique et non l’asthme allergique. Dans l'asthme non allergique, divers facteurs déclenchants non spécifiques (air froid et sec, poussière, irritants chimiques et physiques, effort physique, pollution, stress émotionnel, tabac…) sont à l'origine des crises tandis que dans le cas de l'asthme allergique, la cause est généralement une hypersensibilité à des particules qui se trouvent dans l'air inspiré.

La prochaine étape de l’étude consistera à déterminer si le risque accru d'asthme persiste à l'âge adulte et si les pères exposés à la fumée secondaire pendant l’enfance transmettent aussi un risque d’allergies ou d'autres maladies pulmonaires à leurs enfants. Le Pr Jonathan Grigg, président du comité de lutte contre le tabagisme de l'European Respiratory écrit à la fin de cette étude que « l'asthme est une affection pulmonaire courante à long terme qui affecte les enfants et adultes et nécessite généralement un traitement continu. Nous savions déjà que le tabagisme peut augmenter le risque d'asthme mais cette étude ajoute à la preuve croissante que les dommages causés par la fumée de tabac peuvent être transmis aux enfants et petits-enfants. Nous devons protéger les enfants de ces dommages avec des mesures pour décourager le tabagisme et un soutien pour aider les fumeurs à arrêter. » A noter qu’en France, le gouvernement vise, dans le cadre du dernier « Plan Cancer », une « génération sans tabac» pour ceux qui auront 20 ans en 2030, soit une génération avec moins de 5 % de fumeurs.

le 16/09/2022